La Fondation Cartier pour l’Art Contemporain dévoile son futur lieu d’exposition à l’occasion de ses quarante ans et accompagne cet anniversaire d’un podcast qui retrace son histoire : “Voir Venir, Venir Voir”.

La Fondation fête ses 40 ans

A ses débuts en 1984, la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, créée par la Maison Cartier et dirigée par l’un de ses fondateurs Alain Dominique Perrin, s’installe au sein du domaine du Montcel, en région parisienne. Elle occupe ce site pendant dix ans avant de déménager dans le sud de Paris, entre le jardin du Luxembourg et Denfert-Rochereau, dans le 14ème arrondissement. A l’image de son premier lieu d’accueil, les locaux actuels se trouvent au sein d’un parc urbain, où l’architecture et les espaces d’expositions dialoguent avec le paysage. En retrait depuis la rue, à la manière d’un squelette de verre et de métal, le bâtiment du boulevard Raspail est rapidement devenu emblématique de l’image de la Fondation : un bâtiment contemporain qui se détache de l’architecture haussmannienne du boulevard, à l’image des œuvres qu’il accueille.

3 CARTIER Image Raspail minLe bâtiment de Jean Nouvel pour la Fondation Cartier, boulevard Raspail, Paris.
A gauche : Vue extérieure, Photo ©CT. A droite : Vue intérieure, Photo ©CT.

 

A l’occasion des 40 ans de sa création, la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain a décidé de marquer le coup, en changeant de décor. Actuellement situé au 261 Boulevard Raspail, le bâtiment de la rive gauche parisienne n’accueillera bientôt plus d’expositions, en raison de sa superficie devenue trop restreinte pour les ambitions futures de la Fondation. Elles vont désormais prendre place dans le cœur de la capitale, à proximité du Louvre, du Musée des Arts Décoratifs, de la Bourse du Commerce Pinault et de la Bibliothèque Nationale de France. Entre la rue de Rivoli et le Palais Royal, un ancien immeuble Haussmannien reconverti par l’architecte Jean Nouvel deviendra le nouveau terrain de jeu de la Fondation, le tout sur plus de 6500m² de surface d’exposition contre 1200 m² auparavant. L’actuel bâtiment du Boulevard Raspail, ayant accueilli l’American Center avant que la Fondation s’y installe, sera consacrée à des espaces de bureaux - dont une partie sera toujours réservée à l’entreprise Cartier.

 40 ans d’expositions venues du monde entier, caractères singuliers et universels

Depuis sa création au milieu des années 1980, la Fondation Cartier a posé un regard à la fois singulier et universel sur l’art contemporain et les pratiques artistiques au sens large. Des dix premières années au domaine du Montcel de Jouy-en-Josas aux trente suivantes Boulevard Raspail, la Fondation Cartier offre aux artistes venant de tout horizon de la scène contemporaine la possibilité de rassembler leurs œuvres à travers des expositions sensibles et inédites, tout en leur permettant de se produire in-situ. Peinture, sculpture, tissage, collage, photographie, vidéo, design, paysage, ou même recherches mathématiques, scientifique ou domaine automobile, nombre des secteurs de la culture contemporaine sont représentés à travers les expositions de la Fondation Cartier. Un des objectifs est d’élargir les points de vues sur l’art contemporain et sa définition, sa caractérisation.
Au-delà de varier les médias et les médiums, une autre volonté de la Fondation est d’ouvrir les frontières aux pratiques artistiques internationales. Il est alors question de varier les styles, les types, les genres mais également les origines. Le panorama d’artistes de cette programmation est international, permettant de faire rayonner cette diversité à l’échelle nationale. Le tout premier artiste à avoir collaboré avec la Fondation est le sculpteur César, déjà reconnu à l’époque, aux côtés de deux artistes montant, Julian Opie et Lisa Milroy. Après eux se sont succédé de multiples artistes aux langages variés, parmi lesquels : Jean Tinguely, Agnes Varda, Ron Mueck, Patti Smith, Chuck Close, Junya Ishigami, Enzo Ferrari, Jean-Paul Gaultier, Bill Viola, Andy Warhol, Ron Arad, Issey Miyake, Claudia Andujar, David Lynch, Sarah Sze ou encore Bijoy Jain à travers le travail de Studio Mumbai, et tant d’autres…Elle clotûre ce chapitre avec une rétrospective sur l’artiste colombienne Olga de Amaral.
Cette diversité de fond et de forme fait la richesse de la Fondation depuis sa création. Chaque exposition est l’occasion de plonger le public dans un univers artistique unique. Après quarante années de création d’expositions et de programmation culturelle, les mêmes notions animent la Fondation et questionnent le visiteur : comment se réinventer perpétuellement en élargissant sans cesse le spectre de l’art contemporain, comment établir autrement les relations, aussi bien avec ce qui nous est familier qu’avec ce qui ne l’est pas et comment rester profondément inventif, ouvert d’esprit, curieux et libre ?

