A l’ère de la surconsommation, des lieux comme le Musée du Terroir de Villeneuve d’Ascq deviennent des lieux de transmission de savoir-faire oubliés permettant aux habitants de se reconnecter à leur territoire.

© Musée du Terroir

 

Créé en 1973, le Musée du Terroir est situé à Villeneuve d’Ascq, dans le quartier d’Annapes. Le Musée se distingue par son bâtiment : un ancien corps de ferme « la ferme Delporte », le nom des anciens exploitants agricoles, avant d’appartenir aux familles de Brigode et de Montalembert. Le Musée est fondé à l’initiative d’une association, « La société historique de Villeneuve d’Ascq et du Mélantois », qui initie une collecte d’objets. La collection compte aujourd’hui environ 20 000 objets. Afin de les conserver, des réserves ont été créées dans les années 2010 quand le Musée a été réhabilité. Depuis 2016, la ville de Villeneuve d’Ascq est gestionnaire du Musée.

 

Sauvegarder le patrimoine rural à l’ère de la surconsommation

Musée du Terroir se donne pour objectif de « perpétuer un travail de mémoire du patrimoine rural des 19e et début 20e siècles, tout en proposant de nouvelles offres culturelles » (Source : cartel extérieur retraçant l’historique du lieu). Cet enjeu peut sembler paradoxal aujourd’hui, alors que nous vivons dans une ère de surconsommation où le patrimoine a tendance à s’effacer à cause de phénomènes d’urbanisation et d’exode rural.
Pourtant ce défi est pertinent et participe à la remise en question de notre système de société capitaliste et de nos habitudes de vie.
Par son implantation dans un ancien corps de ferme, le Musée est engagé dans la préservation du bâti traditionnel rural. Le visiteur peut y découvrir un parcours thématique avec des pièces reconstituées : une chambre, une cuisine à l’ancienne dans le bâtiment d’habitation, un estaminet, une épicerie, l’atelier du menuisier, celui du sabotier, une quincaillerie, l’atelier d’un maréchal ferrant, une salle de classe de l’époque, une boulangerie.

 

Des expositions temporaires engagées

Le Musée du Terroir propose chaque année des expositions temporaires qui interrogent nos modèles de vie et de consommation. Leur prix est inclus dans le billet d’entrée du Musée. Cette année, l’exposition s’intitule « Bête comme chou ! Petite histoire du jardin potager », accessible depuis décembre 2023, elle peut encore être visitée jusqu’au 14 juin 2024. L’exposition invite le visiteur à découvrir l’histoire des jardins potagers et la manière dont nos ancêtres les cultivaient.

 

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Affiche de l’exposition temporaire © Musée du Terroir, Ville de Villeneuve d’Ascq

 

Dans cette petite exposition, des objets sont présentés dans plusieurs vitrines, outils anciens pour cultiver le jardin potager ou encore des ouvrages ou manuels scolaires à destination de ceux et celles qui souhaitaient prendre soin de leur parcelle de terre.

 

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Vues de l’exposition temporaire © Millie CHIRON

 

Au Musée du Terroir, les thématiques d’expositions sont choisies en fonction des objets conservés dans les réserves, que l’équipe souhaite valoriser. Pour cette exposition, le propos se focalise sur le jardin cultivé par les habitants et nous partage leur regard. Le thème est actuel. Le propos rend hommage à nos ancêtres attentifs à leur environnement et visaient une autonomie alimentaire. Il y a 100 ans, le terme d’« écologie » n’existait pas.  Par moindre progrès et agriculture intensive, ils vivaient de façon plus responsable vis-à-vis de l’environnement. Les biens matériels avaient plus de valeur car les gens mettaient plus de temps à les acquérir. Une tendance qui revient aujourd’hui, certains préfèrent acheter peu et privilégier la qualité ou le circuit-court. L’équipe du Musée veille toujours à faire référence aux enjeux écologiques actuels pour souligner cet écho entre les collections anciennes du musée et la société moderne. Le musée est ainsi reconnecté à sa vocation, à son rôle, à notre époque et à son territoire.

 

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Vues de l’exposition temporaire © Millie CHIRON

 

Autour de cette exposition des visites sont organisées avec des « classes patrimoine ». Les professionnels de l’équipe proposent aux enfants des ateliers en rapport avec le jardinage.

