« Pour que la magie existe, il faut que la société soit présente. » Marcel Mauss et Henri Hubert, Esquisse d’une théorie générale de la magie, 1904.

Quels rapports nos sociétés entretiennent-elles avec l’occulte ?

Le Musée d’Histoire Naturelle de Toulouse et le Musée des Confluences se sont saisis du sujet pour co-produire main dans la main un projet collaboratif ambitieux. 

Image d'intro : @CL

 

L’acte 1 de l’exposition Magies-Sorcelleries à Toulouse se tenait du 19 mai 2021 au 2 janvier 2022. Il abordait la magie à partir du prisme des savoirs scientifiques et occultes. A Lyon l’acte 2 Magique, du 15 avril 2022, explore le rapport de nos sociétés à la magie comme un fait social universel et intemporel.  L’équipe des deux musées s’est alors entourée d’un comité scientifique pour construire son propos : anthropologue africaniste, ethnologue spécialisée dans les religions européennes, archiviste, conservateur en chef du patrimoine, magicien.

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@TB

 

Dès le début du parcours le visiteur est plongé dans une forêt obscure cernée de signes occultes et de bruits nocturnes, conçus par Marion Lyonnais de l’entreprise Fakestorybird. La forêt fait appel aux origines, à la nature, à l’imaginaire. La scénographie alterne entre évocations culturelles (rideau rouge de prestidigitation, formules magiques) et évocations naturelles (éclipse, bruits nocturnes, arbres en bois flotté). Ces derniers ont été choisis par rapport à des exigences de conservation et en fonction de leurs étrangetés. L’exposition aurait pu choisir d’aborder la magie par la peur et la fascination de l’illusion comme le font de nombreux films de notre époque. Pourtant un nombre conséquent d’objets ont été choisis pour leurs propriétés de guérisons plutôt que de malédiction pour ne pas heurter le public et pour se montrer les effets bénéfiques de la magie sur l’homme. Magique regroupe au total plus de 400 objets issus des sciences naturelles, de l’archéologie ou encore de l’ethnographie.  Son parcours retrace intelligemment l’histoire de la magie en lien avec notre passé occidental hérité de l’antiquité et parallèlement aborde le processus magique, universel et intemporel. Des origines à l’époque contemporaine il relate une histoire plurielle et ambivalente de la magie, empreinte de tourments et de questionnements, de la matérialisation de l’invisible (représentation des divinités, alchimie, sorcellerie) à sa réappropriation (prestidigitation, spiritisme, néo-chamanisme, néo-sorcières).

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@TB et CL

 

L’action magique intervient sur le réel et nécessite dans toute culture l’entrée en contact par un intermédiaire (qui dispose d’attributs, de pouvoirs innés ou acquis) sur un sujet (animal ou humain), à qui il destine des intentions ambivalentes par la mise en place de gestes magiques. 

Dans l’espace qui traite de l’époque moderne en occident, les nouvelles technologies sont employées à des fins de divertissement et de spectacle. Certains illusionnistes du XIXème siècle affirment tirer leurs pouvoirs du diable et du monde des morts. Les affiches de leurs spectacles déploient un imaginaire dans cette continuité. L’ambiguïté de leurs pouvoirs magiques est à questionner, mais le principe d’action magique sur le réel est bien présent, au même titre que le chamane ou le sorcier dans d’autres cultures et à d’autres époques. 

Retracer le passé par ce prisme nous permet ainsi de faire des parallèles entre nos différentes sociétés mais également de mieux appréhender notre société contemporaine. 

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@CM

 

Le parcours se termine là où il a commencé : dans la forêt. Il ne s’agit plus d’une forêt naturelle mais d’un arbre à vœux, rituel pratiqué de tout temps et dans chaque culture pouvant s’apparenter à la dendrôlatrie (adoration des arbres). Ce dernier dispositif est le plus retenu du visiteur (plus de 700 mètres de rubans épuisés dans la seule journée du 11 novembre 2022).  Il permet au visiteur de s’inspirer d’un des gestes magiques précédemment évoqué plus tôt dans le parcours (action de souffler, d’écrire, d’attacher, de nouer, de faire une offrande) afin d’user d’ingéniosité en se l’appropriant et en laissant son empreinte pour exprimer à son tour son souhait.

En prenant le parti d’aborder le phénomène magique à l’échelle occidentale puis mondiale l’exposition se révèle polymorphe et multiculturelle. Retracer l’histoire de la magie occidentale c’est aborder notre passé empreint de rationalisme et de spectaculaire. Le processus magique lui est intemporel et universel. La mise en parallèle de ces deux histoires permet de nous questionner sur la place de la magie dans notre quotidien, sur un simple geste humain rempli d’espoir dans le but d’influer sur le cours des choses.  

Un chaleureux remerciement à Carole Millon, cheffe de projet de l’exposition Magique, qui a répondu à mes questions. 

Theo Balcells

Pour aller plus loin :

 

#Museedesconfluences, #exposition, #magique