En réserve depuis de nombreuses années, les collections d’histoire naturelle du musée de La Cour d’Or de Metz s’invitent dans un nouvel espace d’exposition permanente !
Intérieur en rénovation du futur lieu d’exposition du Pavillon de la Biodiversité © Maëlys Sinnig
Un Pavillon de la Biodiversité, pour quoi faire ?
« Un pavillon ne s’adresse pas à des spécialistes et des scientifiques, mais à un large public de 7 à 77 ans. Chacun va pouvoir picorer à son niveau des informations, tout en profitant d’un cadre magnifique », explique Philippe Brunella, directeur du musée de La Cour d’Or et de l’archéologie de l’Eurométropole de Metz.
Situé dans le quartier historique de Metz, le musée de La Cour d’Or recèle de trésors gallo-romains, des plafonds peints médiévaux, des peintures de l’école de Metz ou encore des sculptures. Inaccessible au public depuis 1976, la collection d’histoire naturelle voit de nouveau le jour au sein du Pavillon de la Biodiversité de manière permanente. En août 2025, découvrez le retour d’une partie des 35 000 spécimens dans un lieu dédié spécialement à l’histoire naturelle. Anciennement bibliothèque et bureaux, le bâtiment a subi de gros travaux de réhabilitation et de sécurisation. Désormais, 360m2 entièrement rénovés sont prêts à accueillir plus de 300 spécimens. Les visiteurs peuvent se rendre gratuitement, au rez-de-chaussée, depuis l’espace d’accueil, au sein du Pavillon de la Biodiversité.
Quel marché public et quels lots pour ce projet d’envergure ?
Le marché public publié en avril 2024 intitulé « Travaux muséographiques pour le Pavillon de la Biodiversité » se composait de trois lots :
- Lot 1 : Fourniture et pose de constructions muséographiques
- Lot 2 : Fourniture, pose et installation d'éclairages muséographiques
- Lot 3 : Fourniture et pose des équipements multimédias pour la muséographie
Ce marché est une procédure adaptée ouverte (Mapa), c’est-à-dire que chaque acheteur public définit ses propres règles, tout en respectant l’égalité de traitement des candidats et d’accès à la commande publique ainsi que la transparence desprocédures. Le marché à procédure adaptée se doit de respecter ces principes généraux de la commande publique.
A l’issue des consultations et des marchés publics, 41 entreprises ont été sélectionnées et sont impliquées dans ce projet, copiloté par le musée et la direction des bâtiments de l’Eurométropole de Metz.
La scénographie et la muséographie
Les travaux de réhabilitation ont débuté en avril 2024 afin d’accueillir le projet scénographique réalisé par Die Werft, un cabinet d’architecture et de muséographie basé à Paris et Munich. L’Eurométropole de Metz a sélectionné leur esquisse, qui investit l’entièreté du site, même en hauteur. Die Werft est en collaboration avec l’atelier de graphisme parisien Integral designers, et Patricia Dal-Pra, consultante en conservation préventive. Die Werft, Integral designers et Patricia Dal-Pra forment la maitrise d’œuvre (MOE).
La scénographie se veut immersive afin de rappeler le milieu naturel des espèces exposées, et le propos cible le grand public, principalement familial et touristique. Les
textes sont courts afin que le visiteur ne se sente pas submergé d’informations, mais plutôt immergé dans l’espace au sein des spécimens (mammifères, oiseaux, insectes, coraux…). Le musée de La Cour d’Or accueillant de nombreux touristes anglophones et germanophones, les panneaux de salles et les contenus audiovisuels sont traduits en anglais et en allemand. Cette traduction permet de toucher un plus large public sur une thématique environnementale et écologique.
Espace des milieux naturels - image issue de l’esquisse de Die Werft ©Die Werft
Le parcours de visite
Le parcours de visite se découpe en trois thématiques relatives aux milieux naturels mondiaux et lorrains.
