Ingrédients :


● 1 dose d’accueil chaleureux, sans précipitation

● 2 doses d’écoute active

● 1 environnement calme et prévisible

● Quelques zestes de repères visuels rassurants

● 1 personne ressource formée et disponible

● 1 pincée de flexibilité

● Une poignée d’empathie (à volonté)

Préparation 

Commencez par créer un cadre sécurisant : lumière douce, bruit maîtrisé, circulation fluide.
Proposez un premier contact. Pour cela, munissez-vous de votre plus beau sourire. Laissez
le temps à la personne de respirer l’ambiance, sans pression.
Ajoutez une touche d’explication sur le lieu et les options possibles. Vous pouvez évoquer la
durée de la visite, les espaces calmes, le plan de visite et où sont les toilettes, les vestiaires.
Quelques conseils pour une recette inratable : si l’anxiété monte, proposez une pause dans
un espace dédié, ou la présence discrète d’une personne formée. Accompagnez sans
envahir, rassurez.
À servir avec bienveillance, en gardant à l’esprit que chaque visite est une petite victoire.

Tout le monde a déjà ressenti l’anxiété. C’est une émotion, souvent déclenchée par une situation stressante ou une peur, qu’elle soit réelle ou simplement imaginée. Dans certains cas, elle devient envahissante : quand elle ne disparaît pas, qu’elle prend trop de place au quotidien, ou qu’elle empêche de « fonctionner normalement ». On parle alors de trouble anxieux. Ce trouble peut se manifester de différentes façons : pensées négatives, agitation, tension dans le corps, difficultés à dormir, ou comportements d’évitement. Il est important de faire la différence entre une anxiété “normale”, qui aide à faire face à un danger, et une anxiété “pathologique”, plus intense et difficile à contrôler, comme dans les cas de phobies, de trouble panique ou de trouble anxieux généralisé (TAG). 4% de la population mondiale souffre d’anxiété, 15% en France. Ce type de trouble peut empêcher certaines personnes de passer la porte des lieux culturels. Cependant les musées sont considérés comme des lieux calmes et apaisants, même si, dans les grandes villes, ils peuvent être très fréquentés et bruyants, ce qui peut être difficile à vivre pour un public plus sensible. Certains musées ont commencé à mettre en place des horaires “calmes” ou des dispositifs adaptés aux personnes anxieuses comme le Centre Pompidou ou le Louvre.

Mais qu’en dit la science ?

La science soutient cette démarche. Plusieurs études montrent que visiter un musée peut réellement réduire l’anxiété. À Montréal, depuis 2018, les médecins peuvent prescrire des visites au Musée des beaux-arts comme complément thérapeutique. Cette initiative, appelée “prescription muséale”, s’est étendue à Neuchâtel, en Suisse, avec un programme pilote lancé en 2025. En France, la pratique ne s’est pas démocratisée mais des projets innovants émergent. Par exemple, à Montpellier avec “L’Art sur ordonnance”, ou à Lille avec un partenariat entre le CHU et le Palais des beaux-arts signé en 2023. Dans le cadre de ce dispositif, les patients atteints d’anxiété peuvent participer à des visites guidées spécifiques où l’accent est mis sur la contemplation des œuvres d'art dans un cadre calme. Ces visites sont adaptées aux besoins des participants, avec des médiateurs formés pour favoriser une expérience relaxante et enrichissante. En ce sens, des séances d'art-thérapie sont également proposées, permettant aux patients de s’exprimer créativement et de découvrir l'art sous un angle thérapeutique. À l’échelle internationale, le Japon explore aussi cette approche avec le concept de hakubutsukanyoku, qui se traduit par “se baigner dans l’atmosphère d’un musée”. Un travail de recherche mené entre 2020 et 2024 montre que cette immersion peut aider à réduire le stress et même à réguler la pression artérielle. En effet, les Japonais sont touchés au quotidien par le stress qu’il soit au travail ou dans le milieu scolaire. Cette hausse du niveau de stress et un mode de vie très dense ne permettent pas aux Japonais de visiter des lieux culturels particulièrement apaisants dans
leur architecture. En moyenne, un individu se rend une fois par an dans un musée. Ce chiffre très bas a fait réagir Izumi Ogata, muséologue, qui a décidé de mettre en place une application qui permettrait de sélectionner l’établissement adapté à l’état mental de l’individu. Actuellement un travail collaboratif avec le musée national de l’art occidental à Tokyo permet de continuer les recherches en cours et de les élargir à un panel de 10.000 participants contre 1.300 à l’origine. Ces initiatives montrent que les lieux culturels peuvent devenir de véritables alliés du bien-être mental à condition d’être pensés pour accueillir tous les publics.

