Vous êtes un professionnel de la culture ? Vous travaillez dans une institution qui cherche à rendre accessible son parcours permanent aux visiteurs malvoyants ou non-voyants ? Vous souhaitez améliorer l’expérience de visite de tous ? Cet article est fait pour vous.

L’accessibilité universelle au musée ?

L’accessibilité universelle, concept auquel se réfèrent les professionnels, vise à offrir un accès au musée adapté à tous les publics, ce qui passe par la prise en compte des besoins spécifiques de chacun – dont les publics en situation de handicap font partie. Et ce, afin de proposer un parcours de visite unique, utilisable par tous les visiteurs, qui favorise une expérience de visite positive. S’il peut paraitre utopique d’imaginer pouvoir répondre aux besoins de chacun, des outils permettent de se rapprocher de cet idéal. De même, l’ensemble des outils ou dispositifs de médiation – hormis les vidéos en LSF*, qui sont ciblées pour les publics sourds signant et le braille – améliorent le confort de visite de chacun. Simplifier et clarifier les textes expographiques en FALC* profite autant aux visiteurs maîtrisant mal le français, aux enfants, qu’aux personnes en situation de handicap intellectuel. Les objets à toucher tels que les fac-similés ou les images visio-tactiles participent quant à eux à rendre le musée didactique et ludique, et se démarquent d’une vision élitiste. L’accessibilité globale est rendue possible dans l’enceinte de la structure muséale par une prise en compte non seulement du cadre bâti, mais également des contenus. Elle est établie comme un idéal vers lequel les établissements muséaux souhaitent et doivent tendre. Si ce postulat n’est pas admis de tous, l’accessibilité est – enfin – questionnée et mobilisée comme une prérogative essentielle des projets d’établissements culturels. Ainsi, elle s’est progressivement imposée comme une condition pour répondre à l’une des missions essentielles du musée : accueillir les publics.

L’émergence des parcours tactiles, un engouement récent

Depuis une dizaine d’années, de nombreux musées français engagés dans une démarche d’accessibilité se dotent de parcours tactiles. Jalonnant les espaces permanents, des stations permettent de découvrir un nombre restreint d’objets à toucher sous la forme de maquettes, de facsimilés en 3D ou d’images dites visio-tactiles – dont les lignes de contours mettent en relief un objet 2D.

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Station tactile du Muséon Arlaten « L’arlésienne à la Vénus » ©CL.

 

Pour les visiteurs privés de la vue, la découverte par le toucher est le principal mode d’appréhension et de compréhension des œuvres. Si ces dispositifs sont systématiquement conçus en ayant à l’esprit les besoins des publics en situation de handicap visuel, ils sont aussi le reflet d’une politique d’ouverture à tous les publics. En particulier les familles, et sont également conçus à cet effet. Récemment, divers établissements culturels se sont dotés de parcours tactiles. Musées nationaux, musées départementaux, musées de province, les tutelles et les statuts de ces institutions diffèrent. Les contextes de réalisation de ces parcours également : construction du musée, rénovation, refonte du parcours permanent ou encore ajout au parcours existant. Plusieurs musées nationaux ont vu le jour en France au 21e siècle, c’est notamment le cas du musée du Quai Branly – Jacques Chirac en 2006, ainsi que du Mucem, plus récemment en 2013. Ce premier est l’une des premières institutions à avoir intégré une démarche d’accessibilité de ses outils dans les parcours permanents, et ce, dès la construction du bâtiment. Aussi, dès l’origine, il existe dans ces deux sites une volonté d’être accessible. Cela se traduit notamment par l’intégration de parcours tactiles. Par ailleurs, au regard de la loi de 2005 et des nouvelles obligations d’accessibilité au sein des établissements culturels, plusieurs musées ont dans le cadre de lourds projets de rénovation, engagés d’importants travaux de mises aux normes et de réaménagements, impliquant la fermeture temporaire des établissements. L’occasion de réfléchir à l’accessibilité globale souhaitée dans ces futurs musées. Loin de se limiter à la conception d’un parcours tactile pour les publics déficients visuels, ces musées développent une offre plurielle et multisensorielle. Pour d’autres institutions culturelles, cette réflexion s’inscrit dans l’ADN du musée. À cet effet, les projets de refonte du parcours permanent apparaissent comme une véritable aubaine pour poursuivre la démarche engagée. Enfin, il existe un autre type de cas, plus rare cependant, où le parcours tactile n’est pas pensé en même temps que le parcours permanent, venant ainsi s’ajouter à postériori. C’est ce qui a été fait au Lugdunum Musée et Théâtres romains, à Lyon. Ce qui pose un certain nombre de difficultés, notamment en termes de cohérence.

