Couleur, forme, taille, symbole... Chaque trait est travaillé dans ces petits dessins que l'on reconnaît au premier coup d'œil. Les logos, que cherchent-ils à nous dire ?

Les logos, ces grands bavards !

En 2019, les Catacombes de Paris font appel à l’agence “scéno/graphiste” Mo-To pour effectuer une refonte graphique, et en particulier pour créer leur nouveau logo. Le résultat est remarquable d’ingéniosité et de cohérence. Une occasion de nous pencher sur le logotype, comme outil de communication des lieux culturels, mais encore...

Le CNRTL définit le logo ainsi : “Initiales, mots, graphiques qui singularisent une marque. Le logotype (ou logo) doit permettre de reconnaître au premier coup d'œil, une entreprise ou un produit : c'est une « traduction visuelle » de l'image de marque.”
Les musées et autres lieux d’exposition sont-ils des entreprises ? Ont-ils des images de marque ? Des raisons d’adopter cet outil marketing ?

Le logo est aujourd’hui un outil généralisé et n’est plus seulement l’affaire d’entreprise ou de produit, il est un outil de communication pour promouvoir toute entité proposant différents services. C’est par exemple le cas des logos dits “personnels”, parfois nouvelle forme de signature, créés le plus souvent à partir du nom et du domaine de compétence d’une personne. Dans ce cas, il s’agit moins d’un outil marketing que communicationnel. De même, certaines entités telles que les associations, y compris politiques, ont recours au logo mais n’ont pas pour objectif de dégager un bénéfice économique. Parfois, le logo s’inscrit dans la continuité d’une histoire de symboles, et même d’effigies. C’est le cas par exemple de Marianne, figure allégorique de la République Française, qui constitue aujourd’hui la base de son logo, présent sur tous les sites du gouvernement.

Le logo est une image stylisée, porteuse d’un message et d’une identité visuelle déterminée. Pour les musées, il exprime une prise de position sur l’image de l’institution et met en avant une identité, une intention pour la structure et ses visiteurs. Voyons ce que nous racontent les logos sur quelques-uns de ces musées.

Quand l’histoire de la structure est mise à l’honneur

Parfois, l’Histoire d’une structure joue un rôle central dans son identité, et le contenu qu’elle diffuse.

C’est par exemple le cas du Fresnoy de Tourcoing. Autrefois salle de bal, cinéma, salle de patinage à roulette, brasseries, piscine puis manège d’équitation... Le Fresnoy était un complexe de divertissement populaire, un lieu d’expression et de diffusion artistique qui a connu un succès remarquable de 1905 à 1984. Plus tard, le Fresnoy est choisi pour accueillir le projet de création d’un studio-école transdisciplinaire d’art contemporain, porté par Alain Fleischer, actuel directeur du studio. C’est ainsi qu’à partir de 1991, l’architecte Bernard Tschumi se voit confier la charge du chantier de réhabilitation du bâtiment. Il imagine un toit recouvrant l’ensemble des anciens bâtiments, et crée ainsi une sorte de hangar, qui enveloppe le Fresnoy d’antan. Cette superposition, reconstruction moderne sans destruction de la bâtisse originelle, est un choix constituant l’identité du Fresnoy. En 2012, le studio Dépli Design réalise le nouveau logo de la structure, et se base sur cette relation architecture/histoire. Ainsi, le studio construit une icône du bâtiment et de cette superposition particulière. Les formes géométriques sont minimalistes et la colorimétrie choisie est le noir et blanc, typo en écho aux représentations communes sur l’art contemporain.

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Crédits : Logo – Le Fresnoy / Croquis – Lisa Barris

 

Quand le logo est un portrait...

Il n’est donc pas rare que le logo d’une structure soit une icône, c’est à dire une analogie, en rapport de ressemblance. Ce peut être le cas sans qu’existe de rapport avec l’histoire d’un bâtiment préexistant.