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Cosmos © Emilie Boudet, Médiatrice culturelle pour les musées départementaux de l'Allier

Des médiateurs à quatre pattes…

Au-delà des salles de détente ou salles de tranquillité de nouveaux dispositifs tests émergent. Pour une première en France, le musée Anne de Beaujeu accueille Cosmos, un
berger australien de 4 ans. Dans le cadre d’un dispositif de médiation animale pour la première fois un chien va pouvoir cohabiter avec les œuvres du musée dans le cadre
d’ateliers pédagogiques. Sa présence permettra de rassurer et d’inviter à la détente. Cette pratique est déjà développée aux Etats-Unis. Au Fort Worth Museum of Science and History, Summit, un labrador accueille les visiteurs dans un espace calme spécialement aménagé. Le musée organise aussi des événements “sensory friendly” pour les publics sensibles. A l’Université du Missouri, Emma, un caniche formé à l’accueil, accompagne les visites guidées au musée d’art et d’archéologie. Le Children’s Museum & Theatre of Maine va encore plus loin avec quatre chiens certifiés Meadow, Bruce, Millie et Louise Cheese qui rendent visite aux enfants chaque mois, pour des moments d’échange et de réconfort. Ces initiatives montrent que la médiation animale peut jouer un rôle important dans la création de musées plus inclusifs et attentifs au bien-être mental de leurs publics.

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Chapiteau maison bulle lors d’un festival © Association Maison Bulle fondée par Marine LB

Tous les lieux culturels sont concernés

La réflexion autour de nouveaux dispositifs et d'ateliers ne peut être performante si le personnel n’a pas connaissance des spécificités du trouble de l’anxiété. Le Royaume-Uni a mis en place le programme "Museums for Mental Health" depuis 2022. Des visites adaptées aux personnes anxieuses, avec des guides spécialement formés, des horaires à faible affluence, et des zones de repos.

Tous ses dispositifs ne sont pas réservés uniquement au domaine muséal. Des campagnes publiques comme "Time to Talk" ont aussi permis de briser le tabou autour de la santé mentale. L’Australie se distingue par une approche préventive dès le plus jeune âge. Des programmes comme “Smiling Mind” sont intégrés dans les écoles primaires pour enseigner la pleine conscience, la gestion du stress et les émotions. Les lieux publics, y compris les festivals, incluent régulièrement des zones "anxiety-friendly"; ou un personnel formé accueille les festivaliers. Tous les lieux culturels sont donc concernés. En France, Le dispositif Maison Bulle est né en 2021 d’un collectif de personnes concernées par des troubles psychiques, proches, professionnels de santé, ou simplement sensibilisés réunis par une volonté commune : faire évoluer les représentations autour de la santé mentale des jeunes. Le dispositif prend la forme d'un chapiteau installé lors des festivals. Sous le chapiteau du mobilier de détente, des jeux de société, coloriages, casque anti bruit permettent de passer un moment hors de la foule.

Le théâtre est également un lieu qui se veut de plus en plus inclusif pour les personnes atteintes d’anxiété. Certaines initiatives, comme les spectacles de relaxation créés par le Théâtre de la Ville, intègrent des éléments de lumière douce et de musique apaisante pour offrir une expérience sensorielle relaxante, réduisant ainsi les symptômes d'anxiété. Le Théâtre de la Colline à Paris propose des représentations "Relax", en partenariat avec l'association Culture Relax. Ces séances sont spécifiquement imaginées pour les personnes ayant des troubles psychiques ou toute personne souhaitant bénéficier d'un environnement plus détendu. Ces projets montrent bien comment le théâtre, en tant qu'art vivant, peut jouer un rôle important dans le bien-être des individus, en aidant à améliorer leur santé mentale.

Vers une inclusivité

L’anxiété n’est plus un sujet marginal. Sa reconnaissance dans la culture et les politiques publiques marque une avancée vers une société plus informée et donc plus empathique. En adaptant les espaces, en formant les professionnels, et en intégrant la santé mentale dans les politiques éducatives et sociales, nombre de pays progressent vers une inclusivité et accordent avec la politique d'accueil de tous les publics.


Charlotte Dollet-Cormac


Pour en savoir plus :
Les safe places en festivals avec Maison Bulle
Musées sur ordonnance : quand la culture et l'art sont bons pour la santé | Slate.fr
La prescription muséale en plein essor : la culture, c'est la santé ! | France Inter
https://formation-exposition-musee.fr/l-art-de-muser/2591-prescriptions-museales-vers-le-soin

 

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