4 CARTIER Image Expos minDeux des dernières expositions de la Fondation Cartier : Studio Mumbai et Olga de Amaral.
Photographies © CT

 Une programmation culturelle pour rétrospective

Pour amorcer progressivement son changement de lieu, la Fondation propose une programmation culturelle qui permet au public de se replonger dans les moments phares de son histoire et ce, depuis sa création. Parmi ces propositions, un ouvrage retrace en images ces quarante ans de programmation et d’expositions, une installation photographique sur les futures façades de la rue de Rivoli met en avant les artistes ayant collaboré avec la Fondation, mais aussi un podcast de six épisodes raconte sa genèse, ses événements marquants, ses expositions majeures, le tout à travers des anecdotes inédites narrées par les fondateurs, les équipes, les artistes, archivistes, amis, mécènes, qui ont contribué à construire cette histoire. Une manière insolite et accessible d’offrir aux auditeurs un large panorama de sa production culturelle, de son fonctionnement et de ses engagements durant ces quarante dernières années.

#1 “Créer des expositions comme on crée une œuvre d’art”
Le premier épisode présente la genèse de la Fondation et ses objectifs dès ses débuts. A travers les paroles des personnes qui ont contribué à sa création, ses ambitions premières nous sont dévoilées : élaborer une programmation culturelle sans contrainte, aller au-delà de l’exposition elle-même, prolonger l’impact de l’art par-delà les murs de la Fondation, concevoir un lieu de création vivante, valoriser et promouvoir le travail d’artistes contemporains de tous horizons, connus et moins connus, tisser une relation pérenne entre artistes, commanditaires, critique et public, engager tous les acteurs qui gravitent autour de cette discipline.

#2 “Rendre à César ce qui lui appartient”
Au cours du deuxième épisode, les narrateurs lèvent le voile sur le contexte politique dans lequel la Fondation Cartier a vu le jour dans les années 1980 et le regard qui était posé sur l'art contemporain à cette époque. Les fondateurs expliquent la manière dont s’est construite la Fondation d’un point de vue entrepreneurial et comment cette méthode a pu permettre une plus grande souplesse dans la mise en place des expositions, le choix des artistes, les partis-pris muséographiques. A ce stade, il restait encore beaucoup à faire : trouver le lieu, choisir l’architecte, imaginer les premières expositions, prévoir la programmation, rencontrer les artistes, débloquer des financements…

#3 “C’est pas mal d’être un mécène”
Dans cet épisode, il est question de mettre en évidence le rôle du mécénat et son importance dans la production artistique contemporaine, et principalement dans le cas des fondations privées. L’objectif premier est de valoriser les artistes et faire reconnaître leurs œuvres - comme c’est déjà le cas pour les sportifs à l’époque, tout en dédiabolisant le regard posé sur l’argent et les financements. Cette prise de conscience s’amorce en comparant le fonctionnement à l’étranger et la pratique en France. Grâce à la régularisation et au développement du mécénat, la Fondation peut financer la production des artistes, acquérir leurs œuvres et débuter une collection propre, aménager le lieu pour les accueillir en résidence, organiser des événements pour promouvoir leur travail…

#4 ”Ma non sono morte, pourquoi voulez-vous faire une rétrospective ?
Le quatrième épisode de ce podcast aborde la création et l'expérimentation à travers les expositions. Comment traiter ce qui n’a jamais été traité, comment faire voyager le public vers un ailleurs, comment transcender les frontières en explorant toutes les zones de créations même à l’extérieur du domaine dit “artistique” ? Au fil des années, la Fondation tente de montrer et d’assumer pleinement que les limites de l’art vont au-delà de celles imposées et que les expositions ne sont pas faites pour plaire mais pour oser et marquer les esprits. Cela passe notamment par le fait d’être reconnu comme une institution muséale qui se transforme et se renouvelle sans cesse. La Fondation Cartier possède une collection qui réunit près de 4000 œuvres, réalisées par plus de 500 artistes du monde entier.

