Découvrez le "plus petit zoo du monde" à Amsterdam, où la vie microscopique se révèle à travers des expériences interactives et ludiques, transformant l'invisible en aventure fascinante.

 

© Yann Caradec, Exposition permanente, Musée Micropia, Natura Artis Magistra Zoo, Amsterdam, 2019.
 

Micropia, c’est quoi ?

Entrez dans le monde de l’infiniment petit ! Micropia un musée consacré aux microbes. Situé au cœur de la capitale Néerlandaise, il fait partie du complexe Artis qui réunit le zoo le plus ancien du pays et un jardin botanique. Dans sa communication, Micropia se surnomme “Le plus petit zoo du monde”. Créée en 2014, cette institution présente une exposition permanente aux publics locaux, touristes et aux enfants à partir de 6 ans.
L’offre muséale de la ville est principalement tournée vers l’histoire (Maison d’Anne Frank, Musée maritime) et les beaux-arts (Rijksmuseum et Le musée Van Gogh), cet établissement se veut un vent de fraicheur par son thème, sa taille et modernité.

 

L’objectif pédagogique du lieu

Invisibles et présents partout, il est temps de faire la part belle aux microbes. La création de ce musée vient du constat qu’il y a un fossé entre les publics et les sciences. Et plus particulièrement lorsqu’on parle des microbes : leur image est négative et s’est renforcée avec le confinement.
Micropia a comme objectif pédagogique d’intéresser les publics aux microbes dès l’école primaire. Pour s’en donner les moyens, ils proposent des expériences positives créant un lien entre les microbes et les publics.
Aussi, au-delà de l’exposition, Micropia déclare être une plateforme de recherche créant du lien entre scientifiques, scolaires, politiques et locaux, et cherchant à encourager les étudiants à étudier les sciences.

 

Dans le ventre de la bête

Dès les premiers pas, le visiteur est intrigué par la statue d’une sorte d’ours, dont le visiteur comprend plus tard dans la visite qu’il s’agit d’un tardigrade, l’un des animaux les plus résistants au monde. Véritable mascotte du musée (on en vend même des peluches à l’accueil), cet animal est souvent inclus dans les discussions sur le monde microscopique, mais n’est pas un microbe. Difficile de faire cette distinction dès le début de l’exposition sans explication. Ainsi, malgré des éléments de scénographie originaux et des dispositifs de médiations ingénieux, Micropia semble parfois oublier ses objectifs principaux.

 

A la recherche des microbes

L’élément le plus remarquable du musée en termes d’expérience est sa capacité à créer des moments de partage et d’interaction entre les visiteurs, tout en impliquant leurs corps.
Le début du parcours se fait à l’étage : à la sortie de l’ascenseur, se trouve quatre microscopes ayant chacun un écran tactile sur leur côté. Un visiteur prend le contrôle du microscope, à la recherche des microbes cachés sur la lamelle. Pendant sa recherche et ses mises au point, une autre personne peut s’asseoir à côté et regarder en direct sur un écran ce que l’autre découvre. Mieux, il peut aussi cliquer sur les onglets à disposition pour lire et présenter les informations concernant ce microbe (son nom, ses milieux et conditions de vie, ses moyens de reproduction) ou en voir une image numérique. Alors, à deux, ils peuvent s’aider mutuellement pour chercher les microbes cachés dans la lamelle ou apprendre plus en détails !
Après cette première découverte, plus loin est installé un dispositif numérique de la technologie Kinect que deux personnes peuvent utiliser. Il propose de scanner un corps et y trouver des microbes. Face à l’écran, les contours du corps bougent en symbiose avec le scanné. En posant sa main sur son ventre ou sa tête, une multitude d’informations apparait à l’écran : le nombre de microbes s’y trouvant, leurs noms et utilités. Les textes sont clairs, avec assez d’information pour donner envie de tester différentes zones. Les touches d’humour (le dispositif appelle à “faire connaissance avec ses compagnons fidèles”) et la fluidité du dispositif (qui permet à l’avatar de reproduire exactement les gestes, même des pas de danses) amusent.

 

SCHRIVER 2024 MondesMicroscopiques IMG1 BIS SCHRIVER 2024 MondesMicroscopiques IMG1

© Tiphaine Schriver, Exposition permanente, Musée Micropia, Natura Artis Magistra Zoo, Amsterdam, novembre 2021.

 

Puis, pour les plus extraverties, est placé au centre de l’étage le “kiss-o-meter”. Derrière un mur, sous les spots, il faut monter sur une scène en forme de cœur et s’embrasser. S’affiche ensuite sur le mur le nombre de millions de microbes échangés. C’est l’un des premiers outils de médiation du parcours vraiment léger, qui permet de faire une courte pause dans le discours scientifique, car très peu d’informations sont données.

 

Observer l’invisible

Un second sens utilisé et marquant (au vu du nombre de photos que cela concerne sur la page Tripadvisor du musée) est la vue. Micropia a développé des expériences d’observation, plus ou moins réussis en termes d’objectif pédagogique.
À mi-parcours de l’étage, une manipe permet d’observer à travers des lunettes différentes photos de mondes microscopiques. Ces images montrent leurs diversités, leurs couleurs, formes et poésies. Outil d’apparence simple et souvent présent dans des expositions, il reste néanmoins efficace, car le contenu montré est inimaginable et sort de l’ordinaire.
Plus loin, à une quinzaine de mètres, un îlot avec une colonie de fourmis démontre à une échelle plus visible la mise en place d’un petit écosystème (du moins, c’est ainsi que nous l’analysons aujourd’hui). Or, aucune trace écrite ou sonore n’explique concrètement le lien entre le dispositif des mondes microscopiques et celui-ci. Même si la parade des insectes est fascinante pour nombre de visiteurs (c’est l’un des dispositifs les plus pris en photo), il est possible de passer à côté de son objectif pédagogique (comme nous lors de la visite) et de le considérer plutôt comme un élément de décoration perdu parmi ces microbes.