C’est le cas du logotype du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, qui représente la structure et l’esthétique si particulière du bâtiment. En effet, celui-ci est constitué de multiples paliers entièrement modulables. Pour que cela soit possible, les architectes Piano, Rogers et Franchini ont “rejeté” les circulations de personnes et de fluides à la périphérie du bâtiment, ainsi que la structure porteuse et les gaines techniques. C’est pour ces raisons que le Centre Pompidou a cette forme remarquable. Quant au logo, il a été créé par le graphiste Jean Widmer dans la fin des années 1970, en même temps que le bâtiment lui-même. En fait, Widmer l’a dessiné avant même que le chantier ne soit terminé. L’idée, novatrice à l’époque, de doter le Centre d’un logotype était inscrit dans le projet originel de création de la structure, et il a été conçu en collaboration avec les architectes. Au même titre que la composition du bâtiment, le logo devait représenter la mission du Centre ; donner de la place à l’art contemporain, promouvoir l’unité dans la diversité. C’est ainsi qu’on peut y voir les 6 paliers constituant la structure, tous reliés par l’escalator, appelé communément la “chenille”.

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Crédits : Logo – Centre Pompidou / Croquis – Lisa Barris

 

… de famille

Au-delà d’être l’expression d’une identité propre à une structure, le logotype peut aussi s’inscrire dans un rapport de filiation. C’est par exemple le cas de celui du Pompidou-Metz, construit sur le même principe que celui du Centre Pompidou. En effet, on y voit la forme extérieure du bâtiment, ainsi que les espaces de circulation des personnes, à savoir les escaliers. A Metz, le logo est construit sur la base d’une vue en plan de la bâtisse, tandis que pour le Centre Pompidou il s’agit de l’élévation de la façade ouest. On retrouve aussi le code couleur - riche - des logos de structures d’art contemporain ; le noir et blanc.

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Crédits : Logo – Centre Pompidou-Metz / Croquis – Lisa Barris

 

Quand le logo pose le cadre

Nous l’avons vu, le logotype est un support qui communique un élément de l’identité des musées. Parfois, ce qui est mis en avant, c’est la structure en tant que symbole.

Si l’on prend l’exemple du Petit Palais, on voit que l’accent est mis sur le cadre. Qu’il dépende de la situation géographique du bâtiment, ou de l’ambiance qu’on y trouvera. Sorte de photo d’identité, on choisit ici de transmettre des informations sur le contenu et le monde à découvrir dans ce musée de Beaux-Arts. Ainsi, le Petit Palais délivre au travers du logo créé par Philippe Apeloig, une certaine image de marque. Celle-ci se base tout d’abord sur l’idée que le Petit Palais est un musée profondément parisien ; partie de l’ensemble constitué par le Grand Palais et le pont Alexandre III, créé à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, composé de peintures et sculptures réalisées à la gloire de Paris, abritant à ces débuts les collections de la ville...etc. La situation géographique du Petit Palais a toute son importance dans l’identité du musée. Le logo est construit sur la base d’un lettrage, c’est à dire une disposition de lettres, constitué de deux “P” pour “Petit Palais” (pourquoi pas une référence au P de Paris ?). Le jeu d’emboitage crée un logo visuellement très lisible, mais aussi riche de sens, qui place le musée dans un espace géographique et symbolique. On y lit d’autre part une référence au jardin du Petit Palais, en demi-cercle. Enfin, le choix de dessiner les lettres avec des empattements (ou “serif” en anglais), ainsi que la graisse de celles-ci (c’est à dire l’épaisseur), rappellent une esthétique classique des Beaux-Arts, à base d’ornements et de symétrie, ainsi que les ferronneries typiques du musée.

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Crédits : Logo – Le Petit Palais / Croquis – Lisa Barris

 

Un logo réussi ?

On le voit, l’utilisation du logo par les lieux de culture paraît pertinente pour plusieurs raisons, et en particulier pour toucher des publics, les emmener à pousser les portes du musée. Quant aux institutions mondialement connues et reconnues, symboles de la Culture, ont-elles encore besoin de motiver l’intérêt des visiteurs ?

