Prenant part au grand projet d’attractivité et d’accessibilité des musées, le développement des cafés et restaurants attenant ou au sein des institutions est un phénomène peu étudié. Ils sont pourtant nombreux, absolument incontournables pour les musées de grande envergure, et se présentent sous toutes les formes. Etoilé, bon marché, à concept, authentique, guindé, douillet, citoyens, ces lieux permettent d’améliorer l’accueil des publics ainsi que l’image rébarbative ou intimidante de certains musées.
Sur les réseaux sociaux TikTok et Instagram, ils ont une popularité presque aussi importante que les musées associés. Dans les grandes villes, le phénomène grandit avec la parution d’articles élogieux de la part de guides touristiques.
Ces espaces dédiés à la consommation de boisson et de nourriture ont évidemment un intérêt financier, mais ne peuvent être réduits à cet aspect car ils participent au grand effort des musées pour s’insérer dans la vie culturelle et sociale ainsi que leur ouverture aux publics les plus variés.
Lieux liminaires ou voisins de l’enceinte muséale, commerces à part entière et piliers des financements des musée, ou outils de communication et de médiation ? Quels sont les buts et usages de ces équipements ?
Un moyen d’autofinancement des musées
Les lieux de restaurations des musées ont pour objectif de générer des bénéfices, particulièrement en France, où les établissements nationaux connaissent une réduction significative des dotations de l’Etat, encourageant les musées à développer leur propre financement. Au-delà de la billetterie, les recettes propres se déclinent en deux grandes catégories : le mécénat et la valorisation des espaces. Cette valorisation peut se concrétiser par des concessions ou des locations d'espaces afin d’accueillir des réceptions, séminaires, boutiques ou encore cafés et restaurants. Dans ces conditions, et hormis les boutiques, la gestion des exploitations est le plus souvent externalisée ; c’est particulièrement vrai pour l’activité de restauration nécessitant du personnel professionnel. La gestion des tables de lieux culturels se partage entre des géants de la restauration collective (Sodexo, Compass, Elior) et des opérateurs spécialisés (Moma Group, Paris Society, Ludéric...). Pour s’assurer de rencontrer leurs publics et le succès de l’opération, ces restaurants appliquent un marketing identifiable, notamment en optant pour une image soignée et dans certains cas - s’agissant surtout de musées d’art, en faisant appel à un chef de renom proposant une cuisine raffinée, voir gastronomique. Le but étant d’attirer une clientèle aisée, familière d’établissements de ce standing, pour leur offrir une cuisine supérieure, frôlant l’art. C’est par exemple le cas de l’Atelier du Cerisier (musée du Louvre Lens), la Brasserie des Confluences (musée des Confluences, Lyon), Le Môle Passedat (MuCem, Marseille) ou encore l’Insensé (musée Fabre, Montpellier).
Des concepts stores à part entière ?
Post Instagram du Café Andry, menu temporaire © Café Andry
La volonté de tracer un parallèle entre art culinaire et beaux-arts s’exprime d’une manière plus démocratique lorsque certains de ces commerces, aux prix raisonnables, personnifient leur carte vis-à-vis des musées les accueillant, faisant des clins d’œil aux collections ou aux expositions temporaires. L’objectif est de créer une expérience alliant culture et cuisine. Le café Andry confectionne ainsi un menu personnalisé selon l’exposition temporaire en cours au musée de Grenoble. Plus discret, le Café 1902 du Petit Palais sélectionne certains produits en accord avec l’actualité du musée, comme lors de l’exposition « Les impressionnistes à Londres » à l’été 2018, où étaient proposés un thé Impressionniste au goût « fleuri », une bière Camden, ainsi qu’un Pimm’s, cocktail emblématique de la culture britannique.
Cette formule séduisante, alliée à des prix souvent attractifs, se calque sur les stratégies marketing des concepts stores misant sur le caractère unique et surprenant de l boutique qui attirera naturellement la clientèle, accélérera la croissance des ventes et ce, en limitant les dépenses de communication. Plus encore, certains de ces commerces ont une forme éphémère, généralement présents à la période estivale, et fonctionnent sur les principes d’un événement créant le sentiment d’enthousiasme et d’urgence chez les clients. Bousculons-nous donc Au Bonheur du jour, le pop-up café du musée Cognacq-Jay, pour y déguster de délicieux produits avant qu’il ne soit trop tard !
