A chaque visite de musée, la même question se pose : qui restera dehors pour garder le chien ? Et s’il était possible de faire autrement ? Culture pour (tou)tous ! 

Olaf gambadant joyeusement au Musée Guimet (montage) S.N.

 

Chaque fois que je veux faire une sortie musée en famille, le même problème se pose : qui d’entre nous restera dehors, pour garder Olaf ? Notre terrier du Tibet a beau être propre, sage et (presque) obéissant, impossible de faire entendre au personnel qu’il se tiendra bien : nos amis à quatre pattes ne sont pas les bienvenus, même en laisse, au milieu des collections muséales.

 

Incapable de me résoudre à laisser ce pauvre toutou dehors, je m’attelle à une nouvelle mission : est-il possible de faire entrer un chien au musée ? Quelles stratégies pouvons-nous mettre en place pour qu’il y soit accepté ?

Stratégie n°1 : Le naturaliser

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Photos et montage : S.N.

 

Cette première stratégie semble radicale, mais c’est pourtant sous cette forme que nous croisons le plus souvent les animaux dans les musées, en particulier dans les Museums d’histoire naturelle, où les spécimens biologiques peuplent les vitrines comme les réserves. Dans les cabinets de curiosités, ancêtres des musées, se trouvaient déjà des naturalia, trésors de sciences naturelles, dont des spécimens naturalisés, au milieu des herbiers, pierres et autres fossiles.

 

Si ces animaux sont acceptés vidés de leurs chairs ou baignant dans du formol, dans chacun des cas, morts, il est plus rare que les animaux se baladent librement dans les collections, bien que des collections vivantes soient parfois conservées par les institutions.

 

Mon chien n’est pas encore mort, bien heureusement. Mais s’il l’était, serait-il possible pour lui de rejoindre des collections muséales ? Il faudrait dans ce cas faire don de son enveloppe naturalisée au musée, et que ce don soit accepté, ce qui n’est pas chose aisée.

Le Muséum de Toulouse présente ainsi les acquisitions des musées : « Quel que soit le mode d’acquisition, tout objet entrant dans le domaine public doit répondre à certains critères avant d’intégrer les collections. Il doit être conforme au projet scientifique et culturel (PSC) qui définit, entre autres, la politique d’enrichissement de l’établissement […]. La politique d’acquisition tient compte des aspects scientifiques, pédagogiques, esthétiques, de la documentation qui accompagne l’objet et de sa cohérence avec les fonds existants du muséum. » (« Politique d’acquisition et mode d’enrichissement des collections », L’écho des réserves). 

Plusieurs contraintes rentrent donc en ligne de compte, et à moins de justifier d’un intérêt pédagogique particulier, de démontrer la beauté légendaire de mon chien ou d’avoir documenté ses exploits, il semble difficile de le faire rentrer dans des collections de museum.

Stratégie n°2 : Devenir une star (ou soudoyer des agents)

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Montage : SN ; photos : capture d’écran du compte instagram de Demi Moore (@demimoore) / AH.

 

En juillet 2022, l’actrice et réalisatrice Demi Moore se rendait au Louvre en compagnie de son chien Pilaf pour admirer successivement la Joconde, Psychée ranimée par le baiser de l’Amour de Canova ou la Vénus de Milo. Cette visite a été très critiquée : alors que le commun des visiteurs se voient refuser l’accès au musée s’ils sont accompagnés d’un animal, il reste possible pour des célébrités de passer outre les consignes de sécurité et les règles de conservations préventives généralement appliquées. Pour faire découvrir à Olaf l’œuvre de Léonard de Vinci ou les peintures animalières de Rosa Bonheur (je suis sûre qu’il apprécierait), serais-je obligée de changer mes plans de carrière, et bénéficier de traitement de faveur par mon statut ou mes « généreux » mécénats ?

Stratégie n°3 : lui trouver un emploi au musée

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Montage : SN ; photos : capture d’écran des compte instagram du Museum of fire  et du Museum of Fine Arts de Boston (@mof_sidney et @mfaboston)

 

Les chiens vivants sont bien souvent interdits d’accès dans les musées… mais ce n’est pas le cas de tous les chiens. Certains remplissent des rôles bien particuliers, qui leur donnent un statut et un accès privilégié aux salles d’expositions. Parmi ces chiens tolérés, les chiens-guides, qui permettent à leur maître aveugles ou malvoyants de se déplacer sans encombre dans les lieux publics. Interrogé dans le cadre de l’exposition Chiens et chats au Museum de Toulouse, Christian Lepinay, maître aveugle, précise : « un animal de compagnie on l’a chez nous, un chien-guide on l’a partout, on peut aller partout avec. […] La loi aujourd’hui nous permet d’accéder à tous les lieux publics avec nos chiens-guides », ce qui inclut donc les musées rentrant dans cette catégorie. Un long apprentissage est nécessaire aux chiens-guides, cela ne s’improvise pas, Olaf en est donc totalement exclu.