1ère étape : sensibiliser les équipes

Porter un projet d’accessibilité suppose de travailler avec une équipe sensibilisée. Certains établissements optent pour la nomination d’un chargé de mission handicap et accessibilité, plus communément appelé « référent accessibilité ». Véritable personne-ressource, il est de son ressort d’avoir une vision transversale des besoins et de proposer des actions et outils concrets afin d’améliorer l’accessibilité du site. Le référent travaille en collaboration avec l’ensemble de l’équipe du musée, mais également avec les partenaires extérieurs tels que les architectes, graphistes, scénographes, afin de les rendre attentifs à tous les niveaux. Cependant, le reste de l’équipe se doit de garder à l’esprit la diversité des publics à besoins spécifiques auxquels s’adressent les expositions produites. C’est pourquoi certains établissements privilégient les postes de chargés des publics. D’autres, comme le MuséoParc Alésia, créent un pôle accessibilité, dont fait partie un représentant de tous les services du musée. Si la sensibilisation en interne repose sur la bonne volonté de chacun, elle est également le fruit d’un long travail rythmé par des journées de formations annuelles permettant à chacun de se sentir concerné. L’obtention de la labellisation Tourisme & Handicap apparait par ailleurs comme un véritable moteur d’engagement.

« Parce que d'une part, si l’on obtient le label, cela permet de communiquer dessus, d'être référencé sur le site qui est assez consulté par les personnes en situation de handicap. Mais c’est aussi l'occasion de faire un audit, donc ça donne des outils précieux pour avancer en interne et c’est une bonne manière afin d’établir une feuille de route et définir des priorités pour se rendre accessible » (Chargée de mission RSO du musée du Quai Branly Jacques Chirac, entretien réalisé le 15/06/2022)

Enfin, l’accompagnement d’un professionnel de l’accessibilité est particulièrement conseillé. L’équipe du musée peut s’entourer d’un consultant spécialiste, notamment pour réaliser un diagnostic, établir des préconisations en vue d’une labellisation et définir les besoins spécifiques à prendre en compte. Par ailleurs, nombre d’institutions travaillent de concert avec une assistance à maîtrise d’ouvrage – AMO*. Ses compétences de conseil permettent d’alerter sur les points de vigilances, de rédiger les cahiers des charges, de sélectionner les entreprises compétentes, de suivre la fabrication des dispositifs sélectionnés, mais aussi d’établir des liens et des partenariats avec des représentants institutionnels ou associatifs du champ du handicap. A titre d’exemple, l’agence Polymorphe design a accompagné le MuséoParc Alésia, l’entreprise Accèsmétrie a assisté le Muséon Arlaten et l’agence Handigo guide actuellement le Musée national de la Marine. Ainsi, en étant entouré par des professionnels qualifiés, très au clair avec les normes et préconisations en vigueur et en contact avec les représentants associatifs, les projets sont plus à même d’être menés à bien et de répondre véritablement aux attentes des publics à besoins spécifiques.

