Du 9 octobre 2020 au 25 juillet 2021, le musée du Quai Branly – Jacques Chirac présente l’exposition « Les Olmèques et les cultures du Golfe du Mexique ». Si une exposition sur les Olmèques avait déjà été présentée aux États-Unis (« Olmecs, colossal masterworks of Ancient Mexico », Los Angeles County Museum of Art, octobre 2010 – janvier 2011 ; de Young Museum, San Francisco, février – mai 2011), ce sujet est encore inédit en Europe. Dédiée à la mise en lumière de civilisations encore peu connues, du grand public et même des archéologues, cette exposition présente le brassage culturel qui a caractérisé le Golfe du Mexique durant près de trois millénaires.
Un parcours qui met en lumière ces cultures…
L’exposition commence dès le hall d’entrée du musée par la présentation d’une tête colossale, caractéristique de l’art Olmèque. Présentée sur un socle de couleur bleu canard, cette œuvre invite le.a visiteur.euse à emprunter la rampe pour en découvrir davantage.
Tête colossale présentée dans le hall du musée © E. V-P
En entrant dans l’exposition, présentée sur la mezzanine Est du musée, le.a visiteur.euse découvre alors le début du parcours. Celui-ci commence par une courte présentation du propos de l’exposition : les Olmèques, et leur influence sur les autres cultures de cette région mésoaméricaine. Le texte informe aussi le.a lecteur.rice de ce qu’il va voir : des objets exceptionnels, jamais montrés en France.
La première séquence, au fond bleu canard, est dédiée plus spécifiquement aux Olmèques, la période durant laquelle ils se sont développés mais aussi leurs caractéristiques, comme l’organisation en ville ou la statuaire monumentale. À côté de ce texte introductif, une frise rappelle la chronologie mésoaméricaine et les différentes périodes – préclassique, classique et postclassique. Des objets illustrent alors les caractéristiques de cet art olmèque, comme le groupe des monuments 7 à 9, dit « Ensemble des Azuzules », retrouvé sur le second site de San Lorenzo. Cette séquence présente aussi plus en détail les villes de San Lorenzo et de La Venta, considérées comme les capitales olmèques. Un film diffusé au milieu de cette séquence retrace de manière assez romancée l’histoire de la culture.
Texte de la section « Les Olmèques », frise et carte © E. V-P
La deuxième séquence, sur murs jaunes, aborde la question centrale de l’écriture et de la linguistique dans la culture olmèque. Si les populations n’ont développé une forme d’écriture que tardivement, celle-ci va considérablement influencer les cultures qui la suivent, jusqu’aux Mayas et aux Aztèques. Les stèles présentées sont décryptées sur le mur leur faisant face, des dessins soulignant les photographies des glyphes.
La séquence suivante, intitulée « femmes et hommes du Golfe », sur fond blanc, présente l’influence de l’art olmèque sur les autres cultures du Golfe. Au centre de la pièce est placée une sculpture olmèque, entourée d’autres pièces de cultures contemporaines ou suivantes. Seulement une seule d’entre elle est mise en avant : les Huastèques, dont un court texte présente l’origine et le développement.
La quatrième séquence, avec des cimaises et des murs de nouveau bleus, « Offrandes », présente des groupes d’offrandes retrouvés sur des sites archéologiques comme les sculptures en bois d’El Manatí ou le dépôt de La Merced. Cette section met en lumière les fouilles et le contexte de découverte des différents objets, ainsi que l’importance des rituels pour les cultures du Golfe.
Section « Offrandes » © E. V-P
L’avant-dernière séquence, aux murs rouges, met en avant les interactions qu’ont entretenues les cultures de la côte du Golfe avec les régions voisines. Les recherches ont montré que les populations possédaient des caractéristiques communes comme la linguistique, les motifs architecturaux ou le jeu de balle.
Enfin, l’exposition se conclut sur le site de Tamtoc, cœur du développement huastèque, et la sculpture dite « La femme scarifiée ». La scénographie de cette section évoque le contexte de découverte de l’œuvre. Celle-ci fut découverte dans un réservoir d’eau.
Présentation de la « femme sacrifiée » © E. V-P
… mais une muséographie et un propos difficilement compréhensible
« Les Olmèques et les cultures du Golfe du Mexique » est une exposition très dense, tant au niveau du nombre d’œuvres présentées, appartenant aux Olmèques et aux cultures du Golfe, que de la quantité d’informations délivrées aux visiteurs. Si la division des séquences est perceptible grâce au code couleur mural dans l’exposition, le propos l’est parfois moins.
Les Olmèques sont une culture encore mal connue, d’abord à cause du peu d’objets qui nous sont parvenus, mais aussi à cause de la lecture soit raciste, soit eurocentrée et évolutionniste des témoins culturels qu’ils ont livrés. Si aujourd’hui la théorie d’un peuple éthiopien qui se serait perdu dans l’océan est abandonnée, les chercheur.euse.s ne sont pas tous d’accord sur le foyer de développement de la culture. Certains s’accordent à dire qu’il s’agit d’une culture qui s’est développée sur la côte du Golfe, d’autres formulent l’hypothèse d’une population venue de la côte pacifique et qui aurait ensuite voyagé.