Des lieux dédiés aux publics
Au-delà de simples sources de revenus, ces cafés et restaurants sont des espaces ouverts à tous ou exclusivement dédiés aux publics des musées. Selon le mode d’accès, les consommateurs sont des personnes fréquentant le musée et/ou n’ayant pas – encore - franchi son seuil. Ces équipements, en étant accessibles directement depuis l’extérieur, accueillent de nouveaux visiteurs dans l’espace muséal, sans avoir pris un billet d’entrée. Cette stratégie vise à familiariser ceux ne comptant pas les musées, ou un certain type de musée, dans ses habitudes culturelles. Si le musée est physiquement ouvert sur la ville, il devient espace public.
Café du musée de la Vie romantique, Paris © O’bon Paris
De plus, les services proposés par ces commerces sont indispensables pour améliorer l’expérience des visiteurs ; faire une pause pour se désaltérer, se restaurer et se reposer avant, pendant ou après une visite participe au bien-être général et incite à fréquenter plus longuement le musée. Il est d’autant plus souhaitable de doter un musée de cet équipement et de réfléchir à son emplacement si les parcours sont longs et ne comportent pas ou peu d’assises. Le café Campana, situé au cœur du musée d’Orsay, au sortir de la Galerie Impressionniste, offre ainsi une parenthèse aux visiteurs afin d’échanger sur ce qui a été vu ou de ce qui va l’être, les ressentis de chacun.
Un autre cas, tel que le musée des Impressionnistes à Giverny, révèle l’usage pouvant être fait du restaurant dans le cadre d’une diversification des publics. Maintenant ses portes ouvertes durant l’hiver, période de basse fréquentation touristique, le musée propose des animations, plutôt qu’une exposition temporaire. Conférences, marché de Noël, concerts, visites du jardin etc. sont soutenus par l’ouverture du restaurant Oscar, dans le but d’attirer un public différent de la période estivale, celui des jeunes actifs parisiens. Le musée, qui est situé à proximité de la capitale, tente de dynamiser sa fréquentation à une saison non-avantageuse pour le paysage et de conquérir un nouveau public en lui promettant une expérience visiteur difficile le reste de l’année : une escapade complète et sereine de plusieurs heures.
La convivialité et l’engagement au musée
Enfin, certaines initiatives, sans s’affranchir des mêmes objectifs de rentabilité et d’amélioration de l’expérience visiteur, adoptent une dimension citoyenne tel le restaurant Atelier 1904 du Parc Explor Wendel, géré par l’association d’Action Sociale du Bassin Houiller, dans une logique d’insertion socio-professionnelle. Encadrés par des professionnels du métier, une équipe d’hommes et des femmes en recherche d’insertion professionnelle œuvre quotidiennement au bon fonctionnement du restaurant. Tout comme d’autres établissements, l’Atelier 1904 privilégie le bien manger, des aliments de qualité provenant, autant que possible, de producteurs et commerces locaux.
Estaminet du musée de la Vie rurale, Steenwerck © Sasha Pascual
3 Giverny : des établissements se mobilisent pour faire vivre le village l'hiver et attirer un public différent. En outre, d’autres espaces de restauration sont gérés et saisis par les publics comme de véritables lieux conviviaux. L’estaminet du musée de la Vie rurale de Steenwerck, nommé À la Gaîté souligne bien ses ambitions. La scénographie de cet espace, à la mode de l’ancien temps, comporte du mobilier, affiches et objets typiques de la période 1850-1950 faisant écho au parcours permanent du musée qui porte sur la reconstitution d’un village rural à cette période et du mode de vie associé. En plus d’une carte faite de produits locaux telles que des bières artisanales, des gaufres ou encore les pommes de son parc, le musée met à disposition des publics des jeux flamands d’époque, toujours aussi divertissants. Le café remplit ainsi les fonctions attendues d’une salle pédagogique, avec une sobriété de moyens, et encourage la transmission orale de ceux sachant jouer qui s’invite entre visiteurs d’âges différents. Par ailleurs, cet espace, véritable centre culturel, accueille la riche programmation associée du musée faite de concerts, spectacles, scènes ouvertes, soirées contes, etc., appliquant ainsi le projet muséal : fédérer autour d’un patrimoine vivant.
Romane Ottaviano
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