2sd étape : concevoir les dispositifs de médiation

Chaque projet est singulier : par la temporalité qui lui est propre, les enjeux internes à l’institution, les changements de mandatures, les coûts financiers attribués, les thématiques soulevées dans l’exposition, l’espace disponible, les différents acteurs impliqués et les relations créées. L’écosystème du projet est profondément lié à la méthodologie choisie et malgré un guide très détaillé édité par le ministère de la Culture et de la Communication, tout n’est pas applicable et relève du cas par cas. C’est souvent au service médiation que revient la mission de concevoir les dispositifs de médiation. Celui-ci doit donc penser la réflexion sur les contenus accessibles comme une réflexion sur les publics. Prenons l’exemple du Musée national de la Marine, dont le projet de conception du parcours tactile est en cours. La méthodologie employée est la suivante : l’équipe commence par définir les informations qu’elle souhaite transmettre (le contenu), puis les objectifs et les rôles de chaque dispositif, avant de définir les besoins spécifiques des différents publics à prendre en compte et enfin, la forme qui leur sera donnée. Il est question de diversifier les approches. Les dispositifs sont conçus et pensés d’abord pour leur rôle de transmission d’un discours manquant, qu’ils viennent compléter. Par ailleurs, le parti-pris muséographique de l’institution, en ce qui concerne les dispositifs tactiles, est de rendre compte des émotions procurées par les œuvres.

« On est parti espace par espace. Au tout départ : de quel sujet je parle ? Comment est-ce que je peux répéter l'information ou la compléter pour que ce soit clair ? Quelles activités peuvent être intéressantes ? Quel registre j'ai envie de mobiliser ? Est-ce que j'ai envie de faire rire les gens, de leur faire peur, de leur susciter de l'émotion, de leur rappeler quelque chose qui est familier pour eux ? […] Je pense que la réflexion pour nous, elle a été différente que pour d'autres musées. C'est de se dire « qu'est ce qui est important pour moi quand je vois une œuvre, moi, voyante ? ». Et en fait, c'est l'émotion qu'elle me procure. Donc j'ai besoin de comprendre à minima à quoi ressemble l'œuvre si c'est une sculpture, si c'est un tableau, si c'est un modèle. Quel format ? Qu'est-ce qu'elle présente ? Et surtout, quelle émotion elle dégage ? On a ensuite travaillé sur les besoins, comment transmettre ce contenu. Et une fois que vous avez un peu tout listé, comment on fait pour rentrer ça dans un seul et même dispositif. » (Chargée de médiation et référente accessibilité au Musée national de la Marine, entretien réalisé le 15/06/2022).

Pour l’équipe du MuséoParc Alésia, il était primordial d’avoir un outil de médiation adapté à chaque moment du parcours. Pour ce faire, un lutrin jalonné de dispositifs de médiation guide les visiteurs et répond à cette demande. La réflexion sur les contenus s’est ensuite centrée sur les grandes typologies de handicap, afin de définir les outils à mettre en place. Ici, le parti pris muséographique est de multiplier les supports, afin que chaque visiteur puisse au gré de son envie et de ses compétences, interagir ou non avec les dispositifs à sa disposition.

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Visiteur s’apprêtant à toucher une reproduction de pièce de monnaie au MuséoParc Alésia ©Sonia Blanc.

 

3ème étape : identifier les besoins spécifiques

« Il faut se dire une chose, c'est que toutes les personnes mal ou non voyantes n'ont pas ce qui est mon cas justement, de représentation à plat dans l'espace. Moi, si vous me faites toucher une carte ou un dessin, j'ai du mal. Je sais qu'il y a des personnes qui y arrivent très bien, surtout les aveugles tardifs, mais nous les aveugles de naissance, on a une très mauvaise représentation à plat dans l'espace. » (Visiteuse de musée en situation de handicap visuel, bénévole de l’Association Valentin Haüy, entretien réalisé le 13/07/2022)

Un aveugle de naissance n’a pas les mêmes besoins qu’un aveugle tardif, tout comme il existe une diversité de degrés de malvoyance. C’est pourquoi il est important de varier les approches et les dispositifs, et de ne pas seulement proposer des images visio-tactiles, afin de ne pas exclure de visiteurs. Proposer une reproduction de l’œuvre en trois dimensions, avec des textures se rapprochant de la matière originelle de l’œuvre ou de l’objet en question, et privilégier une charte unique pour tous les dispositifs aux couleurs contrastées est ainsi recommandé. Par exemple, augmenter les contrastes sur les différentes parties d’un facsimilé permet à un visiteur malvoyant de mieux identifier la composition d’une œuvre.

