Portraits d’intérieurs est une exposition monographique « pour tout le monde » tant par la valeur représentative des sujets que par l’accessibilité de la médiation.

 

Vue de l’exposition Jean-Louis Schoellkopf, Exposition Portraits d’intérieurs, 2024, Théâtre du Nord, Lille. ©N.C
 

L’Institut pour la photographie de Lille étant fermé pour agrandissement et restauration de l’édifice jusqu’en 2026, un important dispositif hors les murs est mis en place. Actuellement, trois expositions sont dispersées dans la métropole lilloise dont Vivantes ! (Le Colysée, Lambersart), Chambre 207 (Musée de l’Hospice Comtesse, Lille) et Portrait d’intérieurs par le photographe Jean-Louis Schoellkopf au Théâtre du Nord. Le théâtre reçoit à lui seul six expositions de l’Institut durant sa fermeture. Incorporées aux espaces communs, ces dernières sont visibles aux horaires d’ouverture du théâtre et en libre accès.

 

Une fois trouvée, une exposition accessible sur tous les fronts

 

Bâtiment dont l’entrée est située sous d’imposants escaliers, le jaune de l’affiche Portraits d’intérieurs est cependant immanquable. À l’intérieur, lorsque le·la visiteur·rice avance en amont du café, iel repère facilement les deux premières cimaises de l’exposition du même jaune que l’affiche. Attention, il ne faut pas rater l’introduction imprimée sur un bleu pâle, quelque peu obstruée par les consommateurs du café.

Tous ces détails tendent à un manque de visibilité, dû à l’architecture du théâtre plus qu’à l’exposition en elle-même, qui est au contraire à féliciter pour son dispositif inclusif. Avant de descendre les quelques marches menant aux premiers panneaux, le·la spectateur·rice ne peut manquer la signalétique indiquant l’accès à des dispositifs inclusifs, mis en place par l’Institut pour la photographie. Le·la visiteur·rice dispose d’un livret Facile À Lire et à Comprendre réalisé en collaboration avec l’association les Papillons Blancs de Roubaix, de trousses sensorielles, ainsi que de deux audiodescriptions dans l’espace d’exposition signalées par un QR code au sol et sur la cimaise.

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Pochette sensorielle, table basse comprenant l’image tactile et le livre d’or, le coin repos devant la série Jean-Louis Schoellkopf, Rotterdam, Alexanderpolder (1992), Exposition Portraits d’intérieurs, 2024, Théâtre du Nord, Lille. ©N.C

 

Bien que les cartels soient pédagogiques, le FALC permet une meilleure compréhension aux personnes en situation de handicap, dyslexiques, âgées ou allophones grâce à un texte plus concis sur l’identité du photographe, le sujet, les enjeux de l’exposition et la mission de l’Institut pour la photographie ainsi que des informations pratiques.
La trousse sensorielle — dispositif prenant en considération le TSA, Trouble du Spectre Autistique — contient un casque réducteur de bruit, des lunettes de soleil, un minuteur et plusieurs objets et jouets occupant les mains afin de réduire les surcharges sensorielles. Ce dispositif est le bienvenu dans une exposition attenante à un café, et aux flux de spectateur·rice·s venant assister à une pièce de théâtre.
L’audio-description de 4’35 minutes identifiable par un QR code au sol et par un cartel explicatif « des images imaginer », remet en contexte l’une des photographies de la série Marseille, la Cité radieuse Le Corbusier (1991) dans le travail plus général de Jean-Louis Schoellkopf. L’audio décrit formellement l’œuvre et interprète également la position, les sentiments que reflètent les visages.
L’image Palestine, Les familles musulmanes (1993) rendue tactile par embossage du support est installée sur une table basse, permettant aux visiteur·rice·s de découvrir l’œuvre par le toucher. Comme l'explique l’Institut : « Dans un souci d'améliorer l’accessibilité, nous développons, en collaboration avec Laville Braille, des photographies tactiles. » Ce dispositif est conçu pour les personnes aveugles ou malvoyantes, et plus généralement à tous·tes les curieux·ses, proposant une nouvelle manière d'appréhender les œuvres. Il s'inscrit dans une démarche d’inclusivité qui se retrouve dans l’ensemble des outils de médiation du lieu.

Enfin, au niveau inférieur, un espace de repos est composé de deux fauteuils, permettant à celleux qui le souhaitent de se poser, suffisamment proche d’une série de photographies pour en discuter.