#5 “Aller voir ailleurs, et faire le mur toujours”
Cet avant-dernier épisode replonge les auditeurs dans les débuts de la Fondation et aborde le rapport étroit qu'entretient le contenu avec son contenant, c’est-à-dire les œuvres avec l’architecture qui les accueille. A travers les témoignages de l’architecte en charge du projet - aussi bien au domaine du Montcel que sur le boulevard Raspail, les grands enjeux sont explicités : valoriser le rapport au paysage, laisser la nature dominer le lieu, créer un jeu de transparence entre l’intérieur et l'extérieur, offrir un espace de liberté aux artistes, telle une toile vierge pour chaque installation, permettre de réinventer et reconfigurer indéfiniment l’espace, donner une dimension neutre, universelle et intemporelle au lieu…

#6 “Une Fondation, pas une institution”
Dans cet ultime épisode, l’ensemble des sujets traités tout au long de la narration sont de nouveau abordés, de manière à clôturer l’aventure. Après quarante années de fonctionnement, la Fondation souhaite continuer de mettre en avant un panorama éclectique et international de l’art, dans sa définition la plus large, de travailler à l’image d’un écosystème à échelle rapprochée, entretenant toujours un lien étroit avec les artistes et le public, en tentant d’inspirer et d'interroger sur les pratiques et les enjeux contemporains de nos sociétés.

Vers une altérité : des origines et un avenir controversés ?

La Fondation, pour célébrer cet anniversaire, établit un bilan que l’on pourrait considérer comme doré, de ce que furent ces quarante premières années d’activités Cela ne peut empêcher de poser la question de la subjectivité et parfois même, susciter la controverse. Ce vaste empire du monde de l’art dans le secteur privé est un des premiers en son genre en France. A l’époque où ses fondateurs mettent en place cette nouvelle activité, les fondations françaises que l’on connaît aujourd’hui telles que la Fondation Louis Vuitton, créée en 2014 ou la Fondation Carmignac, créée en 2000, n’ont pas encore vu le jour. En revanche, aux Etats-Unis, des Fondations privées telles que la Fondation Solomon R. Guggenheim ou encore la J. Paul Getty Trust existent depuis plusieurs décennies, puisqu’elles sont respectivement fondées en 1937 et 1953.

Malgré tout, se pose encore aujourd'hui de nombreuses questions en termes de consommation de l’art contemporain, la manière dont on le présente, dont on communique ou dont on capitalise sur sa diffusion. Quel rôle doivent jouer les fondations privées dans cet accompagnement et comment une médiation culturelle adaptée trouve-t-elle sa place entre profit et valorisation ? S’agit-il d’une affaire de business ou d’une volonté de mettre à la portée de tous l’infini spectre de la création contemporaine ? Quelles sont les dérives du secteur privé et les leviers qui peuvent être mis en place à l’avenir pour sortir d’un modèle basé sur des principes avant tout économiques ?
En tant que pionnière dans le domaine, la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain doit relever ces nouveaux défis avec attention. Dès sa création, elle a permis de donner les voix aux artistes de leur époque, d’une manière qui n’avait jamais existé auparavant, tout en ouvrant la voie à une nouvelle approche du monde de l’art. Elle écrit aujourd’hui un nouveau chapitre de son histoire, et doit veiller à trouver un équilibre entre tous ces différents enjeux.

5 CARTIER Image Bâtiment minFuture façade de la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, Place du Palais Royal.
Photographie ©CT

 

Clotilde TROLET


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Pour en savoir plus :

- L’Histoire continue Place du Palais Royal : https://www.fondationcartier.com/histoire-mission/fondation-40-ans
- Le podcast “Venir voir, Voir venir” : https://open.spotify.com/show/2ZJ6hggaOteJhpkhhuFjrK?si=893b1a8e10e54fe4
- L’ouvrage “Venir voir, Voir venir” : https://www.fondationcartier.com/editions/voir-venir-venir-voir
- Les archives des expositions de la Fondation Cartier : https://www.fondationcartier.com/expositions/archive

Pour aller plus loin :

- Podcast “Le Bruit de l’Art” : https://open.spotify.com/show/2xWZTl71Pxfu6kArEpilmm?si=eda45e192a8e4c9e
- Podcast “Visites d’expos” : https://www.centrepompidou.fr/fr/podcasts/podcasts-visites-dexpos
- Podcast “L’Amour de l’Art” : https://open.spotify.com/show/5ynCdvIjnQQyZr0Kmi08K2?si=22541a3f492b4695
- Podcast “ça a commencé comme ça” : https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/ca-commence-comme-ca
- Les podcasts du MAM : https://www.mam.paris.fr/fr/les-podcasts-du-mam

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