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Station tactile du Muséon Arlaten « Tarasque de procession », les couleurs choisies sont le blanc et le jaune ©CL.

 

« Malheureusement il y a peut-être 4 ou 5 œuvres qui sont mises en avant et qui sont représentées sur toute une exposition, donc ce n’est pas énorme. On est un peu frustré, on a juste accès à ce dont on a bien voulu nous mettre en reproduction. » (Visiteuse de musée en situation de handicap visuel, bénévole de l’Association Valentin Haüy, entretien réalisé le 15/07/2022)

Le nombre de stations tactiles a son importance, puisque les œuvres ou les objets présentés sont les seuls auxquels les visiteurs non-voyants auront accès. Il en est de même pour le braille – un système d’écriture tactile –, qui semble intrinsèquement lié à l’accessibilité des contenus. Or, seulement 10% des déficients visuels lisent le braille. En outre, cela signifie que très peu de visiteurs sont en mesure de lire et comprendre ces documents. Imprimer des cartels en braille ne suffit donc pas à rendre les parcours d’expositions accessibles. Cependant, bien que son utilisation soit très spécifique, les associations du champ du handicap visuel préconisent d’y avoir recours, en doublant toutefois l’information d’un contenu textuel (en gros caractère) et/ou sonore. Et ce, afin d’éviter toute stigmatisation des publics non-brailistes. Il faut par ailleurs noter qu’un texte en braille est beaucoup plus long qu’un texte dit en noir. Le choix du contenu répond donc des contraintes techniques et spatiales de chacun. Si pour certaines institutions l’écriture en braille est une traduction exacte des cartels, pour d’autres il s’agit d’un nouveau texte résumé sous la forme de courtes phrases, ou encore d’une synthèse comprenant les informations de base. Synthétiser le texte en braille est également recommandé au regard de la concentration que cela requiert. Enfin, pour un confort d’usage optimal, les cartels en braille doivent être inclinés et fabriqués avec des matériaux résistants à l’écrasement.

« J’ai visité une exposition avec un audioguide et en fait on se perdait parce qu’il y avait plein de tables avec des choses à toucher, l’audioguide parlait, mais bon malheureusement il ne vous disait pas « tournez à gauche, tournez à droite », ce qui fait que vous n’aviez rien sous les pieds. Et en fait, on y allait au petit bonheur la chance. » (Visiteuse de musée en situation de handicap visuel, bénévole de l’Association Valentin Haüy, entretien réalisé le 13/07/2022)

Par ailleurs, si les éléments tactiles sont indispensables pour avoir accès au message global de l’exposition, ils ne sont pas suffisants s’ils sont appréhendés seuls. Un audioguide ou une audiodescription – une description orale des éléments visuels – est nécessaire à la bonne compréhension des expôts, et facilite la découverte tactile. Dans un souci d’autonomie et pour repérer l’emplacement des dispositifs accessibles, il est particulièrement recommandé que l’audioguide apporte des indications de déplacements. Toutefois, la mise en place de bandes podotactiles et d’un guidage au sol à l’utilisation d’une canne blanche reste la seule solution qui permet une autonomie complète des visiteurs non-voyants. A titre d’exemple, le LWL Industrial Museum à Dortmund, en Allemagne, présente une exposition permanente inclusive. Installée dans un ancien bâtiment administratif, le parcours est équipé d’un système de guidage au sol depuis l’entrée du bâtiment jusqu’à sa sortie. Il guide les visiteurs mal ou non-voyants vers un plan de chaque salle présentant les objets à toucher, les points d’écoutes et les images visio-tactiles ainsi que la disposition des cimaises. Les visiteurs peuvent appréhender l’espace en toute sécurité et profiter pleinement de l’expérience de visite.