 

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Vue de l’exposition temporaire © Millie CHIRON

 

Son format de 7 mois interroge les modèles d’expositions temporaires qui peuvent être visibles sur une période plus courte dans d’autres institutions.
L’exposition est un médium, qui, de fait, n’est pas écologique car il nécessite la création de panneaux, de cartels, d’une scénographie plus ou moins élaborée ou encore le voyage d’œuvres empruntées à différents musées. Se pose donc la question de la durée des expositions, pour en produire moins, mais également la question du réemploi des matériaux qui la composent. Au Musée du Terroir, les objets proviennent des collections et n’ont pas nécessité de transport particulier. L’espace dédié à l’exposition est plus restreint et les panneaux peu nombreux, l’impact environnemental est donc dans ce cas assez faible.

 

Sensibiliser les visiteurs pour faire face aux enjeux écologiques actuels

Les musées de société comme le Musée du Terroir deviennent aujourd’hui des lieux de ressources où sont transmis des savoir-faire que nous avons oubliés par la grande majorité à cause de l’industrie, de la standardisation et des technologies qui remplacent la dimension humaine. Le parti pris de ce type de musées est de valoriser les métiers anciens : cordonnier, sabotier, forgeron, bourrelier pour inspirer de nouveau les publics. Le Musée du Terroir est un lieu qui met en valeur le fait qu’il y a plus d’un siècle, il était possible de vivre avec peu. Le parcours de visite est une remise en question de notre société consumériste. Les anciens vivaient en autonomie, ce dont nous avons été dépossédés par l’industrie, cette autonomie est aujourd’hui à réapprendre entièrement.
Dans le Musée, plusieurs lieux sont dédiés à la transmission de ces savoir-faire, notamment l’ancienne grange composée de deux parties : la première centrée autour des métiers du bois et la seconde qui comprend d’anciennes échoppes reconstituées.
Pour sensibiliser les visiteurs pendant le parcours, les médiateurs orientent leur discours en insistant sur la différence de confort au XIXe et XXe siècle. Les habitants n’avaient ni eau courante, ni électricité, ni chauffage. Sont également abordées les notions de la « vente en vrac » qui existent depuis longtemps. Les achats se faisaient en pesant les aliments sur une balance. La consommation était ainsi plus mesurée et ajustée aux vrais besoins contrairement à la surconsommation et le gaspillage que nous connaissons actuellement. Nous pouvons remarquer que la vente en vrac revient à la mode et est prônée dans de nombreux magasins bio et dans certains plus grands supermarchés.
Lorsque des écoles viennent visiter le Musée, les médiateurs soulignent l’importance des différents efforts manuels : par exemple faire tourner la baratte pour produire du beurre, ou encore faire des kilomètres pour aller chercher de l’eau. Cela permet aux enfants de se rendre compte de la vie quotidienne laborieuse où certains travaux n’étaient pas encore facilités par la machine.
Hanbyeol Jeon, médiatrice culturelle et guide conférencière qui travaillait au Musée du Terroir m’a livré ces mots pour décrire la visite des enfants au Musée : « Les enfants d’aujourd’hui vivent dans une époque où les ressources naturelles se raréfient, les énergies fossiles sont amenées à disparaître. Dans cette situation assez alarmante, les enfants font d’eux-mêmes directement les liens. Ils valorisent ces savoir-faire d’autrefois et sont heureux de voir le fruit de leur travail et d’atteindre une certaine autonomie. »
Cet exemple démontre que les médiateurs du musée réussissent grâce à ces visites, à « reconnecter » les enfants avec leur environnement en leur montrant le dur labeur que représente la préparation de certains aliments en effet les enfants ne connaissent pas toujours la provenance de ce qu’ils consomment. 
Hanbyeol m’a partagé son point de vue sur la résonance du Musée face aux enjeux actuels : « Aujourd’hui, avec toutes ces informations pessimistes sur la disparition de nos ressources, ce que l’on montre dans ce Musée a beaucoup plus de sens pour les visiteurs. Les visiteurs adultes nous expriment aussi une satisfaction à retrouver une forme d’autonomie. L’objectif n’est pas de dire « c’était mieux avant » mais de rappeler aux gens que ces options existent encore. »
Au Musée du Terroir, le propos est principalement transmis grâce aux médiateurs culturels, soit à la médiation humaine, plus que par les textes et panneaux d’exposition. Le contact humain, les échanges et les ateliers sont les moyens de transmission privilégiés par l’établissement.

 

Millie CHIRON

 

Pour en savoir plus :

 

#écologie #savoir-faire #transition

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