D’extérieur, le Panorama XXL de Rouen peut interroger. Quel est donc ce cylindre bleu vif de trente mètres de haut ? Posté sur les quais de la Seine, il peut surprendre et se confond avec les clochers d’églises ou de la cathédrale. Implanté depuis 2014, il est ancré dans le paysage, certains Rouennais l’oublient, y sont habitués. Pour d’autres, sacrilège ! 

Depuis longtemps, les quais de Rouen ont été un lieu prisé par les artistes, et en particulier par les peintres. Pissarro, Corot, Monet, entre autres, ont tiré de la Seine des œuvres mémorables...Il n’était donc pas surprenant de voir une fois encore l’art prendre ses quartiers sur ces quais de Seine.

Le Panorama XXL de Rouen est un lieu d’exposition temporaire pour accueillir les œuvres de l’artiste Yadegar Asisi, d’abord prévu pour 5 ans, le projet a été prolongé de 2 ans. Certaines personnes l’ayant toujours connu dans le paysage indiquent qu’ils n’imaginent pas la ville sans son Panorama. Ce dernier a amené de vives réactions. Des pétitions ont circulé dans la ville pour la destruction ou le déplacement du panorama, prenant comme arguments son coût financier et l’aspect peu esthétique du lieu.

Image de couveture : Panorama XXL de Rouen © Jeandavid Blaise

L’artiste à l’origine du Panorama XXL à Rouen est Yadegar Asisi. Autrichien, il est architecte et diplômé de peinture de l’Académie des Arts de Berlin où il vit. Dans son art, l’artiste aime utiliser les nouvelles technologies et créer en mélangeant les styles. Couleurs, pigments et perspective sont au cœur de ses œuvres. C’est en 2003 qu’il commence à créer ses panoramas, d’abord exposé en Allemagne, à Leipzig, Dresde et Berlin, il expose à Rouen depuis 2014.

Mais le panorama XXL ce sont aussi des recherches scientifiques et méticuleuses. Pour créer ses toiles, Asisi effectue un long travail de recherches en se rendant sur place où il réalise des séances photos dans le décor envisagé pour son œuvre future (en Amazonie, sur le mont Everest, ou en Australie par exemple). Il essaie absolument de recréer la réalité avec des détails historiques, architecturaux. Entouré de son équipe de 15 assistants il retravaille ses images sur ordinateur avant l’impression sur les toiles qui mesurent 3000 mètres carrés.

Si les panoramas de Yadegar Asisi sont une innovation par leur technique mêlant art, technologie et science, ceux-ci sont loin d’être les premiers dans l’histoire. Ce genre artistique était incontournable au XIXe siècle.  C’est le peintre Robert Barker qui, en 1787, peignit un grand tableau circulaire, exposé dans une rotonde, créant ainsi le premier panorama. Les premiers sont exposés en Ecosse. Les thèmes sont variés. En France, les panoramas apparaissent vers 1800 à Paris, à l’initiative de James Thayer un armateur américain. Les rotondes présentent des vues de Paris, ou bien l’évacuation de Toulon par les Anglais en 1793. 

Avant d’entrer véritablement dans l’œuvre, le visiteur a une courte exposition sur ce qu’il va découvrir. Des clés de compréhension sur le processus de création de l’artiste, de la technique. Pour la dernière exposition, « La cathédrale de Monet, l’espoir de la modernité » représentant la place de la Cathédrale au moment où Claude Monet l’a peinte, la première salle d’exposition se consacre à un bref historique du mouvement impressionniste, à Claude Monet et sa série Cathédrales. Le visiteur découvre ensuite des témoignages audios et vidéos de Yadegar Asisi pendant la réalisation des toiles, le travail avec son équipe ainsi que des esquisses. 

Ces salles précédent l’immersion véritable permettent aux visiteurs de connaître le contexte général, puis de se consacrer pleinement au panorama, d’admirer simplement l’œuvre sans se poser de question. Il n’y a à l’intérieur aucun cartel, aucune explication. Libre, le visiteur peut s’approcher au plus près de l’œuvre, il se demande souvent si c’est une photographie ou une peinture tant les détails sont précis. 

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Intérieur du Panorama pendant l'exposition "Titanic les promesses de la modernité", 2020 © Alexia Thieriot

 

La médiation est très intéressante, avec du son et de l’image, le visiteur rentre à plusieurs niveaux dans l’œuvre, et le dispositif offre des vues globales à 360°. Les sujets abordés sont divers, c’est une des richesses du lieu. Pour les paysages naturels comme l’Amazonie par exemple, la lumière baisse en fonction du jour et de la nuit et le bruit change en même temps. La nature se réveille, accompagnée du bruit des animaux, du vent, des plantes, cela permet d’entrer dans la forêt et de se fondre dans le décor. La conception même de l’exposition amène des sensations physiques de hauteur, de vertige et de profondeur de champ : dans l’Amazonie la visite se déroule du sol à la canopée, au Moyen-Age on passe des rues pavées à l’aiguille de la cathédrale au fur et à mesure où l’on monte les étages de la tour centrale. 

Il y a eu deux sujets spécialement sur la ville de Rouen, une volonté de l’artiste de « participer à l’identité de la ville », de la connaître différemment. C'est une vision nouvelle sur cette ville d'art et d'histoire. Monet devant « sa » cathédrale, et Jeanne d'Arc partant au bûcher interpellent le visiteur de manière très intime partageant leur fascination ou leur abnégation.

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L'intérieur du Panorama pendant l'exposition "La Cathédrale de Monet, l'espoir de la modernité", septembre 2021 © Jeandavid Blaise

 

L’aventure du panorama a pris fin le 18 septembre dernier, déjà renouveler pour deux ans, la ville n’était plus en mesure de financer l’installation. Il est actuellement en train d’être démonter et ses matériaux devraient être entièrement recyclés.

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Démontage du Panorama XXL sur les quais de Rouen, octobre 2021 © Alexia Thieriot

 

                                                                                                                                         Marion Blaise 

Pour en savoir plus : 

https://www.asisi.de/en/homepage

 

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