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En pleine zone urbaine (ou non), au creux de nos campagnes ou proche de friches industrielles : les jardins éclosent et égrènent nos offres culturelles. Quels en sont les enjeux ?

image d'introduction : Museum Insel Hombroich ©Alexis

 

S’évader au grand air, fouler l’herbe de ses pieds nus, sortir de sa masure et se reconnecter à notre Nature : un rêve, une scène idéale pour beaucoup de citadins durant la succession de plusieurs confinements. Road trip, vagabondage, vivre l’ailleurs, reconnexion à la nature et expérience simple : la fréquentation des jardins ne fait qu’augmenter.

Rattachés à des musées, les jardins sont considérés comme un prolongement extérieur d’une exposition, comme une salle à part entière. Sont alors pensés la muséographie et la scénographie de ces lieux. Cependant, ce rayonnement ne s’arrête pas à la structure muséale : potager, jardin naturel, jardin artificiel, jardin botanique, jardin pédagogique, jardin de contemplation, de plaisir, de promenade, collaboratif, associatif, de repos… Éphémère ou permanent : des lieux de tous les possibles, où les fantasmes d’un monde plus lent et vertueux s’expriment. Découvrons les ensemble.

Un feu créativement destructeur

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Le Jardin Éphémère, Place Stanislas ©Claire Delon - Exposition “Le Feu Effleure !” ©Mélanie Terrière

 

Nous ne sommes plus sur une crise, mais un changement de modèle climatique [...] personne ne peut le nier” annonce Isabelle Lucas, adjointe au Maire de Nancy, à l’ouverture du Jardin Éphémère à Nancy, édition 2022.

Chaque année d’octobre à novembre, le Jardin Éphémère place Stanislas est le rendez-vous automnal attendu par les Nancéien.nes. Lieu de promenade, de délectation, d’engagement, de surprises et d’expérimentation : c’est un événement qui, depuis plusieurs années, aborde notre relation avec Dame Nature.

Depuis plusieurs éditions, une récurrence s’installe au choix de la thématique annuelle : la municipalité souhaite utiliser le Jardin tel une œuvre engagée et y aborder des thématiques brûlantes. “Terre ou désert ?", “Eau de vies”, “Place à l’arbre”... Cette année, “Le Feu effleure” est annoncé en lien avec le Congrès National des Sapeurs-Pompiers : un jardin hommage au travail effectué pendant les feux de cet été. Sont également proposés des visites guidées, des créations d'œuvre d’art contemporain, des ateliers et une exposition temporaire au milieu des buissons.

Tantôt engagé ou visuellement accrocheur, comment par le jardin et la nature, sensibiliser tous les publics, tout en valorisant un savoir faire local ? Un manifeste pour valoriser des connaissances nécessaires à une transition écologique évidente. 36 000 visiteurs y ont participé cette année.

Un Eden allemand

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Museum Insel Hombroich ©Alexis - Museum Insel Hombroich ©Alexis

 

Une harmonie entre la nature et l’art, un parc idyllique de 20 hectares entre plénitude et zénitude : en tout cas, c’est comme ça qu’on nous le vend.

Autre exemple : le Museum Insel Hombroich est un lieu perdu au fond de la campagne allemande. Les visiteurs ne s’y bousculent pas même les jours de beau temps. Ils peuvent y savourer un temps de calme, de repos et de contemplation en pleine nature. Tantôt jardin, parfois musée : s’y chevauchent et s'entremêlent plusieurs bâtiments abritant des collections privées d’art contemporain et sentier en friche où poussent champignon et mousse. Cette œuvre humaine entre en résonance avec l'œuvre naturelle.

Passé l'accueil, un univers parallèle qui s’ouvre à nous : étangs, lacs, verdure luxuriante, sentier sinueux, fleurs, herbes folles et dansantes, plantes exotiques, prairies où le temps semble être arrêté. Dans ce jardin, c’est la nature qui prend ses droits, et l’humain qui l’accompagne et la contemple. Bien que tout soit aménagé artificiellement, ce n’est pas par la force et le contrôle qu’il est pensé : au contraire. Ce n’est pas un jardin à la française, mais plutôt du type anglais : on s’y pavane, s'arrête, s'étend dans l'herbe. Les visiteurs se laissent surprendre par des bâtiments entre deux bambous ou deux hortensias : on y vit son soi et sa curiosité. Il n’y a pas de parcours imposé. A chacun sa propre interprétation, place au lâcher prise.

