Alors que les événements de photographie en plein air se multiplient chaque année, quelles nouveaux paradigmes met en place ce type d'exposition ?
Vue de l’exposition « Les expérimentales #2 » proposée par le festival Photo Saint-Germain sur le quai de Solférino en novembre 2023 ©J.N
Photographie en plein air : une offre de plus en plus récurrente
S’il n’est pas nouveau, le succès des expositions de photographie en plein air se confirme. Le Festival photo de La Gacilly par exemple, créé en 2004, accueille désormais 300 000 visiteurs annuels dans une expérience immersive et déambulatoire au cœur du village breton. Dans son texte de présentation, l’événement argue que “l’espace public devient un espace scénique, partagé et accessible à tous, gratuitement. Le Festival peut ainsi se prévaloir d’être suivi par un public de fidèles connaisseurs autant que par un public de complets néophytes.”
Visiteurs au Festival de la Gacilly ©Jean-Michel Niron
Quand la photographie s’installe dans l’espace urbain
Où placer une exposition de photographie en plein air ? Le choix des lieux d’implantation de ce type d’expositions est également intéressant à analyser. On observe bien sûr une forte préférence pour les lieux de passage ou d’affluence : parc, rues fréquentées, quais, gares…
Exposition “Club Ivoire" de François Prost sur les grilles du jardin Villemin lors des Rencontres Photographiques du 10ème en 2023. ©J.N
Le lieu de passage quotidien “ultime”, le métro parisien, est aussi régulièrement utilisé par la RATP elle-même dans le cadre de la programmation “La RATP invite”, en collaboration avec des institutions comme le Jeu de Paume, des festivals comme Circulation(s) ou des magazines comme Fisheye. Créé en 2013, ce programme expose régulièrement des photographes variés ; sur la page consacrée de son site internet, la RATP décrit le choix du médium photographique par le fait qu’il s’agit d’un “art communautaire et d’une forme d'expression artistique accessible au plus grand nombre”. Argument souvent mis en avant dans les programmations liées à la photographie, et complété par les nombreux avantages concrets induits par le médium. L’exposition de photographie en plein air permet en effet de s’émanciper des contraintes habituelles de conservation : reproductibilité des œuvres, techniques résistantes, affranchissement du cadre, accrochage facilité, souvent sur des grilles ou en utilisant des pupitres lestés, qui peuvent être disposés à peu près n’importe où tant que l’autorisation en est donnée. Les événements mettent d’ailleurs généralement en place des partenariats directement avec les collectivités locales, ce qui permet de faciliter largement cette question de l’accrochage dans l’espace public. C’est par exemple le cas de la Biennale de l’Image tangible, soutenue à la fois par la Mairie du 20ème arrondissement et la Mairie de Paris.
Exposition de photographies sur les quais du RER B dans le cadre du Festival Circulation(s) en 2022. ©Hamdi Chref
Certains événements peuvent même investir les supports publicitaires dans l’espace public : c’est le cas de la Biennale de l’Image Tangible qui proposait, à l’automne dernier, des photographies dispersées dans l’est parisien sur des panneaux d’affichage, dans le cadre d’un partenariat avec Clear Channel. Ce type de collaboration peut d’ailleurs poser question, tant un partenariat avec un magnat de l’affichage publicitaire semble éloigné des valeurs d’accessibilité mises en avant par la Biennale autour de cette programmation.
Un panneau d’affichage Clear Channel dans la cadre du projet in situ de la Biennale de l’Image tangible en 2023 ©BIT20 2023
Des expositions réellement accessibles ? Publics et évaluations
Comme vu précédemment, la gratuité est souvent un argument mis en avant dans la communication des expositions de photographie en plein air. De même, ce mode d’exposition peut résoudre le problème de l’effet de seuil, enjeu majeur pour bon nombre de musées. Mais paradoxalement, ce type d’exposition - en dehors des festivals dédiés - n’intègre que très rarement des médiateurs : difficile à mettre en place, la médiation se résume généralement aux textes et aux cartels.
En novembre 2023, le festival Photo Saint-Germain proposait une exposition sur les quais de Seine ©J.N
Autour de cette question, deux visions de ces manifestations peuvent être mises en regard : l’exposition comme un médium, un moyen d’apprentissage ou d’ouverture d’esprit d’une part, et une approche plus sensible d’autre part, où le but n’est pas forcément d’apporter des informations mais de distiller de l’art dans l’espace public. En ce sens, l’exposition photographique en plein air est un médium idéal : relativement simple à mettre en place, se découvrant au détour d’une promenade ou d’un trajet quotidien, elle permet, sinon de sensibiliser, d’habituer les regards à l’observation de la photographie et de désacraliser des pratiques encore élitistes. L’image est là, appartient à chacun, et se prête à autant d’interprétations que de regardeurs, et ce sans la pression “d’être visiteur” impliquée par le cadre du musée.
Jeanne Nicolas
Pour en savoir plus :
- La page dédiée à RATP invite x Festival Circulation(s) : https://www.ratp.fr/groupe-ratp/newsroom/culture/la-ratp-invite-le-festival-circulations-sur-son-reseau
- Le partenariat entre la Biennale de l’Image tangible et Clear Channel : https://bit20.paris/edition-2023/projet-in-situ
- L’exposition de Photo Saint-Germain au Quai de Solférino : http://www.photosaintgermain.com/editions/2023/parcours/quai-de-solferino
#photographie #pleinair #hors-les-murs