Dans un contexte où les préoccupations environnementales prennent une place de plus en plus prépondérante, les musées se trouvent confrontés à un défi de taille : comment rester fidèles à leurs vocations tout en s’adaptant aux exigences d’un monde en mutation ? Ces temples de savoir sont désormais interpellés à réinventer leurs propres récits, à écrire une nouvelle page de leur histoire, teintée de vert et d’engagement écologique. Les musées jouent un rôle dans la sensibilisation du public aux enjeux écologiques et dans la promotion de pratiques durables. Cependant, la nature même de leurs activités, souvent énergivores et génératrices de déchets pose un dilemme : comment assurer la préservation des œuvres tout en préservant l’environnement ?

Image libre de droit, Tungart7©

 

2024, une année charnière dans la transition écologique ?

Depuis quelques années, une attention croissante est portée à la question de l’engagement écologique des musées, et l’année 2024 s’annonce comme une période encore plus intense. Ayant fait des questions de durabilité un axe fort, ICOM France franchit une nouvelle étape pour la décarbonisation du domaine muséal. Cette année, deux nouveaux projets ont été lancés par ICOM France pour accompagner les musées dans la transition écologique les musées en France.

Avec pour thème « Les musées, acteurs de la transition écologique », les dernières rencontres des musées de France, organisées à Paris en décembre 2023, étaient placées sous le signe de la lutte contre le changement climatique. L’un des objectifs fixés par le ministère de la Culture est que d’ici 2025, chaque structure culturelle dispose d’un bilan ou d’un référentiel carbone. C’est dans ce cadre qu’un partenariat entre le Ministère de la Culture et l’ICOM a été conclu pour lancer le projet « Référentiel Carbonne », une initiative ambitieuse réunissant une quinzaine de musées français non-encore soumis à l’obligation légale de procéder à un bilan carbonne de leur structure, répartis sur l’ensemble du territoire français et représentatif de la richesse du réseau. Accompagnés par un cabinet de conseil spécialisé, ces établissements entreprennent le calcul de leur empreinte carbonne et l’élaboration d’un plan de décarbonisation individuel. Les résultats seront analysés afin de concevoir un outil de mesure d’empreinte carbonne réplicable, ainsi qu’une stratégie pour la transition écologique de l’ensemble de la filière muséale. C’est d’ailleurs le travail qu’à commencer à entamer Paris Musées pour l’ensemble de son réseau.

Le projet « Prenons le contrôle du climat », déclinaison française du programme international de Ki Culture « Getting Climate Conctrol Under Control », a pour objectif la révision des normes de conservation ainsi que la réduction de la consommation énergique des musées. Sur une période de 18 mois, les dix musées participants suivent un programme de formation et d’actions adaptées encadrées par des experts en conservation et en gestion climatique. Grâce à ces outils, ces musées collectent et analysent les données nécessaires pour opérer des ajustements sans compromettre la conservation de leurs collections.

En cohérence avec les objectifs du projet « Prenons le contrôle du climat », qui a été sélectionné parmi les 13 lauréats du programme « Alternatives Vertes 2 » du plan d’investissement France 2030, cet appel à projet vise à catalyser la transition écologique des entreprises culturelles. Ce dispositif, doté de 25 millions d’euros et opéré par la Banque des Territoires a pour ambition de favoriser l’émergence d’alternatives vertes innovantes et réplicables, capable de transformer les pratiques culturelles.

 

Des initiatives vertes et responsables

Ces projets de grande envergure illustrent les champs d’études et d’actions à venir pour cette année 2024. Cependant comment les musées peuvent-ils s’engager en faveur d’une transition écologique ? Est-il possible de conjuguer contraintes budgétaires et vœux écologiques ?

La production d’une exposition et sa scénographie font partie des deux enjeux majeurs d’écoresponsabilité. Des initiatives telles que la Réserve des arts à Pantin, qui soutient le secteur culturel dans l’adoption de pratique de l’économie circulaire, ainsi que la gestion des dons par la Direction Nationale d’Intervention Domaniales (DNID), et des expositions écoconçues comme « Expérience Goya » (octobre 2021 – février 2022), la première exposition que le Palais des Beaux-Arts de Lille a conçu dans une démarche écoresponsable, démontrent l’importance du réemploi des matériaux et des ressources. Il est, par ailleurs, intéressant de noter qu’une exposition écoconçue peut coûter en moyenne 30% moins cher.