Si pour le Petit Palais, l’utilisation des initiales inscrit le logo dans une tradition de support de marque, c’est encore plus vrai pour Le Louvre, dont le logo, créé par Pierre Bernard dans les années 1990, répond à tous les codes marketing classiques. Si l’on revient à la définition qui nous est donnée par le CNRTL, le logotype doit “permettre de reconnaître au premier coup d'œil” l’entité qui l’utilise. Quoi de mieux donc, que d’utiliser le nom de celle-ci ? En théorie, il permet à lui seul de promouvoir la structure ou l’entreprise. Une écriture simple et distinguée, en blanc sur fond presque noir, le logo du Louvre n’est pas sans rappeler ceux des grandes marques de luxe telles que Dior, Prada, Dolce&Gabbana et compagnie. Le tout sur un fond sombre, photo en négatif du ciel nuageux de Paris, comme pour y placer le Louvre en hauteur, référence à la vue depuis les dessous de la fameuse pyramide. Ajouté à cela la typographie visible sur le bâtiment, nommée après son créateur Robert Granjon, graveur et fondeur officiel de la couronne sous le roi Henri II. Le Louvre se veut donc être un symbole de la Culture et de l’élégance “à la française”.

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Crédits : Logo – Le Louvre

 

Un logo réussi !

Pour finir, rappelons que le logotype s’inscrit généralement dans une identité visuelle globale, appelée charte graphique, qui réunit le logo, la typographie, les règles de mise en page, la colorimétrie et tout ce que constitue les supports de communication d’une structure. Ainsi, lorsqu’un musée cherche à travailler son image, il paraît pertinent d’effectuer une refonte graphique.

Ce fut donc le cas des Catacombes de Paris en 2019, l’objectif étant d’en moderniser et dynamiser l’image. Le studio Mo-To a donc créé un logo reprenant le C des Catacombes, en y insérant de petites formes géométriques, le tout formant un crâne, objet iconique de l’ossuaire. En continuité, le nom “Les Catacombes de Paris” semble donner un corps à cette tête, et n’est pas sans rappeler les murs des galeries. La famille typographique créée par Thomas Bouville existe en trois graisses distinctes (épaisseur de la lettre), et répond à différents besoins éditoriaux tels que les styles dédiés aux titres, sous-titres, textes courants...etc. La typographie est ainsi faite que l’empattement est identique d’un style à l’autre malgré la graisse perdue ; c’est une référence à la chair quittant l’os au cours de la décomposition. [Concernant les règles de composition et la colorimétrie choisie, voir la section “pour aller plus loin”]. Ainsi, cette charte graphique nous donne un bel aperçu de l’outil qu’elle constitue. Ici, Mo-To a su moderniser l’identité visuelle des Catacombes, et mettre fidèlement en avant leur contenu, malgré sa dimension sombre et plutôt glauque. De ce fait, la communication est explicite mais grand public, et traduit l’ambiance, le contenu, l’histoire, l’architecture et le cadre qui caractérisent les Catacombes.

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Crédits : Logo – Les Catacombes de Paris / Croquis – Lisa Barris

 

Tous ces exemples constituent un infime échantillon de ce que représente le logo pour les institutions. Au travers des tendances et des besoins, le logo varie du tout au tout et nous prenons ici une photographie de ce que l’on peut observer à l’heure actuelle. L’intérêt porté à l’identité graphique des structures est grandissant, et constituera probablement un axe privilégié de progrès pour celles-ci. Rappelons aussi que les exemples pris ici sont limités à de grandes institutions, qui ont les moyens financiers d’externaliser la création de ces logos, en faisant appel à des agences spécialisées. C’est pour cette raison qu’on se permet ici de les lire, de les juger, car ils sont le fruit du travail de professionnels, qui connaissent le poids des images.

Lisa Barris

 

Pour aller plus loin...

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