 

SCHRIVER 2024 MondesMicroscopiques IMG2

© Tiphaine Schriver, Exposition permanente, Musée Micropia, Natura Artis Magistra Zoo, Amsterdam, novembre 2021.

 

Enfin, clou du spectacle de cet étage et symbole du musée : un mur avec cinquante boites de Pétri accrochées au mur. En dessous, une table vitrée longe le mur montre les objets dont sont issues les cellules se développant dans les boites. Il est expliqué que ces boites et ces objets sont changés chaque mois. L’effet “wahou” de ce dispositif va plus loin que son simple aspect visuel. Les objets sélectionnés sont ceux du quotidien et le visiteur peut réaliser de ses propres yeux l’impact de ces comportements et visualiser les millions de microbes dont il a entendu parler.

 

SCHRIVER 2024 MondesMicroscopiques IMG3

© Tiphaine Schriver,  Exposition permanente, Musée Micropia, Natura Artis Magistra Zoo, Amsterdam, novembre 2021.

 

Un retour à la réalité tardif

La partie du rez-de-chaussée est consacrée aux impacts et aux usages des microbes dans le quotidien (nourriture qui pourrit, utilisation dans les vaccins, exploitation dans les champs). Cependant, après une visite stimulante, cette seconde partie est souvent rapidement passée par les visiteurs. Elle ne fait d’ailleurs pas l’objet de quasiment aucune photo sur internet (malgré après en avoir observé plus de 900). Cela est peut-être dû à la fatigue, à un “effet waouh” de courte-durée ou une médiation moins pertinente. Et c’est finalement ce qui pêche tout au long de ce parcours, et qui est accentué en tant que visiteur non-néerlandophone.

 

Passer à côté 

Les côtés positifs sont que les agents d’accueil parlent un bon anglais, les outils de médiations numériques sont traduits, plusieurs outils de médiation sont basés sur l’observation ou l’expérience. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir un contenu écrit. Cependant, la présentation des contenus reste complexe pour atteindre l’objectif d’intéresser les écoles primaires aux microbes. Et les adultes restent sur leur faim et sentent qu’ils passent à côté d’expériences uniques et de savoirs.
Les visiteurs peuvent croiser des personnes en blouses blanches au 1er étage : sont-ils de vrais scientifiques ? des comédiens ? parlent-ils d’autres langues que le néerlandais ? pourquoi sont-ils uniquement au premier étage ? Aucune de ces informations n’est communiquée.
Ensuite, au cœur de l’exposition est délimitée un espace de médiation avec des chaises et une grande vitrine donnant sur un vrai laboratoire où des scientifiques travaillent. Le visiteur non-néerlandophone comprend grâce à une ardoise en néerlandais que c’est un espace où échanger avec un scientifique pour en apprendre plus sur les microbes. Cette animation est exclusivement en néerlandais. De fait, le visiteur francophone est exclu de cette médiation et cet espace devient vraiment un zoo où l’on observe des scientifiques vivre à travers la vitre, sans comprendre ce qu’ils font.

 

SCHRIVER 2024 MondesMicroscopiques IMG4

© Eric de Redelijkheid, Exposition permanente, Musée Micropia, Natura Artis Magistra Zoo, Amsterdam, avril 2019.

 

Dernièrement, pour la médiation à destination des enfants, un livret de chasse aux microbes est disponible à l’accueil. À chaque dispositif de médiation se trouve un tampon avec un microbe à imprimer sur son livret. Que l’outil soit utilisé ou non, il est possible de tamponner son livret. À la fin de la visite, au milieu du rez-de-chaussée, une table numérique scanne ce livret et fait apparaître les microbes en 3D par ordre d’apparition sur Terre. Censée être la conclusion de la visite pour les enfants, la réalisation 3D est belle, mais ne permet pas de savoir si l’enfant a réellement saisi les contenus ou s’est intéressé aux microbes.
En sortant de ce musée, le visiteur a la sensation de quitter l’infiniment petit pour retourner dans l’infiniment banal. Micropia se veut être un musée, mais à nos yeux, étant donné que la collection est quasiment inexistante aux yeux du public et que la scénographie est parfois théâtrale, il s’agit plutôt d’un centre de sciences.
Cet effet spectacle n’en est pas moins dû à l’effet Black box du lieu. Tout est noir et lisse du sol au plafond. La scénographie aseptisée est peut-être la version négative des laboratoires blancs et cherche à assurer le visiteur qu’il n’y contractera aucune maladie indésirée. Elle est dans la tendance des établissements “moderne” des grandes villes néerlandaises où le beau est devenu le lisse, monochrome et connecté. Après avoir plongé dans la puissance des mondes microscopiques, colorés, variés et surprenants, il est dommage de ne pas le voir dans le parti pris artistique de l’exposition.

 

Tiphaine Schriver

 

SCHRIVER 2024 MondesMicroscopiques IMG5

Schéma de l’exposition permanente, par Tiphaine Schriver, octobre 2024.

 

Encadré “Pour en savoir plus”

  • Lieu : Micropia, Plantage Kerklaan 38-40, 1018 CZ Amsterdam, Pays-Bas
  • Visite : 1 200m² sur 1 étage et 1 rez-de-chaussée
  • Tarif : Entre 8,75€ et 17,50€. Gratuit pour les moins de 13 ans, détenteurs de la Museumcard, carte Icom ou la VriendenLoterij VIP Card.
#microbe #interactif #Amsterdam #numérique

Retour