Chaque année, de nombreuses structures muséales se lancent dans des rénovations, quand d'autres en sortent. Si chaque projet est unique, et que tous les musées ne poursuivent pas forcément le même but en commençant un chantier de rénovation ou d’agrandissement, une volonté revient souvent : celle d’ « améliorer le confort et l’expérience de visite ».

Dans le cadre d’une rénovation d’un musée ou de la création d’une extension, les institutions ont chacune une démarche qui leur est propre et qui relève du fonctionnement inhérent à la structure. Il existe donc autant de façons de réinventer le musée que de musées. A l’appui d’exemples de musées récemment visités par les étudiants du Master Expographie Muséographie, voici une courte synthèse de ce qui me semble important dans une « bonne » rénovation.

Réinventer… la mise en espace

Dans le cadre d’une rénovation ou de l’agrandissement d’un musée, plusieurs éléments sont remis en questions, repensés, retravaillés, réinventés. Lors de la réouverture, le plus frappant pour le visiteur est le changement de la mise en espace des collections et du propos. On pourrait considérer qu’une rénovation est réussie lorsqu’il est possible de constater une cohérence entre le fond et la forme, entre les contenus et les ambiances. Une mise en espace réussie doit présenter une théâtralisation adaptée, une ambiance particulière qui englobe le spectateur et le fait voyager, rêver, ressentir.

En principe, un projet de rénovation ou d’extension de site démontre une volonté de renouvellement, de changement et de nouveauté. Pourtant, toutes les institutions ne poursuivent pas ce but. L’exemple du Musée Carnavalet de Paris, qui a rouvert en 2021 après quatre ans de travaux, est assez parlant : malgré la rénovation du lieu, la mise en espace reste très classique. Certes, la scénographique s’adapte d’abord au bâtiment : dans le cas de bâtiments anciens et classés, tels que le Musée Carnavalet, créer une scénographie nouvelle et immersive peut s’avérer un défi de taille. De taille, mais pas impossible, puisque c’est le choix qu’ont fait d’autres musées qui présentent le même type de collections. Il en va ainsi du Musée d’Aquitaine, à Bordeaux, avec ses nouveaux espaces consacrés aux XXème et XXIème siècles qui ont ouverts en 2021. Comme Carnavalet, il s’agit d’un bâtiment classé, avec de nombreuses contraintes et une collection variée.

Les collections d’Histoire, comme les collections ethnographiques sont « difficiles » à traiter : éviter la théâtralisation caricaturale, ne pas figer les objets derrière des vitrines… Comment agencer une collection comme celle-ci, et faire face à son aspect « pétrifié » dans le temps et dans l’espace ? Le Musée d’Aquitaine, pour son nouveau parcours, met en avant les mutations de la métropole bordelaise et les aspects attractifs de l'espace aquitain. Il invite à découvrir l'histoire récente de Bordeaux. Sculptures, peintures, objets d'ethnographie et maquettes se mélangent donc à des projections en grand format, des écrans interactifs et des ambiances sonores qui donnent au visiteur une véritable impression de « voyage ». Le tout est scénographié sobrement : les panneaux en bois prennent des formes variées qui rythment subtilement la visite.

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Salle du Musée d'Aquitaine de Bordeaux dédiée au XXème siècle © L.G.L.

 

Une scénographie plus immersive est donc très appréciable aujourd’hui si elle est correctement construite. Le musée de la Chasse et de la Nature, à Paris, qui présente lui aussi des collections variées allant des spécimens naturalisés aux œuvres d’art en tout genre (peintures, dessins, sculptures, tapis, tapisseries, orfèvrerie, céramiques, armes, trophées, armures, meubles, installations, photographies, vidéos…) a fait le choix, tant pour l’étage rénové et rouvert en 2021 que pour les espaces plus anciens, d’une mise en espace immersive au sein de laquelle le visiteur est plongé dans un cabinet de curiosité XXL. Cette originalité fonctionne et fait d’ailleurs la renommée du musée, puisqu’elle laisse au visiteur un souvenir impérissable.

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Ambiance « cabinet de curiosités » au Musée de la Chasse et de la Nature, à Paris © L.G.L.

 

Il est impossible d’évoquer la scénographie immersive sans dire un mot du Naturalis Biodoversity Center de Leyde, rouvert en 2021 après des années de travaux et l’installation des collections dans un bâtiment flambant neuf. Cette rénovation a permis de déployer un parcours immersif sur près de 6000 m², plongeant le visiteur dans une véritable expérience sensible. Naturalis représente le parfait exemple de ce que signifie un « musée d’aujourd’hui » : un musée qui fait la part belle à la scénographie, de plus en plus importante, mise en valeur en tant que telle (on admire autant la beauté du « décor » que la perfection des spécimens naturalisés ou la clarté du discours).

Ainsi, les nouveaux projets muséographiques qui, à l’instar de Naturalis, se veulent modernes, auront tendance à aller vers un parcours très immersif pour faire le lien entre le public et les collections. Cela peut être, on s’en doute, à double tranchant, car il faut toujours veiller à l’équilibre entre la forme et le fond, si l’on ne veut pas tomber dans « l’exposition spectacle » à l’anglo-saxonne, où le fond passe parfois totalement au second plan. Un musée rénové réussi est donc un musée qui donne à voir une scénographie réfléchie.

