À l’image de l’Hermione à Rochefort, la Mora à Honfleur transporte les visiteurs au XIe siècle, dans les préparatifs de la conquête de l’Angleterre grâce à un chantier de reconstitution naval et à un parcours scénographique immersif. Le projet d’archéologie expérimentale s’appuie sur l’iconographie de la Tapisserie de Bayeux et l’apport d’un comité scientifique pour agrémenter la visite. À travers ce chantier spectacle qui met à l’honneur la transmission orale tout en alliant des dispositifs audiovisuels, le lieu offre un aperçu de l’histoire de la Normandie sous Guillaume le Conquérant.
L’association normande éponyme – La Mora, crée en 2018, a lancé ce projet dans l’objectif de faire renaître la Mora, navire amiral du duc normand qui a servi lors de sa traversée de la Manche en 1066. Ce chantier spectacle ouvert au public en mars dernier fait revivre le site de la Jetée de l’Est de Honfleur tout en favorisant la formation et l’insertion. Décryptage de la renaissance d’un espace jusqu’ici oublié.
Le chantier naval, élément clef de visite
Nef protégeant le chantier naval © L.C
La visite libre du chantier permet d’observer la construction de la coque sous un hangar en forme de grande nef, laissant supposer la taille finale du bateau. Le visiteur est amené à suivre un parcours longeant le navire en construction, avec à l’appui des panneaux fournissant plans et chiffres, sans jamais perdre du regard le chantier en cours. De la coupe du tronc à la mise à l’eau du bateau, toutes les étapes de construction sont présentées de manière diverse : plan d’architecte naval, schémas des mesures au Moyen-âge à destination d’enfants. Un dispositif vidéo appuie la projection du visiteur en proposant une reproduction numérique en trois dimensions des étapes de constructions futures jusqu’à l’achèvement du chantier. La forge est également un plus avec une démonstration des méthodes de travail par les forgerons eux-mêmes. La force du lieu réside indéniablement dans cette interactivité renforcée par la présence continue de médiateur. L’apport d’informations précises tout en visualisant des professionnels en plein exercice est particulièrement appréciable.
Quel effet ça fait de faire partie de l’équipage de Guillaume le Conquérant ?
Tout au long de la visite du chantier, le visiteur se projette, imagine les sensations d’une telle entreprise. Le parcours scénographique offre une réponse en proposant un parcours immersif numérique de 35 minutes le plongeant dans les préparatifs mêmes de la conquête.
Composé de quatre salles, le parcours vient pallier la juvénilité du chantier en apportant un visuel du bateau et une meilleure compréhension de la planification de la conquête. Les portes du parcours s’ouvrent sur un décor évoquant les racines de l’arbre monde nordique Yggdrasil. Des dispositifs audiovisuels permettent de retranscrire des éléments comme le bois qui craque ou encore le vent qui se lève. Les racines en cordage invitent à s’asseoir et écouter une narration fictive qui met en lumière les origines de la Normandie et de la construction navale normande, hérité des vikings.
Yggdrasil, arbre monde de la mythologie scandinave
© Photoclub Honfleur – Association la Mora Guillaume le Conquérant
La rencontre avec Hardouin, charpentier de marine dans la salle suivante vient poursuivre la plongée dans l’élaboration de la conquête. Cette salle explore l’atmosphère d’un scriptorium, atelier d’une abbaye où sont confectionnés les manuscrits. L’utilisation d’écrans-tablettes pour créer l’illusion de manuscrits ouverts fonctionne bien et intègre un visuel précis de scènes provenant de la Tapisserie de Bayeux. Cependant, le parti-pris d’accorder un temps limité par salle, ne laisse pas au visiteur le temps de profiter de l’ambiance de la salle ni de jeter un œil aux bibliothèques murales, pourtant pleines à craquer.
Rencontre avec Hardouin, charpentier de marine dans le scriptorium
© Photoclub Honfleur – Association la Mora Guillaume le Conquérant
Enfin le moment tant attendu : l’embarcation dans la Mora. Une embarcation qui se veut physique puisque le visiteur prend véritablement place dans une reproduction contemporaine du bateau du duc normand. Cette salle à 360 degrés fait monter d’un cran la dimension immersive du parcours et met à l’honneur la Mora comme l’on pourrait s’y attendre. Le choix de cantonner l’expérience à une projection audiovisuelle sans passer par des dispositifs sensoriels autres que l’ouïe et la vue rend le parcours accessible au plus grand nombre.
Embarquement dans la Mora
© Photoclub Honfleur – Association la Mora Guillaume le Conquérant
La transition avec la dernière salle est abrupte ; le visiteur débarque et accède à une tout autre thématique : les navigateurs normands des Temps modernes. Une décision qui casse la présentation du sujet principal mis en place tout au long du parcours, la Mora. Bien que surprenant, ce choix a le mérite d’amener une ouverture bienvenue, mais qui aurait peut-être nécessité un espace à part entière, en dehors du parcours immersif.
Salles navigateurs normands modernes
© Photoclub Honfleur – Association la Mora Guillaume le Conquérant
La Mora mise sur la valorisation des savoir-faire et l’utilisation de dispositifs immersifs pour mettre en lumière l’histoire de la Normandie. Une alliance entre tradition et modernité réussie. À noter que la mise à l’eau est prévue pour 2027 !
Louise Chérel
Pour aller plus loin :
Le site de La Mora : https://www.la-mora.org/
Les acteurs de la Mora en parlent sur France Bleue :https://www.francebleu.fr/emissions/visite-privee
#Viking #Normandie #Archéologie