Dans la riche programmation qui accompagnait la réouverture progressive des musées une exposition sur les faluns, roche sédimentaire constituée il y a quelques 15 millions d’années m’a intriguée. 
Mon choix de visite s’est fait sur plusieurs critères. Le premier est par léger esprit de contradiction : née et élevée en terres angevines, les « cailloux » ne me passionnent pas, probablement lassée par l’abondance de discours sur le tuffeau et les ardoises de la région. Le falun est donc une première surprise géologique. Le second critère de visite, et non des moindres, est l’originalité d’une exposition du Muséum des Sciences naturelles proposée dans un musée de Beaux-Arts, une première pour les musées d’Angers. 
C’est armée de curiosité et de ma sœur (pour caution scientifique) que nous nous rendons dans cette exposition ambitieuse qui traite non seulement d’une roche sédimentaire typique mais aussi de la faune du Miocène mêlant pour le grand public propos sur la recherches scientifiques, paléontologie, histoire et patrimoine. 

Une remontée dans le temps

L’exposition se trouve sur un même plateau en sous-sol du Musée des Beaux-Arts d’Angers, au premier pallier un premier texte d’introduction nous accueille ainsi que la fresque reproduite sur l’affiche de communication. 

 

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Vue de l’entrée de l’exposition Au temps des faluns ©GM 

 

Une frise chronologique accompagne également notre descente et permet de replacer clairement les grands temps géologiques dont celui qui nous intéresse : le Miocène. 
Un nouveau texte mural et un dispositif vidéo nous accueillent à l’entrée du plateau et permettent de comprendre ce que sont exactement les faluns, leur importance dans la recherche scientifique et de quoi le Miocène est le nom. Une courte introduction de Philippe Janvier, chercheur et membre de l’Académie des Sciences, présente les climats et la biodiversité qui composaient la région Anjou-Touraine il y a 15 millions d’années. 
Les faluns sont donc des roches constituées de restes d’animaux (des fossiles) et de coquillages. Des successions d’immersion en eau de mer ou en terre sèche offrent la possibilité de distinguer plusieurs temporalités, dont des périodes plus anciennes dont les fossiles ont été amenés par les eaux.
Le Miocène est le nom de la période qui s’étend d’environ -23 millions d’années avant notre ère à environ -5millions. Le Miocène est une période d’une ère plus grande appelée le Cénozoïque qui signifie « nouvelle vie » par le développement de la biodiversité aux lendemains de la 5ème extinction. 
Le plateau se déploie ensuite en 6 séquences, dont les deux principales - le monde terrestre et le monde marin – s’étendent sur la longueur autour d’un mobilier en îlot qui reprend la forme de coupes géologiques ou des rivages de la fameuse mer des faluns, chacune dans un code couleur lui correspondant. 
Plus de 500 objets sont exposés : à la fois fossiles, moulages, reconstitutions ou animaux naturalisés, afin de représenter près de 350 espèces différentes et ce fameux « carrefour biologique ».

 

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Vue de l’exposition – @GM ; [scénographie Raphaël Aubrun, Musées d’Angers]

 

La première séquence explique par un dispositif vidéo la formation des continents et leur disposition au Miocène qui sont relativement similaire à celle que nous connaissons aujourd’hui. La dynamique terrestre, ainsi que le climat – avec notamment des eaux plus chaudes – permettent de comprendre les conditions de la formation de la mer des faluns dans l’Ouest de la France. Le retrait et la montée successives des eaux ont participé aux dépôts des roches sédimentaires et des éléments organiques qui les constituent. Ces couches donnent aujourd’hui de riches matières d’études aux scientifiques qui s’intéressent aux faluns depuis 1720. Une citation de René Antoine Ferchaut de Réamur, datée de 1720 prophétise sur le sujet : « Quelle quantité d’observations ne faudrait-il pas et quel temps pour les avoir ! Qui sait si cependant les sciences n’iront pas jusque-là. » 300 ans plus tard je me permets l’audace de lui répondre : de ce que j’ai appris, les observations sont riches et donnent encore à découvrir !
Cette séquence offre une approche ludique, qui permet à tout public de s’emparer de ces concepts un peu complexes : un dispositif tactile pour différencier le trio de roches régionales : le tuffeau, l’ardoise et le falun ainsi qu’un bac à sable doté d’une vidéo projection dynamique pour jouer soi-même avec les cours d’eau et les reliefs. 

