Quand la réalisation cinématographique des années 1950 reste fermée aux femmes, Agnès Varda, elle, franchit ces barrières et s’impose comme modèle d’émancipation des femmes. 

 

Agnès Varda et son histoire avec le cinéma 

Devant l’entrée de la Cinémathèque française à Paris, apparaît une grande peinture murale. Une femme à la coupe au bol bicolore interpelle le visiteur. C’est Agnès Varda, cinéaste de la Nouvelle Vague, photographe et artiste contemporaine à qui est dédiée la nouvelle exposition de la Cinémathèque française Viva Varda ! du 11 octobre 2023 au 27 janvier 2024. 

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Peinture murale - Façade de l’entrée - Cinémathèque française ©LS 

 

Née à Ixelles en Belgique, Agnès Varda est à la fois photographe, cinéaste et artiste. Fervente défenderesse du cinéma libre, elle devient une des cinéastes emblématiques de la Nouvelle Vague. Mêlant courts métrages et documentaires innovants, sa création se définit par un processus d’expérimentation. De 1948 à 1960, elle accompagne Jean Vilar en tant que photographe officielle du Festival d’Avignon avant de s’élancer vers l’art dès 1980. À ce titre, elle réalise une de ses œuvres maîtresses, Les Glaneurs et la Glaneuse, démontrant sa volonté de mettre en lumière des thèmes comme ceux de la pauvreté et de l’exclusion. 

Appréciée pour ses œuvres cinématographiques, Agnès Varda reçoit plusieurs distinctions comme le Lion d’or, en 1985 à la Mostra de Venise avec Sans toit ni loi, la Palme d’honneuren 2015 au Festival de Cannes, l’Oscar d’honneur en 2018 par l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, et bien d’autres. Elle est la seule réalisatrice à avoir reçu trois grands prix d’honneur. Agnès s’affirme comme femme cinéaste tout au long de sa carrière et s’exprime sur la place des femmes dans le milieu du cinéma. Dans la lutte pour l’émancipation des femmes dans le cinéma et dans une globalité, elle devient aujourd’hui un modèle et une pionnière dans l’Histoire du cinéma. 

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Portraits d’Agnès Varda - Exposition “Viva Varda !” - Cinémathèque française ©LS 

 

Inspirations et nouveaux concepts 

Viva Varda ! retrace la carrière et la vie d’Agnès Varda, en laissant le visiteur entrer dans son univers. Elle est la première exposition rétrospective de la cinéaste depuis son décès en 2019. Quelles étaient ses inspirations, ses travaux, ses engagements, ses voyages et ce qui l’a animée toute sa vie ? Vêtues de rose, les premières cimaises exposent les portraits, autoportraits, dessins - portraits d’Agnès. Comme multi-facettes, ses images et son œuvre sont imprégnées de poésie, de théâtre et de littérature, reflétant sa curiosité et son ouverture. 

Agnès Varda défend le cinéma libre et le concept de cinécriture, des partis-pris exposés dans une seconde section de l’exposition. Aux côtés des scénarios manuscrits, des séquences et photographies tirées de film, d’objets de ses personnages, le visiteur est projeté dans son univers filmographique. 

Pour elle, le travail de cinéaste est un jeu d’écriture, une expérimentation continue jusqu’au montage final. Elle construit des personnages féminins réflexifs, rares dans les années 1950 et se compare à Nathalie Sarraute, écrivaine franco-russe, qui écrit des portraits inconnus avant le Nouveau roman. Agnès invente, imagine des tempéraments, des situations et surtout les pensées des personnages auxquels elle donne vie. Elle accorde une grande importance à la subjectivité du personnage à travers ce qu’il perçoit, et fait de chacun d’eux des personnages à part entière, caractéristique de son cinéma. Dans la forme, elle ajoute des structures narratives par des ellipses et des chapitres. Elle renouvelle ainsi le récit et tient à y intégrer une sensibilité féministe. 

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Projection, extrait de Sans toit ni loi - Exposition “Viva Varda !” - Cinémathèque française ©LS 

 

Une femme ouverte sur le monde et ses enjeux 

Deux salles, l’une aux murs rouges et l’autre oranges, à l’image de sa filmographie et de ses voyages, dépeignent une autre vie d’Agnès. Celle d’une femme engagée et soucieuse des enjeux sociaux, politiques, civiques et internationaux. 

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Couloir de l’exposition - Exposition “Viva Varda !” - Cinémathèque française ©LS 

 

Curieuse du monde qui l’entoure, elle porte attention à la marginalité et la pauvreté et aux mouvements sociaux auxquels elle assiste : la révolution cubaine, la jeune génération en lutte contre la guerre du Vietnam à Los Angeles, ou les mouvements pour les droits civiques américains avec les Black Panthers. Sa grande alliée est sa caméra portable qu’elle emporte durant ses voyages. Chaque rencontre, parole ou mouvement devient une image ou une séquence forte retrouvée dans la filmographie d’Agnès. 

Visages, Villages réalisé en 2017 est aussi le reflet de cette ouverture. À l’issue d’une rencontre artistique avec JR, elle entame un long périple sur les routes de France dans le camion photographique de l’artiste. Tous les deux sont curieux, aiment les gens et la photographie. Dans ce film documentaire, les deux artistes échangent avec les habitants des villages, écoutent leur histoire et tirent leur portrait qui devient une peinture du paysage rural. Visages et Villages devient une œuvre double, à la fois photographique et cinématographique. 

 

Agnès Varda : modèle de l’émancipation féminine 

“J’essayais de vivre un féminisme joyeux, mais en fait j’étais très en colère. Les viols, les femmes battues, les femmes excisées. Les femmes avortées dans des conditions épouvantables. Des jeunes filles qui allaient se faire un curetage à l’hôpital et des jeunes internes qui leur disaient : pas d'anesthésie, ça vous apprendra.” Les plages d’Agnès, 2008 

“Je ne sais pas à quel moment j’ai pris conscience que ce n’était pas seulement la question d’être libre mais que le combat des femmes serait collectif ou ne serait pas. Parmi les revendications, la plus urgente était le droit d’avoir des enfants ou pas” Les plages d’Agnès, 2008

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Autoportrait d’Agnès Varda - Exposition “Viva Varda !” - Cinémathèque française ©LS 

 

En 1977, Agnès Varda réalise L’une chante, l’autre pas qui illustre le combat des femmes et son évolution, pour leurs droits et leur émancipation. Le droit à l’avortement et son instauration tient une grande importance dans ce film. 

Souvent interrogée au sujet de son engagement féministe, Agnès Varda fait partie des femmes ayant une notoriété qui osent s’affirmer. À la télévision, elle défend que le cinéma des femmes existe violemment et que s’il découle d'un regard et de la sensibilité d’une femme, il ne doit pas être déterminé autrement que par du cinéma. Ainsi, si le cinéma “des femmes” est perçu socialement, selon la cinéaste, il éveille une délimitation entre celui des hommes et celui des femmes. 

Agnès Varda s’implique politiquement dans la revendication des inégalités hommes-femmes et de la prédominance des hommes dans le monde du cinéma. Elle intègre le Collectif 50/50 crée en 2018 dont le but est de promouvoir l’égalité homme-femme et la diversité sexuelle et de genre dans le cinéma et l’audiovisuel. 

 

Léa Sauvage 

 

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