Quand je rentre dans un musée, j’observe la cohérence et la position de la signalétique, afin d’instantanément visualiser mon parcours de visite. Pourtant au fil de mes nombreuses visites muséales je me suis perdue plus d’une fois et/ou ai été frustrée d’avoir raté une section de l’exposition. Je me suis donc penchée sur cet élément graphique indispensable, qui se doit d’être à la fois discret mais suffisamment visible pour être efficace. 

Un système de signes à part entière

La signalétique se définit comme un système de signes identifiés dans un espace précis, présentant des repères scriptovisuels (langage qui présente à la fois des mots et des images) permettant un double niveau d’interprétation d’informations synthétisées. Pour résumer, la signalétique permet de faire passer un maximum d’informations à l’aide d’un minimum de signes1. Ces derniers prennent la forme de mots, de couleurs, de formes graphiques, composant un ensemble d’éléments visuels, qui, pour permettre une bonne compréhension, sont étroitement liés entre eux. 

 

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Exemple de signalétique directionnelle : Musée Picasso - Paris  © Tiffany Corrieri  

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Exemple de signalétique directionnelle : Palais des Beaux-Arts de Lille - Lille  © Tiffany Corrieri  

 

Le champ de la signalétique est large et se retrouve partout. Pour autant il diffère d’un lieu à un autre ; la signalétique urbaine et routière ne remplit pas les mêmes fonctions et usages qu’une signalétique patrimoniale. En effet le musée s’identifie comme un espace chargé de sens, propre à une période historique, à un artiste ou une collection dont il est nécessaire de connaître les codes pour l'apprécier, et dans lequel le visiteur se retrouve suite à une intention, un projet, qui est décidé sur son temps libre et dont l’exploitation des connaissances peut-être nul par la suite. Cette signalétique accompagne, structure et prend en charge les déplacements des visiteurs dans l’organisation des parcours de visite, tout en assurant leur sécurité. C’est pourquoi il est important que ces derniers identifient distinctement ce qui est de l’ordre des services et de la circulation et ce qui touche à la visite et aux contenus.

Ainsi il existe plusieurs types de signalétique qui répondent chacune à un besoin spécifique. 

La signalétique directionnelle pour diriger le visiteur

Également appelée signalétique orientationnelle, elle aide le visiteur à se repérer et à se diriger dans un parcours et un environnement précis, et ce sans difficultés. Elle illustre ce trajet par un balisage composé de repères facilement repérables mais suffisamment discrets pour ne pas jouer sur le confort et la qualité de visite. La signalétique directionnelle permet ainsi de rassurer le public dans son parcours, et « [..] d’éviter la frustration ou la peur de mal faire qui sont latentes chez beaucoup de visiteurs de bonne volonté2 » qui vont, d’après les études de S.Bitgood, très rarement retourner sur leurs pas après avoir emprunté un mauvais chemin. 

Pour que cette signalétique soit efficace, il est nécessaire de mesurer la densité et l’emplacement des repères signalétiques, qui se doivent d’être déchiffrés de loin. Il faut donc trouver un juste milieu entre le trop de signes qui perd en efficacité et peut être confondu avec des informations secondaires, et le pas assez qui rompt le parcours du visiteur et le décourage. 

Répondant à une orientation universelle, la signalétique directionnelle est aussi réfléchie en terme d’accessibilité, avec par exemple des bandes podotactiles qui permettent aux visiteurs malvoyants de se repérer au sol en les guidant vers les panneaux et œuvres accessibles, et en facilitant le passage d’une pièce à une autre. 

La signalétique conceptuelle pour anticiper la visite 

Elle prend la forme d'une anticipation, d’une visualisation du parcours de visite de la part du visiteur. Étant donné que ce dernier a un projet et un temps déjà réfléchi en amont lors de son arrivée dans un environnement muséal ou patrimonial, la signalétique conceptuelle lui permet de vérifier la pertinence de ses choix et/ou de les moduler par la suite, en fonction de l’offre proposée. 

Les dispositifs de signalétiques conceptuelles les plus communs prennent la forme de cartes, plans, maquettes, listes ou menus qui apportent une vue d'ensemble, et schématisent les espaces à explorer en permettant de repérer les offres dites «vedettes» dans l’ensemble de la structure. Ainsi l’espace est plus facilement mémorisable et appréhendé, notamment quand des éléments concrets, facilement identifiables et favorisant l’interprétation d’éléments plus abstraits et symboliques, sont mis en avant, tel que la reproduction d’un chef-d'œuvre.

 

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Exemple de signalétique conceptuelle mettant en avant le plan de l’exposition Le mobilier d’architectes 1960-2020 à la Cité de l’architecture et du patrimoine - Paris © Tiffany Corrieri

 

Que ce soit au sein d’une signalétique directionnelle ou conceptuelle, les pictogrammes et signes sont prépondérants car ils constituent un langage universel. Toutefois, ils répondent à des normes de compréhension auxquelles il est nécessaire de réfléchir. À l’instar du graphisme du pictogramme qui doit être suffisamment clair et monosémique (avoir un seul sens) afin d’être compris sans effort de réflexion, ou du regroupement d’informations en un même espace pour une meilleure lisibilité et visibilité. Enfin la typographie est également un domaine qu’il est important de réfléchir, notamment au travers de la taille et du style des caractères qui doivent être lisibles à bonne distance.

