Légende photo de couverture-vignette : Centre de conservation et de ressources © Yves Inchierman, Mucem
Légende photo d’intro de l’article : Les réserves visibles du Louvre Lens © Louvre Lens
Qui dit musée dit collections, sauf rares exceptions, à mettre en valeur et qui dit collections dit acquisitions et enrichissement de celles-ci. La valorisation du musée et de ses collections passe en partie par une politique d’acquisition définie. Les musées sont généralement fiers de présenter à leur public les nouvelles acquisitions, qui peuvent être le résultat d’achats ou de dons prestigieux. Au contraire, ils ne parlent jamais des dons refusés, de ces objets que des particuliers souhaitent offrir à titre gratuit aux musées de leur choix pour les voir valoriser. Il n’y a en effet pas de raison pour que les musées mettent en avant à travers leur communication les dons refusés, qui n’entrent pas dans les collections, puisque par définition ils ne font pas partie du musée. Pourtant, l’acte même de refus est particulièrement intéressant à questionner. Il offre une réflexion sur la démarche des musées, sur leur Projet Culturel et Scientifique (PSC) et la politique d’acquisition qu’ils suivent. Aussi analysons les politiques d’acquisition des musées pour comprendre ce qui définit l’entrée ou non des dons en collection, et la gestion qui s’en suit.
Le caractère inaliénable des collections de musée
Page Internet du Musée des Tissus (Lyon) : faire un don d’œuvre
Préconisation sur les politiques d’acquisition
Élaboration des politiques d’acquisition
Il est donc primordial pour tout musée de bien définir sa politique d’acquisition afin d’être en mesure de savoir si les dons peuvent intégrer les collections ou bien s’ils doivent en être écartés. Elles sont mentionnées et explicitées dans le PSC des musées, lui-même élaboré tous les cinq à dix ans. La durée de vie d’un PSC met déjà en avant une difficulté : celle d’élaborer une politique qui dure dans le temps. Les recherches et objectifs d’un musée à un moment donné, établis dans le PSC, ne sont plus forcément les mêmes à la fin de sa validité. La mise à jour de ce dernier est donc indispensable pour poursuivre la bonne cohésion de la collection et continuer à acquérir ou non les œuvres de la façon la plus pertinent possible. De plus, elle détermine si la politique d’acquisition est une priorité pour le musée ou non, et dans le cas des dons cela peut grandement aider de fixer les axes à suivre dans l’intégration ou le refus de dons par l’équipe de conservation.
Vitrine de la Galerie des dons du Musée national de l’histoire de l’immigration © Anne Volery, Palais de la Porte Dorée, 2019
- Ainsi, il faut privilégier des objets dont la valeur scientifique est importante et qui justifie d’un intérêt public dans les domaines d’histoire, art, ethnologie, science etc. Mais comment comprendre l’expression valeur scientifique ? Pour appréhender la valeur d’un tel objet, il faut dans un premier temps avoir une très bonne connaissance de sa provenance et de ses propriétaires. Au-delà de cet aspect, la valeur scientifique se comprend à partir de l’intérêt apporté par l’objet dans l’enrichissement des collections. Tous les dons ne se valent pas et n’apportent pas le même savoir pour le musée qui le possède.
- À partir de là, se développe l’idée de la continuité des collections qui fait partie intégrante de la politique d’acquisition. Il est difficile en effet pour un musée de justifier l’acquisition d’un don qui n’a rien à voir avec les collections. Il s’agit alors d’accepter des dons qui sont en rapport avec les collections, mais surtout qui viennent les compléter et combler des lacunes sur une période historique ou un courant artistique, un·e artiste, un fonds ou une collection précise.
- Les refontes d’espace ou chantiers des collections peuvent également amener à des précisions de la politique d’acquisition. L’évolution d’une approche dans un musée, nouveau discours scientifique, changement muséographique amènent en effet le besoin d’enrichir les collections et de compléter l’existant selon les nouvelles intentions scientifiques et muséographiques.
Traitement des dons
Page Internet du Mucem : collecte participative « vivre au temps du confinement » en 2020
Les dons viennent bien souvent de particuliers, attachés à un musée et souhaitant donner de la valeur à un objet, enrichir les collections ou bien transmettre un patrimoine. Leur démarche est soit subjective et personnelle, motivée par un lien affectif avec le musée et ne va pas toujours dans le sens de la politique scientifique établie par l’équipe de conservation, soit elle s’inscrit dans le cadre d’une collecte définie par le musée lui-même. Dans ce cas-là, la démarche est encadrée et les dons doivent être en lien avec la thématique annoncée, il arrive cependant que des dons ne soient pas toujours en accord avec celle-ci. De ce fait, la conservation est en droit de refuser des dons qui ne lui semblent ni cohérent avec le reste du musée, ni pertinent au regard de la valeur scientifique de l’objet. En effet, la valeur scientifique vient déterminer l’entrée ou non de l’objet au registre d’inventaire. Une autre raison justifiant le refus d’un don peut être son passé juridique. Il peut être difficile selon les objets de déterminer l’origine et les différents propriétaires du don, rendant selon l’objet et la période concernée le propos difficile à justifier pour le musée acquéreur. Pour cette raison et pour éviter d’éventuels soucis juridiques, les musées peuvent refuser l’entrée de dons malgré leur intérêt scientifique. En ce sens la valeur juridique peut prévaloir sur la valeur scientifique.
Alors que nous avons vu que le cas des objets qui ne sont ni conservés ni exposés doit être défini, les PSC précisent peu ce qu’il advient des dons écartés. Différentes pistes sont envisageables. L’objet peut tout de même intégrer le musée, pour le service pédagogique, qui l’utilise lors d’ateliers avec du jeune public ou du public en situation de handicap. Une autre possibilité est de tout simplement laisser l’objet à son propriétaire, lui expliquant que malgré l’intérêt qu’il porte à l’institution son objet n’a pas sa place dans les collections. Enfin, si l’équipe de conservation estime que l’objet a sa place dans un autre musée ou dans une autre collection, il peut proposer un transfert vers cette institution.
Politiques d’acquisition et PSC sont des documents indispensables pour la bonne gestion des collections d’un musée. Ils donnent les axes de réflexion à suivre, les clés pour une gestion cohérente d’une institution muséale. Le musée étant par nature un lien qui collecte des objets ou des œuvres d’art, dons sont soumis à une politique bien précise justifiant ou non de leur entrée en collections. Celle-ci doit donc à la fois définir ce qui peut entrer en au registre d’inventaire, mais aussi les façons de traiter les dons qui n’y ont pas leur place.
Clémence Lucotte
Pour aller plus loin :
Le manuel « Comment gérer un musée » de l’ICOM
La vie des collections des musées de France
Le Vademecum des acquisitions à l’usage des musées de France
Exemples de pages Internet de musée dédiées aux modalités pratiques des dons : Musée des Tissus à Lyon et Musée de l’Armée à Paris
#don #acquisition #ICOM