Au détour d’un chemin, même si nous sommes dans un musée jardin, nous ne tombons pas nez à nez avec des cartels ou des textes de salles, mais directement avec des œuvres abritées ou en pleine nature. Ce n’est pas un lieu d’apprentissage pur : le public est amené à se demander comment l’objet est arrivé ici, d’où il vient, et comment s'intègre-t-il dans son nouvel environnement : il y mobilise son imaginaire, ses sens et se sent à l’aise. Au calme. Le bruit du vent est perceptible, le craquement des feuilles résonne, les buissons semblent se déplacer et les oiseaux s’époumonent. Une ode à la vie.

Le parc est construit sur un ancien site industriel aux allées géométriques et rangées. En 1994, le site est réaménagé : tout est pensé en courbe, asymétrique, le plus naturel possible où des œuvres en acier rouge corrodé rencontrent une nature au feuillage multicolore. Un pied de nez à cette époque industrielle dévastatrice. C’est radical.

Un simple carré de terre

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Le jardin des simples et des saveurs oubliées ©La Ferme du Temps Jadis

 

La ferme du temps Jadis à Auby est un écrin de nature, une ferme et un musée d'anciens matériels agraires dans le Nord Pas-de-Calais. Sous l'appellation “écomusée”, ce lieu revendique son mode de fonctionnement bénévole, sous forme d’adhésion à leur association à but non lucratif, collectif, ludique et pédagogique. Une revendication assumée : la nécessité de transmettre un savoir-faire essentiel pour mieux appréhender les années à venir. Faire germer, faire une bouture, planter, transplanter, arroser, patienter… Y germent près de 150 variétés de plantes aromatiques, médicinales, tinctoriales dont l’origine ancienne intrigue et fascine.

Ce jardin permettra de faire découvrir certaines plantes qu’on trouve à l’état naturel, qu’on peut considérer comme de la mauvaise herbe mais qu’on peut utiliser dans la cuisine, pour soigner des brûlures…” détaille le président de l’association et porteur du projet : Jean-Pierre Lesage. La transmission est le leitmotiv du projet : (ré)apprendre à utiliser ses mains, à produire sa propre alimentation et en comprendre le processus.

Ce n’est pas seulement la vue qui est mise à l’honneur : bien que les couleurs du site apaisent, le toucher et l’odorat sont également mobilisés. Un sentier à parcourir pieds nus afin de ressentir les différentes matières terrestres est proposé : terre, boue, écorce ou lin séché. Les bénévoles de l’association proposent d’y apprendre à créer son propre purin, de s’informer sur l’art du compostage et d’apprendre à cuisiner les légumes du potager de saison. Des chantiers participatifs gratuits sont annoncés, et mobilisent les habitants locaux à planter des arbres fruitiers et d’étendre les vergers déjà existants. Des nids d’oiseaux sont installés ainsi que des refuges pour les animaux. Ce maillage végétal et écologique est destiné à rétablir une faune et une flore qui étendent ses racines sur un paysage rongé par le travail minier.

Un avenir fait de plantes

C’est un constat général, la fréquentation des musées n’est pas similaire à ce qu’elle était avant la pandémie. Certains pourraient annoncer que les publics sont moins curieux : ne sont-ils pas juste ailleurs, en pleine nature, à la recherche d’un sens nouveau, plaisir et délectations ?

A l’heure où on pense chaque jour aux sales années à venir, où une transition écologique n’est peut-être plus suffisante, les Jardins (et ils sont nombreux!) offrent un havre de sérénité, d’espoir, de relaxation afin de mieux appréhender le futur à venir. Chérissons-les, et découvrons-en d'autres !

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Museum Insel Hombroich ©Alexis

Alexis

Pour en savoir plus :

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