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Bandes podotactiles, image visio-tactile et buste à toucher au LWL Industrial Museum, Dortmund ©CL.

 

4ème étape : tester les dispositifs avec les publics concernés

« Solliciter les associations ou les usagers eux-mêmes pour avoir leur avis, c'est vraiment l'essentiel, je pense. Ça rallonge les processus de création, de validation, etc, mais si on ne convie pas les personnes elles-mêmes, on va systématiquement tomber à côté de la plaque. Même avec toute la bonne volonté du monde, même en étant formé. » (Chargée de mission RSO du musée du Quai Branly Jacques Chirac)

Afin que les dispositifs conçus soient réellement utilisables et appropriables, il faut travailler avec les publics concernés. Ici, la co-construction est entendue comme le fait d’associer à la conception des dispositifs à destination des publics à besoins spécifiques, les usagers eux-mêmes. Et ce, par le biais de réunions ou de groupes de travail dans lesquels sont préconisés les mesures à mettre en place, les besoins à prendre en compte, les améliorations à effectuer. L’acte de co-construction le plus aboutie étant la validation en cours de réalisation des dispositifs – ou des prototypes –, testés plusieurs fois par un petit groupe de personnes en situation de handicap. Dans le cadre des parcours tactiles, il est recommandé de demander à des personnes aux degrés de malvoyance différents. Cette co-construction garantit une expérience de visite adaptée. Toutefois, ces phases de test et de validation allongent les délais, notamment quand les dispositifs doivent être revus, il est donc important de prendre en considération ces derniers lors de l’établissement du rétroplanning. A défaut de ne pas pouvoir réaliser de tests utilisateurs, des compromis peuvent être trouvés comme la consultation d’un comité composé de relais associatifs.

5ème étape : ne pas négliger la médiation humaine

« Je pense que de toute façon, il faut qu'il y ait quand même un guide qui soit présent. Parce que le tactile ne vous donnera jamais des explications détaillées sur une œuvre. Il faut que ce soit une combinaison des explications orales et du toucher. » (Visiteuse de musée en situation de handicap visuel, bénévole de l’Association Valentin Haüy)

Le guide est largement privilégié à l’utilisation de l’audioguide, notamment pour le rôle communicationnel et participatif de l’expérience proposée, et la possibilité d’interaction qui en découle. La présence d’un guide est également préférée en ce qu’elle diminue la fatigabilité des visiteurs. En effet, la navigation tactile requiert une grande concentration, et accéder au contenu n’est pas aisé. Ne pas avoir à lire les cartels en braille ou à chercher l’information peut permettre de maintenir son attention sur un temps plus long. En cela, l’appropriation des parcours tactiles, la compréhension des œuvres et la satisfaction retenue de la visite sont profondément liées à l’accueil et l’accompagnement humain proposés au sein du musée. Les médiateurs culturels sont les premiers représentants de l’institution muséale, et les garants d’une expérience de visite agréable.