Dans cette quête vers une gestion plus verte, d’autres défis se dressent sur le chemin des musées. Maîtriser la consommation énergétique, repenser la mobilité des visiteurs ou encore opter pour des matériaux d’impression plus respectueux de l’environnement ne sont que quelques-uns des défis à relever. Mais la créativité et l’innovation sont au rendez-vous ! Des solutions comme l’éclairage intelligent, les initiatives de covoiturage pour se rendre aux musées, l’édition de livres ou de catalogues ou encore, l’utilisation de papier recyclé et d’encre écologique apportent une touche de fraîcheur dans ce paysage en mutation.

Pour financer ces initiatives, plusieurs aides sont mises à disposition pour inciter les musées à entamer leurs transitions écologiques. Le Fonds Vert, lancé en 2022, finance des projets présentés par les collectivités territoriales et leurs partenaires publics ou privés ; France 2030 et notamment l’appel à projet Alternatives Vertes ; ou encore l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) sont des acteurs qui soutiennent les actions de ces musées. La question de la formation des agents publics aux questions écologiques est primordiale. Les agents des musées de Rouen seront ainsi formés, à l’horizon 2024, par le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale).

 

Focus sur Paris Musée, « acteur du changement »

Lors de la récente session d'ICOM France, Paris Musée a été mis à l'honneur pour ses efforts en faveur d'expositions plus respectueuses de l'environnement. Depuis sa création en 2013, l'établissement public a adopté une approche proactive en concevant ses expositions temporaires avec une optique de réutilisation. Cette démarche a été renforcée dès 2020, avec une réelle volonté de promouvoir l'économie circulaire. Les expositions sont désormais planifiées en intégrant dès le départ les enjeux du développement durable à toutes les étapes de réflexion et d'innovation. En 2023, un plan d'action ambitieux a été lancé pour réduire l'empreinte environnementale, établir les principes directeurs de la politique de développement durable et positionner Paris Musée en tant que moteur du changement. Au cœur de cette démarche, se trouve l'implication et la sensibilisation du personnel et du public, avec des formations professionnelles internes proposées.

Paris Musées s'active et déploie de nombreuses initiatives pour devenir un véritable "acteur du changement". Des événements plus respectueux de l'environnement, la végétalisation des musées, une politique d'achat plus responsable, ainsi que la mise en place de points d'eau pour éviter l'utilisation de bouteilles en plastique témoignent de l'engagement de l'institution envers la durabilité. La mobilisation du public est également au cœur des préoccupations, avec des initiatives telles que des conférences sur la biodiversité à la maison Balzac, des conférences sur l'écologie et l'art au Musée d'Art moderne, et une programmation culturelle axée sur l'écoresponsabilité au musée Carnavalet.

 

Julie Bertrand, directrice des expositions et des publications de Paris Musées, a présenté les initiatives écoresponsables de l'institution. Depuis juin 2020, Paris Musées explore activement les questions d'écoresponsabilité, en particulier en ce qui concerne l'écoconception des expositions. En partenariat avec l'entreprise Atemia, l'institution travaille sur un calculateur d'impact carbone qui aidera à piloter les expositions de manière plus écologique, tout en permettant une meilleure gestion budgétaire à long terme. Cet outil analysera l'impact de la production et de la communication des expositions, ainsi que les déplacements du public. Deux outils sont en cours de conception : un calculateur d'impact carbone, basé sur la collecte de données auprès de différents prestataires, et Eco-expo©, un outil d'auto-évaluation qui accompagne les équipes dès la phase de conception des expositions. Paris Musées est également lauréat du projet Alternatives vertes 2 pour la mise en place d'une plateforme de calcul et d'analyse de l'impact des expositions. Cependant, ce processus représente un défi en termes de temps et de charge de travail pour les équipes projet.

 

Au-delà des murs de Paris Musées, adopter une approche écoresponsable dans le secteur culturel exige un changement radical de perspective. Malgré les défis supplémentaires que cela peut impliquer pour les équipes, intégrer des pratiques durables est essentiel. Promouvoir la durabilité ne signifie pas compromettre la qualité ou l’impact des projets, mais plutôt les améliorer. Dans un monde où les e-mails semblent être le langage universel, choisir des pratiques écoresponsables dès le départ est peut-être le premier geste que nous pouvons tous faire… Après tout, chaque clic de souris compte !

 

Emma Laverdure

 

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