Réinventer… la médiation

La médiation est également repensée dans le cadre de projets d’extension et de rénovation. Le contact avec les publics est nécessairement remis en cause, et nécessite une réflexion quant au devenir du personnel de médiation.

Le Muséum d’Histoire Naturelle de Bordeaux, rouvert en 2021, propose un dispositif de médiation qui n’a, à première vue, rien de novateur, et qui n’est pourtant pas si courant dans ce genre de structure. En effet, le Muséum emploie, en contractuel, une équipe d’une quinzaine de jeunes médiateurs scientifiques, qui déambulent dans les salles du musée accompagnés d’un chariot de démonstration (contenant des spécimens naturalisés, fossiles, minéraux, etc.), et proposent aux visiteurs intéressés quelques explications supplémentaires. La création de ce contact est doté d’un tel potentiel que cette initiative semble être le plus gros atout du Muséum d’Histoire Naturelle de Bordeaux.

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Un médiateur scientifique et son chariot de démonstration au Muséum d'Histoire Naturelle de Bordeaux © L.G.L.

 

Rien ne remplace la médiation humaine et l’échange pour permettre la compréhension d’un contenu. La création de liens avec la collection au travers d’une personne est sans aucun doute ce qui rend l’expérience mémorable. Je pense notamment aux publics dits « éloignés », qui n’ont pas accès aux musées et à la culture et à qui une institution de ce genre peut paraître obscure, imperméable. La présence des jeunes médiateurs au Muséum d’Histoire Naturelle de Bordeaux est une solution pour répondre à cette problématique.

Pour autant, l’apport de la médiation numérique dans les musées n’est pas à négliger. Cela reste un bon moyen de faciliter l’entrée dans le contenu ainsi que son approfondissement. La démocratisation du numérique dans les musées est encore sujet très actuel, bien qu’il soit sur le devant de la scène depuis quelques années maintenant. Sans m’y attarder, j’aimerais pointer du doigt un exemple du « trop » de numérique. Le Muséon Arlaten, rouvert en 2021 après onze années de fermeture pour travaux, a en effet fait le choix de ne plus présenter les cartels des œuvres exposées dans les vitrines. Les informations concernant un objet sont désormais à aller chercher sur des tablettes numériques situées dans les pièces. S’il est évident que l’objet « cartel » peut être repensé dans le cadre d’une réfection de parcours, il semble important de garder, pour chaque objet, un cartel propre et auquel le visiteur peut avoir accès d’un coup d’œil. Cela favorise la découverte, quand l’élément de médiation mis en place par le Muséon Arlaten faillit selon moi à son rôle en favorisant la perte d’informations.

La salle « LivingScience » du Naturalis Biodiversity Center est un espace où sont présentées des collections, où sont organisées des projections, mais également où se trouvent des laboratoires « ouverts » où il est possible d’observer les chercheurs de l’institution en plein travail. Ouvrir ces espaces rarement accessibles aux publics constitue l’un des points forts de Naturalis avec sa pédagogie autour de laboratoires visibles et mis en scène. En misant sur des notions d’ouverture et de transparence, le musée met en exergue ses activités ainsi que les savoir-faire qui participent à leur mise en valeur. Bien plus qu’une vocation éducative, l’institution cherche à avoir un impact sur la vie culturelle, scientifique et sociale. Véritable laboratoire de recherche, Naturalis permet aux publics d’échanger avec ceux qui font la science. Ce procédé tend à valoriser l’implication des publics dans les innovations culturelles et scientifiques, et à créer un engouement pour des sujets hors du commun. La médiation s’insère donc dans un parcours de visite qui se veut participatif à l’aide de dispositifs permettant l’échange et le contact. Faire du visiteur un acteur à part entière, qui développe son propre regard critique, est essentiel.

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Le laboratoire ouvert de l'espace "LivingScience" au Naturalis Biodiversity Center de Leyde © L.G.L.

 

Cet aperçu sommaire n’a pas vocation à servir de référence, mais à montrer que réinventer le musée n’est pas chose aisée. Évidemment, toutes les expositions ne posent pas les mêmes contraintes, spécifiques à chaque lieu. De même, les moyens et liens entre les différents acteurs d’un projet de rénovation ou d’extension sont propres à l’institution et à ses partenaires. Mais dans ces conditions, il convient de bien s’entourer, puisque l’on a constaté par exemple l’importance de la scénographie « médiatrice » et son influence sur le visiteur, l’état d’esprit de ce dernier et son appréciation globale de l’exposition. Une mise en espace intelligente constitue un premier contact réussi entre le public et les collections, mais élaborer des concepts plus modernes pour redonner un nouveau souffle à certains espaces ne suffit pas toujours. La médiation humaine reste indispensable au sein des musées. L’intégration des publics dits « éloignés » ne se fait que grâce au contact humain.

Lucile Garcia Lopez

 

Pour aller plus loin :

 

#Rénovation #Muséographie #NouveauxMusées

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