Quand un couturier passionné par l’histoire de la mode accumule des pièces, l’exposition devient une rétrospective de la mode du siècle dernier !
Azzedine Alaïa, icône de la mode
C’est au Palais Galliera qu’est présentée jusqu’au 21 janvier 2024 une des plus grandes collections de pièces de mode établie par le couturier Azzedine Alaïa (1935-2017).
Née à Tunis en 1935, Azzedine Alaïa était un sculpteur du tissu. Dès les années 1980, il conquit la mode parisienne par ses habiles techniques acquises en créant pour ses clientes et par l’admiration portée pour ses prédécesseurs. Adulé de tous, ses pièces étaient significatives par leurs coupes parfaitement identifiables. Il portait une attention particulière au tombé du vêtement sur le corps de la femme, à la manière dont il épousait subtilement ses formes.
Un amoureux du savoir-faire
Exposition "Azzedine Alaia, couturier collectionneur" au Palais Galliera à Paris, janvier 2024 © EK
L’exposition « Azzedine Alaïa, couturier collectionneur » réunit près de 140 pièces appartenant à la Fondation Azzedine Alaïa. Fort d’une collection de plus de 20 000 pièces accumulées tout au long de la vie du créateur, Azzedine Alaïa collecte à partir de 1968 à la suite de la fermeture de la maison Balenciaga. Cette accumulation du couturier permet à ce jour de concurrencer les plus grandes collections des musées français. Sa passion pour l’histoire de la mode lui permet d’acquérir des pièces prestigieuses allant du début de la haute couture, au XXè siècle, et même parfois XXIè siècle. Elsa Schiaparelli, Madame Grès, Jean Patou ou encore Jeanne Lanvin figurent dans le parcours d’exposition, parmi tant d’autres.
Cette exposition, qui a lieu 10 ans après celle de la rétrospective de sa carrière, célèbre cette fois-ci la collection personnelle du couturier : des œuvres iconiques du patrimoine de la haute couture française. Azzedine Alaïa a constitué un patrimoine de la mode, en a permis sa préservation et a ainsi participé à l’élaboration de son histoire par sa transmission.
L’importance des héritages
L’exposition permet de comprendre l’importance du passé pour créer, imaginer le futur. C’est pourquoi beaucoup des pièces exposées sont indémodables, bien que fabriquées il y a plus d’un siècle pour certaines. Elles pourraient être portées par une mannequin au cours de la prochaine Fashion Week. Après une observation minutieuse, certaines techniques de plissé, de teinture ou plus globalement des coupes se retrouvent encore aujourd’hui dans l’élaboration de pièces de haute couture. Chaque créateur s’inspire du passé et de ses techniques pour élaborer une « nouvelle » tendance.
Exposition "Azzedine Alaia, couturier collectionneur" au Palais Galliera à Paris, janvier 2024 © EK
En plus de permettre l’accès à des pièces remarquables, la collection comporte aussi des noms oubliés de la scène de la mode, comme Jacques Fath ou Adrian. Ces deux couturiers ont pourtant permis, de par leurs maisons de couture, la modernisation et la glamourisation du style féminin de la première moitié du XXè siècle.
Un parcours classique, évocateur d’un temps passé
L’exposition créée par Olivier Saillard (commissaire d’exposition) directeur du Palais Galliera, et Martin Szekely (scénographe) designer, a lieu au rez-de-chaussée du Palais Galliera. Le visiteur entre dans un lieu sombre, où les seules couleurs proviennent des quelques vêtements colorés. La pénombre ne permet pas leur mise en valeur, il faut s’en approcher pour pouvoir observer tous ses détails, son état ou encore sa matière. Cette “mise en valeur” est surtout un marqueur de protection de ces pièces, habituées à l’obscurité, et qui ne peuvent rester plus de 4 mois sous une lumière de 50 lux. L’exposition suit une chronologie qui peut paraître floue si le visiteur ne lit pas le livret proposé à l’accueil. En effet, celle-ci ne présente pas ses pièces par ordre chronologique de création des maisons, mais par ordre d’acquisition par Azzedine Alaïa. Tout commence donc par Cristóbal Balenciaga et se termine par Marie-Louise Bruyère. Entre les deux, une série de mannequins statiques façonnés au niveau des hanches, de la poitrine ou encore des épaules afin de respecter le tombé de la tenue voulue par ses créateurs, et d’atténuer les marques de vieillesse du tissu. Le visiteur passe d’une tenue à une autre, d’une estrade associée à une maison à une autre, à des panneaux illustrant la vie des créateurs et ponctuant ce déplacement libre.
Exposition "Azzedine Alaia, couturier collectionneur" au Palais Galliera à Paris, janvier 2024 © EK
Le souhait d’Azzedine Alaïa était de transmettre au plus grand nombre son patrimoine après sa mort. Cette exposition, malgré une mise en valeur scénographique bien classique et sans surprise des pièces, dédiée il semble à un public connaisseur de la mode, permet la rencontre avec des créateurs et des techniques, inconnus, oubliés ou au contraire prédominants. Elle marque les esprits en permettant de se re-situer au sein de la mode et de son empire de « tendances », d’imaginer que peut-être, demain, les grands créateurs « innoveront » en réutilisant les manières de faire du début du siècle dernier et seront soucieux d’une industrie plus durable et saine.
Elise Klein
Pour en savoir plus :
- https://www.palaisgalliera.paris.fr/fr/expositions/azzedine-alaia-couturier-collectionneur
- https://www.parismusees.paris.fr/fr/exposition/azzedine-alaia
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