Le Musée Départemental Maurice Denis
Etudiante en deuxième année du Master Expographie-Muséographie, je suis en apprentissage en régie des collections au Musée Maurice Denis, à Saint-Germain-en-Laye.
Ce charmant petit lieu situé en banlieue parisienne était à l’origine un hôpital général royal, construit au XVIIème siècle à la demande de Madame de Montespan. Devenue demeure du peintre Maurice Denis en 1914, le site se compose du musée, d’une chapelle entièrement décorée par l’artiste et d’un jardin. L’ancien atelier du peintre, construit par l’architecte Auguste Perret en 1912 se situe aussi sur la propriété, mais il n’est pas accessible au public. La création du musée remonte à 1976, date à laquelle la famille Denis fait don du bâtiment et d’environ 1500 objets au Département des Yvelines. Des travaux sont nécessaires à l’aménagement de la bâtisse en lieu d’exposition, c’est pour cette raison que le Prieuré Maurice Denis ouvre ses portes au public seulement en 1980, soit quatre années après le versement du fonds de dotation. Aujourd’hui dirigé par Marie-Aline Charier et connu sous le nom du Musée Départemental Maurice Denis, le musée fêtera en fin d’année 2020 ses quarante années d’existence et les cent cinquantième anniversaires de Maurice Denis. Classé Monument Historique, le Prieuré est aussi Musée de France et Maison des Illustres. Actuellement fermé pour travaux, il devrait ré-ouvrir ses portes en 2021.
© SUMNER MAUD, Vue du Prieuré côté jardin, aquarelle, Musée Départemental Maurice Denis
Le récolement des œuvres in situ
C’est avec enthousiasme qu’en septembre dernier, j’ai rejoint le service de conservation des collections du musée pour devenir apprentie auprès d’Elisabeth Verbecq, la régisseuse des collections du musée. Les travaux n’avaient pas encore commencé mais les espaces muséographiques avaient déjà été vidés.
Une des premières missions à laquelle j’ai pu participer a été le récolement des œuvres destinées à rester in situ, tant à l’intérieur du musée quand dans le jardin. Il s’agit d’une opération qui vise notamment à localiser les expôts inscrits à l’inventaire, constater leur état de conservation, appliquer des mesures de conservation préventive ou encore prendre des photos actuelles, permettant ainsi de voir l’évolution de ces derniers au cours du temps. Depuis, les Musées de France sont soumis à des obligations (régies par l’article L 451-2 du Code du Patrimoine et article 12 de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France) de récoler l’ensemble de leur collection tous les dix ans. Il s’agit d’un travail de fond, qui nécessite parfois beaucoup de temps et de moyens humains et financiers.
© Marie-Aline Charier, directrice du Musée Maurice Denis, lors du récolement de l’Epopée Polonaise pour le monument à Mickiewicz d’Antoine Bourdelle
La protection des œuvres – préparation au chantier
A la suite de la mission précédente et afin de ne pas endommager les œuvres lors de l’intervention des ouvriers, nous avons fait appel à des professionnels pour réaliser des mises à distance de protection. Des protections molles dans des matériaux neutres ont été disposées, puis des coffrages en bois ont été réalisés sur mesure afin de permettre les interventions à venir. Cela concernait plusieurs typologies d’œuvres : des vitraux, une cheminée en céramique, les boiseries du salon de l’Eternel Printemps de Gabriel Thomas ou encore des statues en bronze d’Antoine Bourdelle. Certaines se trouvaient à hauteur d’homme et ne présentaient pas de reliefs particuliers, d’autres étaient installées en hauteur dans l’escalier monumental à double révolution ou bien dans le jardin. De plus, l’intervention à proximité des œuvres impliquait de trouver des systèmes d’attache non invasifs pour les murs et les œuvres, afin que les protections ne soient pas des obstacles au bon déroulement des travaux, et que leur retrait n’implique pas de nouvelles actions.
© Marie-Aline Charier, directrice du Musée Maurice Denis, lors de la réalisation d’un coffrage autoportant pour l’Epopée Polonaise pour le monument à Mickiewicz d’Antoine Bourdelle
Le traitement par anoxie
Au cours de l’année d’apprentissage, j’ai participé à d’autres missions de régie, comme le traitement d’œuvres par anoxie. Cette opération consiste à placer les expôts dans un milieu privé d’oxygène afin de stopper la prolifération puis traiter les potentielles infestations (qu’il s’agisse d’insectes ou encore de moisissures). Pour ce faire, il s’agit principalement d’installer les œuvres dans des poches hermétiques puis d’en retirer l’air, il est aussi possible de placer des sachets de gel de silice pour absorber l’humidité. Les contenants sont par la suite isolés, mis en quarantaine, afin de ne pas contaminer le reste des collections. A l’issue de cette démarche, qui dure en moyenne au moins trois semaines, les œuvres sont sorties de leurs conditionnements et doivent être inspectées et nettoyées. Cela permet de constater l’ampleur des dégâts et de déterminer s’il est nécessaire ou non de prévoir une intervention de restauration.
Le conditionnement sur rouleau
A titre d’exemple, ma maître d’apprentissage et moi nous sommes occupées des anciens rideaux en velours de la chapelle du Prieuré. Inscrits à l’inventaire du musée, ils ont donc un statut patrimonial et doivent être traités au même titre que les autres expôts des collections. Nous avons procédé à leur dépoussiérage par micro-aspiration, avant de les conditionner sur des tubes d’une vingtaine de centimètres de diamètre, composées de matière neutre (c’est-à-dire non abrasive, sans évolution des conditions de conservation dans le temps) à l’aide de larges feuilles de papier de soie. Les rouleaux ont été sécurisés par des bandes de mylar avant d’être installés sur les cantilevers (des rayonnages en porte-à-faux) des réserves du musée. La conservation préventive, née aux alentours des années 1980, a pour principe d’augmenter l’espérance de vie d’un objet en les préservant des détériorations naturelles ou accidentelles pouvant subvenir au cours de leur existence. Elle se différencie de la restauration, qui intervient à posteriori, pour stopper ou masquer les dégradations. Celle-ci n’est cependant pas une solution universelle, car elle s’avère excessivement chère et peut contribuer à la dépréciation du bien, notamment si elle n’est pas réalisée par des spécialistes. A titre d’exemple, il est possible de se référer à la restauration d’une fresque murale renommée humoristiquement « Christ-singe » en 2012, ou encore celle de la statue représentant saint Georges en 2018.
Conditionnement sur rouleau d’un ancien rideau de la chapelle du Prieuré, © C. Quernée
Bilan
Cette année d’apprentissage riche en enseignement et en pratique, alternait des cessions sur le terrain et au bureau, pour les tâches plus administratives. Ces deux aspects sont à la fois éloignés et complémentaires. Si je devais résumer mon apprentissage en quelques mots, je dirais que la régie des collections est une expérience fascinante, où l’on rencontre et travaille avec et pour des œuvres qui pour la plupart sont bien plus âgées que nous et nous survivrons. Le travail que nous effectuons a pour objectif de leur permettre d’exister dans les meilleures conditions possibles, afin qu’elles puissent être présentées au public, autant dans notre musée que dans d’autres instituions, mais surtout et bien encore, qu’elles puissent être transmises aux générations futures. De cette expérience, je garde en mémoire ma rencontre avec mes collègues, avec le lieu, mais aussi avec les œuvres que j’ai découvertes en travaillant à leur contact. Mon alternance s’achève mais le musée réserve de belles surprises à sa réouverture.
Camille Quernée
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