Et si le patriarcat appartenait à une époque si lointaine qu’il serait exposé dans un musée ?

© T. Schriver


“*Imaginez, nous sommes en 2035 et le patriarcat est mort. Fermez les yeux 5 minutes et imaginez un monde où les violences sexistes et sexuelles n’existent plus, où l’injustice et les inégalités liées au patriarcat sont enfin reléguées au passé*.” Ce monde si lointain devrait avoir un musée. C’est ainsi que le Musée National du Patriarcat a ouvert, le temps d’une soirée au Ground Control à Paris, le 28 février 2025.

L’association “En avant toute(s)” a consacré investi un espace de 176m2, pouvant accueillir 270 personnes debout. Sur les murs, les visiteurs et visiteuses découvrent de nombreuses affiches qui ont permis de faire la promotion de l’ouverture du musée “Venez découvrir un monde où la contraception était exclusivement féminine”, “Il y a un temps où la place des femmes dans la société se comptait en centimètre”.



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Parmi les “archives” exposées :
● des pancartes de manifestations,
● le violentomètre, outil de détection développé fin 2018 notamment par En avant toute(s) suite à une commande de l’état français,
● des jouets genrés (bébé rose, ordinateur bleu)
● des captures d’écrans où seul “Madame” ou “Monsieur” peuvent être cochés
● des rasoirs bleus et roses pour aborder la taxe rose etc.

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© T. Schriver


Ne manquant pas d’ironie pour pimenter le parcours, un vase rempli d’eau représente les “larmes ouin ouin des hommes” et une feuille blanche liste les “hommes accusés de violences sexistes et sexuelles dont la carrière a été brisée entre 2017 et 2025”.
L’association n’a pas travaillé avec des professionnels du monde muséal, néanmoins, elle a eu le réflexe de varier les moyens de médiations : une vidéo interactive sur le harcèlement de rue, et, à la fin du parcours, un mur sur lequel les participant.es répondent à “Et vous, que voulez-vous voir dans ce musée ?”.

Cette exposition éphémère, accessible après avoir fait un don à l’association, a aussi été le lieu de divers événements au cours de la soirée : discours des fondatrices de l’association, DJ sets, stand up et drag show.

Succès

L’événement relayé sur différentes plateformes (site web, instagram, journaux, magazines), a fait l’objet d’affichages publics avec MediaTransports. Et la collaboration entre l’association et l’agence de pub Artefact 3000 a été lauréate du Concours Futurs Désirables, organisée par le Club des Directeurs Artistiques.
De nombreux badauds, attirés par le mystère de cette salle feutrée de rideaux et de ses événements, ont bien tenté de se faufiler. C’était sans compter l’équipe de bénévoles qui leur demandait leurs bracelets ou bien expliquait le projet et le don de 10€ afin de rentrer. Une majeure partie était intriguée, intéressée par le projet et a fait ce don. Entre questions et réponses, la plupart d’entre eux terminaient par “Vous avez de l’espoir !”. Néanmoins, le succès fut tel que les rideaux qui marquaient la taille de la pièce, s’ouvraient de plus en plus, et que leurs ourlets ne touchaient plus le sol. Il était temps d’ouvrir l’exposition à toute.s.

Suite à ce succès temporaire, il est important de noter :
● que le sujet du patriarcat et de sa place dans un passé révolu intéresse l’opinion publique, les médias, les publicitaires
● que l’imaginaire du musée peut être saisi par tous et l’est saisi notamment par les associations à des fins de sensibilisation et d’opérations coup de poing (cf. les militants écologistes et leurs jets de soupe ou peinture)
● que le musée à l’image de lieu poussiéreux, bon à exposer des archives, lorsqu’il est repris par des sphères amatrices, est un lieu vivant, d’échanges, d’humour !

 

Tiphaine Schriver

#patriarcat #association #éphémère #féminisme

Pour en savoir plus sur “En avant toute(s)” :

“En avant toute(s) a été créée en 2013 par Ynaée Benaben et Thomas Humbert, très vite rejoint par Louise Delavier et Céleste Danos. Une vaste étude de terrain a permis de montrer que les structures destinées aux femmes victimes de violences étaient trop peu nombreuses ou surchargées et de constater la prévalence des violences chez les plus jeunes femmes.

Nous avons alors décidé d’œuvrer dans notre environnement proche en nous adressant aux personnes de notre âge en cherchant des modes de communication plus adaptés aux usages actuels et à l’imaginaire de notre génération.
Depuis 10 ans, nous développons notre expertise et menons toutes nos actions dans l’optique de : promouvoir l’égalité des genres, prévenir les violences de genre, s’adresser aux jeunes.”

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