S’accorder avec l’identité du lieu

C’est dans les années 80 que l’intérêt porté à la signalétique apparaît dans le monde muséal. On s’intéresse au nouveau lien musée-visiteur et à la réception du patrimoine, tout en inscrivant ce système de signes dans le champ d’expression du graphisme. Ce domaine ne se présente plus seulement comme une fonctionnalité mais aussi comme un moyen d'expression, notamment dans les années 2000. 

La signalétique devient donc un terrain de jeu pour le graphisme se devant d’être en cohérence avec l’esprit du lieu et son identité, afin d’être à la fois lisible et visible par le visiteur, tout en étant discrète. La signalétique de l’institution peut aussi influencer l’espace public ou l’ensemble du bâtiment afin de mettre en avant l’identité de ces derniers. La signalétique urbaine de la ville de Metz, qui, après l’implantation du Centre Pompidou Metz, reprend le design graphique du Musée, ainsi que la Bibliothèque Malraux à Strasbourg, illustrent bien cette influence. 

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Identité graphique de la Bibliothèque Malraux, réalisée par l’agence Intégral Ruedi Baur, qui reprend le graphisme de la signalétique intérieure - Strasbourg ©Tiffany Corrieri

 

Néanmoins l’évolution de l’identité muséale, de la société et du bâtiment, qui demande à la signalétique de s’adapter, d’être modulable, n’est pas aisée car elle implique des budgets importants. 

Comme le présente l’ouvrage Graphisme en France (2013), bien qu’identifiée comme un «dispositif d’accessibilité universelle, chaque signalétique est confrontée à l'impossibilité de prendre en considération l’ensemble des usagers et de leur particularités cognitives, motrices ou culturelles.». Et ce malgré l’essor de considération du public au cœur des préoccupations des institutions et la nécessité de prendre en compte différents handicaps, qui a été mis en avant par la loi handicap de 2005. 

Analyser le bâtiment et les flux 

La mise en place d’une signalétique est loin d’être anodine, c’est un projet réfléchi et anticipé. Si cette dernière prend place au sein d’un projet de bâtiment, alors l’appel d’offre s’intègre à celui des architectes. Sinon les flux des visiteurs sont analysés dans un premier temps, puis anticipés au travers de projections, pour permettre la meilleure circulation possible au public. 

Néanmoins, bien qu’il soit indispensable que cette signalétique soit envisagée en amont, il arrive encore souvent qu’elle ne soit pensée qu’une fois le bâtiment quasiment fini, ou à la fin, par le graphiste qui est sollicité tardivement. 

Par ailleurs, la signalétique est confrontée aux problèmes de temps. La graphiste Eva Kubinyi, dans Graphisme en France (2013), précise «que même pérenne [la signalétique] a une durée de vie comptée». En effet, elle dépend des politiques des décisionnaires, de la fonctionnalité du lieu étant donné que les flux et usages changent avec le temps, et de la pérennité des matériaux qui sont plus ou moins durables. Il est donc important pour le graphiste de prendre en compte ces différents points, et c’est pourquoi il s’associe souvent à un designer qui va le conseiller. 

Ainsi, donner les clés de visite au visiteur pour que celui-ci détienne une expérience muséale agréable et complète, en proposant une orientation rassurante et optimale, permet d’éviter la frustration et la perte d’attention de chacun. 

 

Tiffany Corrieri

 

 1 La signalétique sur le lieu d'accueil : Être lu sans être vu, Gilles Février dans Culture et musées, 1994. Disponible sur : https://www.persee.fr/docAsPDF/pumus_1164-5385_1994_num_4_1_1257.pdf
2 Du panneau à la signalétique : lecture et médiations réciproques dans les musées, Daniel Jacobi et Yves Jeanneret dans Culture et musées : la muséologie 20 ans de recherches, 2013. Disponible sur : https://journals.openedition.org/culturemusees/708#tocto1n2
 Expositions et parcours de visites accessibles, Ministère de la Culture et de la Communication

 

Pour en savoir plus : 

Expositions et parcours de visite, du Ministère de la Culture et de la Communication

L’ouvrage Graphisme en France 2013 : La signalétique, points de vues des graphistes, du CNAP  est téléchargeable en ligne

Du panneau à la signalétique : lecture et médiations réciproques dans les musées, Daniel Jacobi et Yves Jeanneret

La signalétique sur le lieu d’accueil : Être lu sans être vu, Gilles Février dans Culture & Musées

La signalétique patrimoniale. Principes et mise en oeuvre, Daniel Jacobi et Maryline Le Roy, compte-rendu de Caroline Buffoni dans Culture & Musées

Problems in Visitor Orientation and Circulation, Stephen Bitgood

La signalétique, entre fonction et expression, L’hebdo du Quotidien de l’Art, octobre 2020

Ruedi Baur, fondateur de l’agence Intégral Ruedi Baur, designer qui a créé de nombreuses signalétiques à l’instar de celle du Centre Pompidou Paris et celle de la ville de Metz après l’implantation du Centre Pompidou Metz

 

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