Et si le musée de demain n’avait plus de murs ? Avec le métavers, la visite devient immersive et accessible à tous, de partout. Dernière ces belles belles promesses, quels défis techniques, éthiques et financiers limitent encore le déploiement de ces « nouvelles façons d'exposer ».

Depuis quelques années déjà, les musées explorent la réalité virtuelle pour enrichir leurs offres. Reconstituer le passé, étendre l’accès au patrimoine, briser les murs géographiques… En bref, des innovations aux multiples avantages. Mais entre défis techniques, éthiques et financiers, la démocratisation du musée virtuel reste un projet encore loin d’être universel.

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Image générée par une IA - Pixabay

Ajustez le casque de réalité virtuelle sur votre nez et laissez-vous embarquer dans un monde virtuel immersif où les frontières du réel se floutent. Le musée du Quai Branly, le Museum national d’Histoire naturelle, le MusiX... certains musées investissent déjà dans la création d’expériences en réalité mixte ou virtuelle. Toutefois, cette pratique reste relativement rare. Si ces innovations offrent des perspectives inédites pour les musées et le public, pourquoi leur usage n’est-il pas déjà démocratisé ? Quels défis éthiques, techniques et muséographiques constituent-ils ?

Un patrimoine culturel à portée de clic

Le patrimoine culturel européen est particulièrement riche et diversifié, mais reste souvent inaccessible à une large partie de la population. Numériser ces œuvres et les intégrer dans des espaces virtuels permet d’étendre l’accès à ce patrimoine au-delà des murs des musées. D’une part, cela permet de s’affranchir des dimensions du bâtiment, ouvrant la possibilité d’explorer des collections et des mises en scènes – presque – sans fin. En plus de dépasser les contraintes spatiales qui limitent leurs expositions, le virtuel permet de reconstituer des lieux historiques disparus ou altérés et de resituer le visiteur dans un contexte particulier. Dans son sous-sol, le musée de Libération de Paris a recréé le parcours d’un journaliste qui rencontre le Colonel Rol-Tanguy et son équipe, caché dans ce poste de commandement souterrain en 1944. Le visiteur déambule et interagit avec des personnages virtuels créés à partir de scènes des archives. Cette reconstitution fidèle et immersive permet de rendre les événements appartenant au passé plus tangibles et mémorables.

Pour aller plus loin : avec ces avancées technologiques, les visiteurs peuvent « voyager » dans le temps et l’espace. Par exemple, des reconstitutions en réalité virtuelle permettent de se balader dans des sites historiques dans leur état d’origine. Sous le parvis de Notre-Dame de Paris, « Éternelle Notre-Dame » entraîne le visiteur dans les différentes étapes du chantier : de sa construction aux réparations actuelles. Équipé d’un sac à dos/ordinateur et d’un casque occultant, le visiteur se déplace, voit et entend les rues de Paris il y a 850 ans. Ainsi, replacer les œuvres dans leur environnement original ou dans des scénarios historiques favorise une compréhension plus riche et transversale.

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Visiteurs en immersion face aux plans de la Cathédrale. Éternelle Notre-Dame - © Orange/Émissive - 2021

En démocratisant l’accès au patrimoine à travers les mondes virtuels, la visite devient possible aux personnes qui, pour des raisons géographiques, économiques ou physiques, ne pourraient pas se rendre dans les musées. Cela recèle un potentiel important, notamment en termes d'élargissement de l’audience et de promotion d’une véritable égalité d’accès à la culture. De plus, la création de musées virtuels pourrait ouvrir de nouvelles perspectives de coopération culturelle entre les pays. Si ces perspectives sont, en théories, enrichissantes et réjouissantes ; qu’en est-il de l’usage ? Pourquoi ces technologies si prometteuses n’ont-elles pas passé la porte de tous les musées ?

Des défis à relever et des écueils à éviter

Bien que les possibilités offertes par les musées virtuels soient nombreuses, les challenges restent nombreux. L’un des enjeux majeurs concerne la souveraineté culturelle et numérique. En effet, les musées souhaitant numériser leurs œuvres dépendent souvent de plateformes technologiques étrangères pour héberger leurs contenus. Cette appartenance pose certaines questions. Qui est propriétaire des métadonnées associées aux œuvres numérisées ? Qui garantit leur conservation à long terme ?

L’éthique de la représentation culturelle est également un enjeu de taille. Numériser des œuvres d’art ne se limite pas à une simple reproduction technique, cela implique aussi des choix de représentation. En effet, une fois modélisées il est possible de jouer sur de multiples paramètres pour moduler l’aspect de l’œuvre. Or, certains objets de culte ou œuvres anciennes possèdent une signification particulière pour les communautés concernées. Leur numérisation, et encore plus leur modification dans un environnement virtuel, pourraient être perçues comme une forme d’appropriation ou de dénaturation.

La question de l’usager dans le métavers muséal

Il est essentiel de réfléchir à la question de l’usage. Il faut nécessairement penser à inclure différents groupes sociaux et culturels, surtout dans un monde où la fracture numérique persiste. Ces musées virtuels ne doivent pas devenir des espaces réservés à une élite technologique, mais doivent être adaptés à tous les publics. Enfin, un autre enjeu réside dans le coût et l’accès aux technologies nécessaires. Aujourd’hui, les équipements de réalité virtuelle sont encore onéreux et peu ergonomiques. Les casques actuels sont souvent lourds et inconfortables, ce qui peut entraver la durée et l’expérience visiteur. Si les progrès technologiques continueront de perfectionner ces outils, il est probable que le coûts renforce la scission entre les musées disposant des moyens de développer ces technologies, et ceux qui n’en auront pas les capacités.
Les musées virtuels sont encore loin d’être universels, et chaque projet doit être adapté aux spécificités des œuvres, des publics et aux besoins des institutions. Mais lorsqu’ils sont bien réalisés, ces dispositifs peuvent offrir des expériences spectaculaires et marquantes, qui redéfinissent la manière dont nous percevons et interagissons avec le patrimoine. L’œuvre numérisée ne fait pas, à elle seule, une expérience muséale. Penser le parcours visiteurs, la mise en scène et la muséographie reste primordiales. L’équilibre entre l’innovation technologique et le respect des valeurs culturelles reste encore à réfléchir.

Loraine ODOT

 

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