6ème étape : communiquer sur l’offre

Concevoir un parcours tactile est une première étape pour rendre accessible le musée aux publics mal et non-voyants. Bien que ces dispositifs profitent à tous, il est important que le musée soit perçu comme un lieu adapté dans lequel le visiteur, quelles que soient ses envies, puisse profiter pleinement de la visite. De ce fait, il ne suffit pas d’avoir les outils à disposition pour que ces derniers soient utilisés. Les musées dans leur mission d’accroissement, de fidélisation et de diversification des publics ne doivent pas se contenter d’attendre que les visiteurs viennent à eux, ils doivent aller chercher les publics en transmettant l’information. En effet, les institutions culturelles ayant récemment conçu une offre accessible peinent à attirer ces publics, notamment dans le cadre des visites spécifiques. Le défi pour ces musées dont l’accessibilité est récente, est de communiquer auprès des publics sur l’existence d’une offre qui leur est adaptée. Ils peuvent prendre contact avec les organismes et des associations locales et nationales – Association Valentin Haüy, CFPSAA, Les auxiliaires des aveugles, apiDV, Voir ensemble... Les supports d’information créés leur sont envoyés et l’information est diffusée aux adhérents par le biais de l’emailing et des magazines spécialisés, édités par les associations nationales. En guise d’exemple, le Lugdunum Musées et Théâtres romains, a créé une brochure envoyée à près de 500 structures médico-sociales réparties sur le territoire Lyonnais. Mais tout cela prend du temps et il ne faut pas s’attendre à ce que les effets positifs soient visibles immédiatement. De fait, le rôle du « bouche à oreille » n’est pas à négliger. Les publics étant plus enclins à visiter un site recommandé par un proche digne de confiance.

Les parcours tactiles, des dispositifs nécessaires mais insuffisants

Pour conclure, concevoir un parcours tactile à destination première du public déficient visuel ne suffit pas à rendre le musée accessible. Dans la réalité des faits, l’expérience de visite est régie par un grand nombre de facteurs, et la visite ne débute pas dans l’espace d’exposition. Afin de proposer une expérience de visite accessible à tous, il faut nécessairement penser l’accessibilité dans sa globalité. La conception d’un dispositif de médiation ne doit pas être pensée ex-nihilo, mais en lien avec son environnement, immédiat ou non. Et si les parcours tactiles sont à destination de tous les publics, ils ne s’inscrivent pas dans une démarche d’accessibilité universelle. A la différence des parcours multisensoriels. En effet, la multiplication des canaux sensoriels permet d’appréhender les œuvres, les expôts ou encore le discours général de l’exposition, et ainsi la découverte et l’apprentissage selon les envies et compétences / capacités de chacun. Lorsqu’une personne est privée d’un sens, varier les modes d’approches sensorielles permet de proposer une expérience adaptée. Concrètement, ces parcours multisensoriels se présentent comme des stations sur lesquels la mobilisation de tous les sens est rendue possible, et ce pour tous les visiteurs. A titre d’exemple, le Musée d’Aquitaine à Bordeaux a récemment inauguré un parcours sensoriel composé d’une trentaine de stations. Certaines mobilisent simplement le toucher, d’autres présentent des dispositifs olfactifs, etc. Au Musée des Augustins à Toulouse, un parcours multisensoriel qui n'est pas encore ouvert au public proposera également une série de stations qui mobilisent les sens et font vivre aux visiteurs une véritable expérience.

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Module « L’orgue » du parcours Touchez la musique au musée de la Musique ©CL.

 

Camille Leblanc

*LSF = La Langue des Signes Française est une langue visuelle et gestuelle qui permet de communiquer par des signes.
*FALC = Le Facile A Lire et à Comprendre est une méthode d’écriture simple développée en France par l’Unapei.
*AMO = Pour assumer pleinement son rôle, le maître d’ouvrage peut s’adjoindre les compétences d’un assistant au maitre d’ouvrage.

Pour aller plus loin :

  • CASEDAS Claire, « Les publics en situation d’handicap visuel », podcast J’ai l’œil du tigre, n°46, 26 octobre 2021, 20 min.
  • LEBAT Cindy, « Une muséologie du sensible : enjeux et conséquences pour les visiteurs déficients visuels », Les cahiers de muséologie, n°2, 2022, 15 p.
  • LEBAT Cindy, « Les personnes en situation de handicap sensoriel dans les musées : réalités d’accueil, expériences de visite et trajectoires identitaires », Héritage culturel et muséologie, Thèse, Université Sorbonne Paris Cité, 2018, 512 p.
  • SALMET Ariane, « Expositions et parcours de visite accessibles », Ministère de la Culture et de la Communication, collection Culture et handicap, 2017, 148 p.

#Expositions #Accessibilité #Handicap