A quelques kilomètres d'Essen en Allemagne, le Ruhr Museum conserve l'histoire de cette région très marquée par l'industrie du charbon. Quelle expérience de visite de cet ancien site minier, au cœur du plus grand bassin minier d'Europe ?

Panorama depuis le toit du bâtiment. ©OH

 

Au loin, nous distinguons les bâtiments d’un rouge brique. La célèbre forme des mines de charbon se détache du paysage. Nous lisons sur la brique « Ruhr Museum ».

Arrivées au pied du bâtiment, la hauteur des murs nous surpassent. Pour entrer au musée, quelques dizaines de mètres plus haut, nous montons dans l’escalator. Au fil de la montée, le panorama se dévoile avec ses étendues de forêts.

Nous arrivons à un vaste étage. Le comptoir de l’accueil est au centre. Des panneaux en allemand sont suspendus pour indiquer des directions. Une fois le billet de visite en main, un plan du site nous permet de constater l'ampleur du site. Ancien centre minier, l'espace d'exposition permanente fait 4 500 mètres carrés. A cela, s'ajoute 1 000 mètres carrés d'espaces d'expositions temporaires. Un détour au vestiaire pour déposer nos effets personnels, le regard rieur de la surveillante des casiers à entendre notre accent français dans les « Hallo » qui retentissent gaiement.

La scénographie a été faite par HG Merz, un studio de Stuttgart. La visite commence par une cage d’escalier, indiquant que nous sommes à vingt-quatre mètres du sol. Nous lisons « Panorama », un mot facile à comprendre, transparent. La curiosité nous pousse à suivre ce panneau qui tapisse plusieurs espaces du lieu. Nous montons. 45 mètres. 54 mètres. 65 mètres. Nous voici en haut du bâtiment : le paysage reste marqué par l’industrie. En effet, la région de la Ruhr contient le plus grand bassin industriel d’Europe. Ce dernier commence au sud de l'Angleterre, descend jusqu'au nord de la France, celui de la Belgique et se termine en Allemagne. La présence de charbon a multiplié le nombre de sites industriels. De ce fait, la région regorge de sites classés au patrimoine de l’UNESCO, de musées retraçant l’histoire de la mine, transformations de sites industriels en « coulée verte », pôle de recherche et haute technologie. Le devenir de ces structures monumentales recèle bien des enjeux politiques.

Puis vient le moment de comprendre l’histoire de cette région, en redescendant étage par étage dans un voyage pensé comme la descente du charbon. Des escaliers aux teintes jaunes orangées nous rappellent le feu des mines. La collection est riche de 25 000 pièces géologiques, archéologiques et historiques. Certains objets ont plus de 120 ans. La collection de sciences naturelles et d'archéologie vient du monde entier, mais la grande majorité provient de la région de la Ruhr. Ces dix dernières années, la valorisation s’est concentrée sur l'histoire naturelle de la région, en particulier les environnements de travail et de vie à l'ère industrielle.

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Escaliers du musée de la Ruhr. ©OH

 

Dix-huit mètres. Première salle. Le mot « Présent » se détache du reste de l'espace. Accueillies par des cimaises en forme de rubans Leds blancs, des photographies, des visages, des instants capturés sont maintenant exposés comme témoins d’une époque. Nous traversons cet espace qui met en scène l’histoire du lieu, non sans une once d'attachement à ces images, témoins de leur temps. Un contraste intéressant joue avec notre perception de la salle : le blanc éclatant des cimaises irradie dans la pénombre de la pièce dont la structure est restée intacte.

Des colonnes blanches ponctuent la salle au fond de l’étage. Leur blanc perce la pénombre pour mettre en lumière un objet dans chaque colonne. À la fois mémoire collective et signe du temps, les éléments racontent, chacun à leur façon, un usage, un savoir-faire. Nous déambulons entre les colonnes sans en voir la fin. Des objets du quotidien, des éléments plus atypiques, des matières... Tous utilisés dans le passé. A la sortie de cette salle, le fil coupé d'un ascenseur rappelle la fin de l'industrie du charbon. Nous prenons conscience de l'importance d'illustrer les mémoires, les souvenirs encore présents.

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Espace d'exposition du premier étage. ©OH

 

La visite continue. Nous descendons. Douze mètres. Étage sur la mémoire. Un sens large est donné à ce mot. Cela nous surprend : la mémoire est si souvent rattachée aux rapports sociaux et non aux éléments biologiques. L'espace d'exposition comprend des fossiles, des statues, des strates de la couche terrestre, des animaux empaillés, des paysages d'une autre époque... Nous voyageons des premiers vestiges de vie aux espèces contemporaines. L'exposition prend vie dans le bâtiment très peu modifié après la fermeture de l'industrie. La scénographie garde les pleins et les vides de l'espace : des fossiles au fond d'un silo, des statues dans le recoin d'une voûte... L'éclairage est tamisé, l'ambiance intimiste. Nous nous sentons liés à ces objets, curieux de comprendre leur présence ici. Les cartels sont épurés, les textes de salles sont disponibles sur une application développée par le musée. Nous permettant de comprendre la visite en français, ce logiciel décompose le musée en différents secteurs, en dehors des pôles pré-définis. Un texte, lu par une voix numérique ou par soi-même, donne les clés de compréhension de chaque espace.

Nous poursuivons. Un étage plus bas. Six mètres. Nous lisons « Histoire ». Un mot valise qui nous questionne. Toute cette visite n'était-elle pas là pour faire vivre l'histoire du site ? Située dans une ancienne pièce de triage du charbon, cette partie de l'exposition est traitée tout en longitude pour représenter une perspective temporelle. L'espace est décomposé comme le récit d'un roman, nous en ressentons des chapitres. 5 chapitres pour présenter l'histoire de la Ruhr. Le prologue débute à la formation du charbon il y a plus de 300 millions d'années. Puis, l'histoire continue avec une allée au centre de la pièce. Incitant le visiteur à s'allonger, des images projetées au plafond évoquent les débuts de l'industrialisation, l'essor de l'industrie du charbon et de l'acier puis vient l'industrialisation de masse. Sur un autre dispositif, sont illustrés les ravages de la guerre, la reconstruction et l'évolution structurelle, encore questionnée aujourd'hui. Le reste de l'exposition est en dehors de notre champ de vision, pour un voyage hors les murs.  Parallèlement, nous découvrons sur la lignée voisine les aspects politiques, économiques, sociaux de l'industrie de la mine aux différentes époques : le monde du travail, le mouvement ouvrier, l'immigration, l'évolution de la population et leur mode de vie. Enfin, nous observons les conditions naturelles et conséquences de cette industrie : les matières premières, la destruction de l'environnement et les programmes de renaturation. Une ouverture laissant place aux questionnements qui découlent de la place de l'industrie de nos jours. Le musée semble très conscient des enjeux environnementaux, sociaux, durables... Entre souvenirs et avenirs.

 

Olympe HOELTZEL

 

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