1. Découvrir
Dès son entrée dans l’espace d’exposition, les visiteurs sont confrontés à une vision d’artiste, celle du photographe animalier français Vincent Munier, qui donne à voir une photographie permettant de s’interroger sur son rapport au vivant. La première salle est axée sur les origines du cabinet messin d’histoire naturelle du XIXe siècle, une époque très portée sur les sciences.
2. Comprendre
La seconde salle est consacrée à la biodiversité en danger. Grâce à un dispositif scénographique de miroirs tout autour des visiteurs, ces derniers se sentent immergés dans une vitrine dédiée à l’extinction. Une meute d’animaux surplombe les visiteurs. Le cheminement se poursuit par la réalisation de huit espaces naturels lorrains pensés par le conseil scientifique du Pavillon de la Biodiversité (le début des milieux, les moyennes montagnes…). Ces espaces naturels sont accessibles par une rampe inclinée et ascendante : plus les visiteurs montent, plus ils accèdent à des espaces en altitude. La compréhension est ici multisensorielle : douches sonores, projections visuelles, manipes, dispositifs tactiles, olfactifs…
3. Agir
Le dernier espace confronte les visiteurs en tant que citoyens : comment agir au quotidien pour préserver la biodiversité ? Des portraits de défenseurs et scientifiques de la biodiversité comme Annik Schnitzler et Jean-François Silvain sont révélés pour faire un lien entre histoire et présent.
Le projet revêt une dimension politique, c’est une promesse de campagne du président de la Métropole de Metz, François Grosdidier. Une dimension préventive est totalement palpable afin d’amener les visiteurs à agir de manière raisonnée et préserver la richesse et la diversité des espaces qui l’entourent. Dans l’espace réservé aux milieux naturels régionaux, les animaux sélectionnés ne sont pas mis sous vitrine afin d’accentuer la proximité entre les visiteurs et la faune. Cette perception de près des animaux amène les visiteurs à pouvoir profiter de cette biodiversité, encore existante au sein des musées grâce aux collections, mais qui s’appauvrit au-dehors de ces murs. L’idée est de sensibiliser les visiteurs à ne pas dénaturer la flore et la faune dans sa découverte des milieux naturels. Cette décision d’exposer les animaux proches des visiteurs s’inspire notamment du Musée des Sciences (MUSE) de Trente, où pour un objectif pédagogique, les animaux ne sont pas placés derrière des plexiglas.
Espace d’exposition du MUSE, Trente (Italie) © Asteria Multimedia s.r.l.
Une collection rare
De nombreux chercheurs s’intéressent à la collection d’histoire naturelle de La Cour d’Or et sollicitent régulièrement le musée pour des études. En effet, ce dernier détient l’herbier de la Moselle, constitué par le naturaliste français Jean-Joseph-Jacques Holandre, cofondateur de la Société d’histoire naturelle de la Moselle et descripteur de nombreuses espèces. L’institution conserve aussi en réserve le Pinguinus Impennis, spécimen messin capturé en 1831 sur l’îlot d’Eldey en Islande. Photographié par le photographe allemand Jochen Lempert et visible lors de l’exposition Honeyguides and Milk Teeth au Musée des Arts Contemporains (MACS) du Grand Hornu (Belgique), ce pingouin suscite l’intérêt et l’engouement d’un grand nombre de chercheurs du monde entier. Alfred Malherbe, magistrat et naturaliste messin, a acheté le pingouin au musée de Copenhague (Danemark) en 1831 et l’a donné au musée de la Cour d’Or en 1842. Le Pinguinus impennis est dans les collections de seulement 8 institutions publiques françaises.
Pinguinus Impennis, musée de La Cour d’Or (Metz) © Musée de La Cour d’Or – Eurométropole de Metz
Comment s’est opéré le choix des spécimens ?
L’appui du conseil scientifique Sur les 35 000 spécimens, les équipes du musée en ont sélectionné un peu plus de 300. Afin de réaliser cette sélection, les équipes ont réuni un conseil scientifique composé de 18 experts, dirigé par l’ornithologue français et directeur de l’Institut Européen d’Ecologie, Patrice Costa. Le conseil scientifique du Pavillon de la Biodiversité réunit des personnalités comme des chercheurs indépendants, la direction du musée de La Cour d’Or, des représentants de l’État, de l’Université de Lorraine, et d’institutions partenaires comme la Société d’histoire naturelle de la Moselle ou encore le Muséum-Aquarium de Nancy.