La culture Olmèque est donc identifiée par le développement de cités avec une organisation spécifique. Il est néanmoins difficile de déterminer précisément l'organisation de ces villes : est-ce qu'il y avait un chef.fe commun ? est-ce qu'ils s'agissaient plus de cités-états ? est-ce qu'ils s'agissaient de capitales ? L’exposition n’aborde pas toutes ces incertitudes qu’ont les chercheur.euse.s, par exemple en présentant les villes de San Lorenzo et La Venta comme des capitales, alors qu’il est difficile de l’affirmer ou de l’infirmer. Les Olmèques sont aussi identifiés par ce qu'on appelle le « style olmèque ». Celui-ci est caractérisé par une bouche aux commissures tombantes, des lèvres charnues, un nez épaté, qui a longtemps été décrit comme des « traits négroïdes » et qui a fait dire que les Olmèques étaient un peuple africain. Cette théorie est aujourd’hui abandonnée. Ce style, et l’organisation en cités, ont influencé des cultures contemporaines et postérieures, appelées les épi-olmèques, comme les Huastèques, culture épi-olmèque la plus connue et la mieux identifiée. Néanmoins le terme « culture » est lui aussi soumis à des controverses. Il s'agit de villes ou de sites où l'on a retrouvé des traces d'une influence olmèque, mais il est difficile de dire s'il s'agissait véritablement d'une culture. L’exposition ne montre pas les difficultés qu’ont les chercheur.euse.s et archéologues d'identifier ces cultures.
En raison le manque de connaissances de ces cultures du Golfe, leur distinction n’est pas claire. En effet, l’exposition ne présente pas que des objets olmèques, c’est d’ailleurs là tout son propos. Néanmoins, les objets assimilés aux Olmèques ne sont pas différenciés de ceux appartenant à d’autres cultures. Ainsi, dans la première séquence, le.a visiteur.euse peut avoir l’impression que toutes les œuvres proviennent des Olmèques, ce qui n’est pas le cas. Cette difficulté d’appréhension brouille d’ailleurs la compréhension de la culture olmèque, allant dans le sens opposé du but de l’exposition. Cela est d’autant plus vrai dans la séquence intitulée « femmes et hommes du Golfe », présentant des œuvres de différentes cultures. Sur les cartels, aucune mention de ces cultures n’est faite. La seule différence de traitement réside dans le fait que l’œuvre olmèque est au centre, et les autres sont positionnées autour. Cette mise en avant muséographique est claire pour un néophyte, mais l’est-elle autant pour un.e visiteur.euse moins averti ? Ce n’est que dans l’avant dernière section que des cartels feront mention d’une autre culture : maya ou aztèque.
Stèle 6 du site de Cerro de las Mesas et son cartel, mentionnant le terme épi-olmèque, sans que celui-ci ne soit explicité © E. V-P
Pourquoi ne pas mentionner le nom de ces différentes cultures ? Un.e visiteur.euse non averti va-t-il comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’œuvres olmèques ? L’absence de mention de ces cultures peut être due au fait qu’encore aujourd’hui nous les connaissons très mal. Il est donc difficile d’affirmer avec précision de quelles populations il pouvait s’agir. Pourtant, il aurait été pertinent d’en faire mention. Pour une exposition se targuant de célébrer « les résultats de plusieurs missions archéologiques », la mise en lumière de la recherche actuelle semble cohérente dans le propos. La mention « culture inconnue » aurait probablement pu aider les visiteur.euse.s à mieux se repérer et à comprendre cette influence.
Enfin, les dernières sections sont assez complexes et leur présence dans l’exposition n’est pas claire. En effet, après la séquence « femmes et hommes du Golfe », dédiée à l’influence olmèque, la section « offrandes » revient sur la culture et les rituels caractéristiques. La séquence, « interactions », aborde de nouveau la question des échanges, déjà évoquée en section « femmes et hommes du Golfe ». Enfin, la dernière séquence, ainsi que la conclusion sur le site de Tamtoc, est sûrement la plus complexe. En effet, elle fait appel à des connaissances extérieures à l’exposition, notamment sur le site de Teotihuacan. Ces séquences sont plus dédiées à un public spécialiste, et n’ont peut-être pas leur place tout à la fin de l’exposition, après une heure de visite et une certaine fatigue accumulée.
Plus largement, comment comprendre le terme culture ? La mention des « cultures du Golfe » dans le titre permet d’englober l’aire géographique, sans que ces cultures ne soient clarifiées. Mais, l’exposition participe à la confusion entre styles et cultures. L’exposition mentionne plusieurs fois les « traits olmèques », qui est un style qu’on retrouve au-delà du Veracruz, et du Golfe même. Dans le monde épi-olmèque, c’est-à-dire après les Olmèques, les styles sont plus locaux, par site presque. À la fin de l’exposition, comment le visiteur définirait-il les « cultures du Golfe » ?
Si cette exposition a le mérite de mettre en lumière des cultures peu connues, et de montrer une richesse d’objets, elle garde un regard empreint de pratiques occidentales et un discours au niveau de lecture parfois difficilement compréhensible.
E. V-P
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