 

Il pourrait cependant remplir la fonction de mascotte qu’occupent certains chiens dans des musées : c’est le cas de Duke et Suki au Museum of Fire de Sidney, qui décorent les calendriers édités par le musée, sont pris en photos avec les visiteurs et sont même déclinés en peluches vendues dans la boutique. 

 

D’autres chiens employés par les musées occupent des postes surprenants. Ils peuvent ainsi être chiens de berger pour les moutons d’un écomusée (Taff, au Food Museum de Suffolk), ou encore… régisseurs. Riley, un Weimanarer, travaille au Museum of Fine Arts de Boston, et assiste l’équipe de conservation en prévenant par son odorat entraîné les risques d’infestations de nuisibles (mites, insectes xylophages…) dans les collections.

 

stratégie 3

 Riley, the Museum Dog, Boston, Museum of Fine Arts (cliquer sur l'hyperlien pour voir la vidéo)
 Montage : SN ; photos : capture d’écran du compte instagram du Museum of Fine Arts de Boston (@mfaboston)

 

Malheureusement, il est un peu tard pour commencer l’entraînement d’Olaf et faire de lui un régisseur du futur. A défaut, il reste possible d’explorer les espaces muséaux qui, par leurs contraintes de conservation moins strictes ou leurs espaces ouverts, permettent aux chiens de circuler librement.

Stratégie n°4 : Chercher des espaces de liberté

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Montage et photos : SN

 

Les galeries, qui restent des espaces de vente et d’exposition davantage que des lieux de conservation, autorisent souvent les chiens à entrer dans leurs espaces. Olaf a ainsi pu découvrir récemment la peinture contemporaine au hasard d’une visite d’une galerie d’art. Fait encore rare, une récente exposition du Pavillon de l'Arsenal permettait également à ses visiteurs de venir accompagnés de leurs animaux de compagnie : dans "Paris Animal - Histoire et récits d'une ville vivante" (du 29 mars au 1er octobre 2023), les visiteurs à deux ou quatre pattes pouvaient découvrir l'histoire des cohabitations animales citadines. 

 

Dans les parcs et sites ouverts au grand air, comme le Landschaftspark de Duisburg en Allemagne, les chiens en laisse sont les bienvenus et peuvent eux aussi découvrir ce lieu témoin du patrimoine industriel. L’accompagnement d’un chien révèle d’autres strates d’histoire des lieux. Regarder autour de soi est important, mais que nous racontent les odeurs ? Quelle perception du monde peut m’apporter l’animal ? Olaf peut-il sentir la trace des produits chimiques, l’odeur des machines et du charbon qui hante les lieux ? Dans le parc de sculpture du domaine de Kerguehennec en Bretagne, ou les parcs des châteaux de la Loire, il est plus intéressé par les animaux de passage que par l’art contemporain ou l’architecture, et il me force à m’y intéresser à mon tour. Faire des visites avec mon chien demande donc un peu plus de recherche et de souplesse dans les programmes, mais force à sortir de mes habitudes culturelles, et à lire les lieux non pas uniquement comme des lieux marquants du patrimoine humain, mais des lieux bien vivants fréquentés par des non-humains… Prêter attention à ces êtres traversant les lieux permet d’être, finalement, davantage attentifs à leur présence, leur confort, mais aussi à percevoir leurs performances. La musique animale, des chants d’oiseaux aux aboiements, à peut-être autant d’importance qu’un duo de pianistes. Les murmurations des oiseaux au crépuscule valent bien la chorégraphie d’un cercle celtique. La toile d’une araignée est-elle une construction architecturale moins aboutie qu’une cathédrale ?

 

Et, si la plupart des musées leur sont fermés, il nous reste la fiction pour imaginer ces promenades à quatre pattes :

 
Museum Trotter, par Julie Dumontel, Pauline Tiadina et Olympe Hoeltzel, 2nd prix du jury au concours Musé(em)portable 2023.

 

Sibylle Neveu

 

Pour aller plus loin  :

 

#chien #mascotte #animaux