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Jean-Louis Schoellkopf, Portraits dintérieurs (1990-2008), Exposition Portraits d’intérieurs, 2024, Théâtre du Nord, Lille. ©N.C

 

Une scénographie sans artifices

 

Après les premières marches descendues, le·la visiteur·rice arrive sur le palier intermédiaire, l’amenant à déambuler librement. Il n’y a en effet aucune indication d’un quelconque parcours à suivre. Que le·a spectateur·rice continue à droite, à gauche, ou mène un va et vient dans l’espace pour ensuite descendre, le parcours s’organise en séquences qui se lisent indépendamment les unes des autres. Les impressions jet d’encre majoritairement noir et blanc sont réunies par séries : une réalisée dans le cadre de la commande de l’Association européenne des Centres Culturels de Rencontre installés dans les monuments historiques (ACCR) portant sur la réutilisation de l’ancien site minier du Grand-Hornu, Boussu, Belgique (2002), ou encore mettant en confrontation l’Unité d’habitation Le Corbusier à Firminy (1991) avec la Cité Radieuse Le Corbusier à Marseille (1991).

L’accrochage de l’exposition semble à première vue… inachevé ? Les photographies sont tenues par deux clous peu enfoncés, seulement plantés aux deux coins supérieurs, entraînant un léger recourbement de la partie inférieure. Par ce choix, la conservatrice Carole Sandrin semble combattre l’immobilité de la photographie, renforcée par les poses statiques prises par les sujets que Jean-Louis Schoellkopf portraiture. Cet accrochage, en principe simple, détonne des expositions où les photographies sont aplanies ou mises à distance par des cadres — pratique de plus en plus courante dans les expositions d’art contemporain.

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Vue de l’exposition Jean-Louis Schoellkopf, Portraits d’intérieurs (1990-2008), Exposition Portraits d’intérieurs, 2024, Théâtre du Nord, Lille. ©N.C

 

Un arrêt sur image, mais pas sur la vie

 

Les séries photographiques de Jean-Louis Schoellkopf, comme celle qui confronte l’Unité d’habitation Le Corbusier à Firminy (1991) et la Cité Radieuse de Marseille (1991), offrent un aperçu intimiste des intérieurs où chaque détail a son importance. Schoellkopf choisit un angle précis qu’il reproduit dans tous les appartements dont la configuration est similaire voire identique. Simple et constante, cette prise rend compte des particularités de chaque habitant.
La force de son travail réside dans cette capacité à explorer la manière dont les individus investissent et transforment leur espace de vie. En jouant sur la répétition et la comparaison, Schoellkopf pousse le·la visiteur·rice à participer à un jeu des différences et des similitudes. Par exemple, dans la série réalisée dans le cadre de la commande AIR-Alexander, il est possible d’observer des fauteuils similaires (Rotterdam, Alexanderpolder, 1992), ou encore dans la série des bibliothèques à Hanovre (1992), où autour du même objet qu’est la bibliothèque, le style des habitants et leurs objets prennent une signification particulière.
Le photographe s’intéresse également aux habitants de villes en transformation, en France (Saint-Étienne, Liévin, Strasbourg, Melle, Hayange) et à l’étranger (Allemagne, Portugal, Belgique, Palestine), capturant entre 1989 et 2008 une série de moments, véritables récits de vie. Ses photographies, bien que silencieuses, sont des témoignages puissants des mutations urbaines et sociales, où chacun peut se reconnaître.
L’œil est invité à scruter les visages et objets, qui semblent parfois familiers. Ces clichés ne se contentent pas de figer l’instant, ils révèlent les histoires personnelles et les dynamiques sociales dans les espaces intérieurs des foyers. Schoellkopf nous rappelle ainsi que, malgré les différences, les espaces que nous habitons sont les reflets de nos vies, traversées de souvenirs, d’expériences, et d’émotions partagées.
La parole d’un visiteur qui n’en était pas à sa première visite et avec qui furent échangés trois mots : « c’est très touchant ».

 

Nina Colpaert

 

Informations pratiques :

Portraits dintérieurs jusqu’au 4 janvier 2025
Théâtre du Nord, 4 place du Général de Gaulle, 59000 Lille
Mardi au vendredi : 12h30 - 19h
Samedi : 14h - 19h
Entrée libre, accessible aux personnes à mobilité réduite
Commissariat : Jean-Louis Schoellkopf et Carole Sandrin, Conservatrice des fonds photographiques à l’Institut pour la photographie, assistés de Rose Durr et Margot Carette
Plus d’information sur l’exposition et les événements lillois : https://www.lille.fr/Evenements/Exposition-Portraits-d-interieurs-au-Theatre-du-Nord

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