 

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Dispositif tactile [vue de l’exposition Au temps des faluns] – ©GM

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Bac à sable à réalité augmentée [vue de l’exposition Au temps des faluns] - ©GM

 

La deuxième séquence donne elle aussi les bases scientifiques pour la compréhension de la formation des fossiles et leurs différentes formes retrouvées dans la région. Chaque fossile, aussi petit soit-il est porteur d’informations, notamment d’une époque qui peut être antérieure au Miocène. 
Le propos de l’exposition se développe ensuite et surtout sur l’abondance de la faune sur la période. Le rapprochement des continents, le climat, et la disparition des dinosaures ont permis l’émergence d’une biodiversité riche. A partir d’objets variés, chaque partie (terrestre ou aquatique) présente de nombreuses espèces, les replaçant à chaque fois dans leur contexte phylogénétique (la branche à laquelle elles appartiennent dans le buisson du vivant) avec leurs caractères d’évolution, tout en effectuant un parallèle avec leurs parents actuels pour certaines.  Un autre niveau de lecture permet de replacer les espèces dans leurs milieux et dans le paysage régional angevin au temps des faluns, la présence de collections fossiles permet de savoir ce qui a pu être effectivement présent dans la région ou sur des territoires similaires.

 

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« Le monde marin », vue de l’exposition au temps des faluns @GM

 

Après avoir déambulé autour de ces deux îlots en longueur, où le regard est invité à se poser à la fois sur l’infiniment petit – un microscope permet d’observer des bryozaires ! – et le plus grand – la reconstitution inédite du Deinotherium fait son effet – nous terminons par les deux séquences en bout de plateau. 

 

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Vue de l’exposition @GM ; [scénographie Raphaël Aubrun, Musées d’Angers]

 

Ces séquences sont disposées autour de ce qui semble de loin être un grand bac à sable sur estrade. Il s’agit de plus près d’un dispositif de médiation in situ proposant de s’essayer aux fouilles archéologiques dans les faluns. Nous avons quitté le Miocène et revenons vers des périodes plus contemporaines. 

 

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Vue de l’exposition @GM ; [scénographie Raphaël Aubrun, Musées d’Angers]

 

La séquence 5 propose donc un regard plus patrimonial, intitulé « le falun, l’autre roche sédimentaire de l’Anjou » on y découvre sa répartition géographique, ses usages et son exploitation mais aussi les mythes qui l’entourent – notamment les légendes liées à l’abondance des dents de requins qui y sont trouvées ! Une maquette accompagne la séquence et permet d’observer ces différents aspects en un ensemble, elle présente notamment les fameuses caves cathédrales de Doué-en-Anjou.

 

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Vue de l’exposition @GM ; [scénographie Raphaël Aubrun, Musées d’Angers]

 

La dernière séquence, intitulée « les regards sur les faluns », se veut plus intime : si des scientifiques abordent leurs recherches, d’autres professionnelles évoquent leur rapport à la roche. Une table tactile offre une bibliothèque numérique où l’on peut choisir à loisir les entretiens que l’on souhaite voir et aussi un « making-off » du montage de l’exposition qui met en valeur les métiers mobilisés.

 

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Vue de la bibliothèque interactive – Au temps des faluns ©GM

« Au temps des faluns » est une exposition grand public et pédagogique. La scénographie fluide à la lumière agréable (auxquelles les photographies ci-présentes ne rendent pas hommage) permet de suivre le parcours dans le sens numéroté ou plus librement sans pour autant perdre le message d’ensemble. Les expôts de provenances variées étayent le propos autant qu’ils peuvent intriguer ou émerveiller. Certains niveaux de lecture peuvent satisfaire les visiteuses ou visiteurs aux connaissances scientifiques plus poussées tout en restant accessibles à tous les publics. 

Les dispositifs de médiation (numériques ou de manipulations) équilibrent l’ensemble et permettent une position plus active dans le parcours. 

Je regrette seulement le manque de propos sur la paléobotanique ou la flore de la région au Miocène ou bien une mise en perspective Sciences et Arts que l’on pourrait attendre pour une exposition scientifique dans un musée d’arts. 

L’exposition se prolonge également dans le site troglodyte des Perrières à Doué en Anjou avec une installation son et lumières intitulée « Le Mystère des Faluns ».

Bien plus qu’un caillou qui s’effrite, le falun est un témoin d’un temps pas si lointain à l’échelle de la Terre dont des fragments nous sont présentés au Musée des Beaux-Arts d’Angers jusqu’au 20 février 2022 ! 

GM

 

Pour en savoir plus : 

 

#Faluns#Angers#Sciences