Pour commencer, la sélection s’est opérée sur une question de localité : une large partie des espèces était, ou est, présente en Lorraine. Il est également possible de découvrir des espèces rares telles que le pic à bec ivoire, disparu le 29 septembre 2021 d’après des scientifiques américains. En 2021, Patrice Costa a passé une partie de l’été dans les réserves du musée de La Cour d’Or, à la Maison de l’Archéologie et du Patrimoine (MAP). Aux côtés de Maëlys Sinnig, accompagnée de stagiaires de fin d’études, une mise à jour de l’inventaire et de l’étiquetage est effectuée afin de sélectionner les espèces naturalisées. Une partie de la collection choisie (40% du fonds) présente également des animaux exotiques afin de créer des passerelles entre les problématiques locales et internationales. Les visiteurs les retrouveront dans la salle consacrée au cabinet d’histoire naturelle et la vitrine monde. Cette sélection est aussi opérée de manière à alerter le public sur l’urgence de la faune et de la flore. L’objectif de ce projet est de sensibiliser à la richesse de la biodiversité, tout comme à sa fragilité.
La Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) de la région Grand Est accompagne le musée de La Cour d’Or quant aux questions d’autorisations de détention et d’exposition de spécimens d’espèces protégées naturalisées.
Patrice Costa tenant le pic à bec ivoire à la Maison de l’Archéologie et du Patrimoine de Metz © Eurométropole Metz.
La restauration des spécimens
Avant d’exposer les spécimens naturalisés sélectionnés pour le Pavillon de la Biodiversité, certains sont passés entre les mains de restaurateurs pour cause de long séjour en réserve. L’état de conservation de ces spécimens est hétérogène. Une action de conservation a déjà été menée en 2013-2014 lors du transfert des collections à la Maison de l’Archéologie et du Patrimoine de Metz.
Sept restaurateurs travaillent sur les spécimens dans le cadre de l’ouverture du Pavillon de la Biodiversité. La plus grosse partie des restaurations est effectuée par Pauline Bertrand, restauratrice habilitée à intervenir sur les collections des musées de France. Les restaurations ont consisté en des dépoussiérages et des reprises structurelles. A titre d’exemple, Pauline Bertrand a renforcé les échassiers qui, sur leurs longues pattes, étaient instables sur leur socle. Elle a également comblé des manques et des lacunes de poils, restitué des queues de loups et d’écureuils, et enlevé les tâches sur les boites d’insectes. Les restaurations permettent aussi d’en apprendre davantage sur les spécimens. En effet, l’ours exposé se trouve désormais être une femelle !
Quel avenir pour ce Pavillon ?
Projet de sensibilisation à la préservation de la biodiversité souhaité par le président de Metz Métropole François Grosdidier et n’ayant pas encore ouvert, nous pouvons
déjà nous demander : et après ? La faune et la flore évoluant très rapidement, le propos sera-t-il renouvelé afin de garder le parcours d’actualité ? L’objectif du musée
étant d’ancrer l’histoire dans le présent, mais pour combien de temps ?
En attendant, rendez-vous le 30 août 2025 pour l’inauguration du Pavillon de la Biodiversité au musée de La Cour d’Or de Metz !
Je remercie Maëlys Sinnig, attachée de conservation et cheffe de projet du Pavillon de la Biodiversité, de m’avoir apporté de précieuses informations sur ce futur projet.
Séléna Bouvard
En savoir plus :
Site internet du musée : https://musee.eurometropolemetz.eu/
Présentation du métier de chargé de projets muséographiques, Artois TV : https://artoistv.univ-artois.fr/mem-art-de-muser/presentation-des-metiers-du-musee/video/5957-metier-charge-dexposition/
Les différentes procédures de marchés publics : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F32049
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