Universités et budgets réduits, menaces de mort ciblant l’historien Mark Bray, spécialisé sur l'antifascisme et réfugié difficilement en Espagne au mois d’octobre 2026, Donald Trump continue de s’en prendre à la culture.
Le 4 juillet 2026, les États-Unis, sous un air étouffant du Président Républicain Donald Trump, fêteront leurs 250 ans. De grandes célébrations sont prévues derrière des convictions jugeant toujours plus le monde culturel actuel trop “woke”. Dans la continuité de la restauration du Bureau ovale (ndlr. Initialement rénové sous la présidence de Barack Obama) comme il l’était sous George W. Bush, de la salle de Bal de la Maison Blanche ou encore de son projet présenté le 15 octobre 2026 d’Arc de Triomphe à Washington, dit l’“Arc de Trump”, s’inscrivant dans une volonté de s’inspirer de la Rome et la Grèce antiques, la présidence américaine entend persévérer la transformation de son paysage historique et culturel.
Une année compliquée pour la Smithsonian Institution
Créée en 1846 et située principalement à Washington DC, Smithsonian Institution possède des fonds historiques de plus de 157 millions d’objets et regroupe 19 musées, 21 bibliothèques et 14 centres de recherche et d’éducation. Gérée par le gouvernement fédéral avec un Conseil des Régents, elle bénéficie d’un financement public important et de fonds particuliers.
Retrouver la vérité et la raison dans l’histoire américaine.

Capture d’écran - The White House
Restoring Truth and Sanity to American History est le titre du décret présidentiel du 27 mars 2025, posté sur le site de la Maison Blanche (The White House - whitehouse.gov) et signé quatre jours plus tard. Y sont accusées les institutions d’avoir un discours d’“endoctrinement idéologique” racial et perturbateur, où depuis quelques décennies, les Américains seraient confrontés à une “réécriture de l’histoire de leur nation”, remplaçant des “faits objectifs par un récit déformé”. L’institution de recherche scientifique américaine Smithsonian Institution en est la première cible. Par exemple son exposition “The shape of Power : Stories of Race and American Sculpture” (8 novembre 2014 - 14 septembre 2025) apprend au public que la sculpture a été un outil puissant de la promotion du racisme, rappelant l’histoire colonisatrice et esclavagiste du pays.
Exposition The shape of Power : Stories of Race and American Sculpture - Smithsonian American Art Museum
Donald Trump ordonne au Département de l’intérieur, notamment à J.D. Vance, le Vice-Président, d’enquêter sur ces musées, ces centres de recherche et d’éducation, ainsi que son zoo pour éliminer “toute idéologie inappropriée”. Une des missions vise à vérifier toute dépense liée à des expositions et programmes qui “dégraderaient les valeurs américaines” et “diviseraient les Américains” sur la base des origines ethniques plutôt que de “valoriser” la nation. Publiée sur le site de la Maison Blanche, le 12 août 2025, une première lettre est adressée à Leonie G. Bunch III, Secrétaire de Smithsonian Institution, l’informant des domaines examinés et lui demandant de fournir tous les documents et listes nécessaires. Une liste d'œuvres jugées problématiques par le gouvernement a suivi le 21 août avec un titre provocateur et profondément partisan “President Trump Is Right About the Smithsonian”, critiquant l’inclusivité, les causes soutenues et le rappel des faits pourtant historiques du pays.
Dans un post du 19 août 2025 sur son propre réseau social, Truth, Donald Trump revient à la charge à coup de majuscules : “The Smithsonian is OUT OF CONTROLE”.

Truth @realDonaldTrump
Le 08 septembre 2026, la Maison Blanche liste dans son “Top 100 des victoires de Donald Trump pour les croyants”, à la section “Promotion des valeurs américaines” la demande au Vice-Président Vance de s’occuper de la Smithsonian Institution.
Un mois plus tard, l’institution annonce sur son site et ses réseaux sociaux la fermeture de ses institutions en raison du shutdown, la paralysie budgétaire du gouvernement. Les programmes, visites et événements sont annulés jusqu'à nouvel ordre. Le monde culturel s’interroge alors sur l’impact qu’aura cette fermeture concomitante avec les changements entrepris et poussés par le gouvernement. Quelles en seront les conséquences pour les autres musées américains puis internationaux ? Quelques mois plus tôt, l’institution avait fermé ses bureaux dédiés à la diversité et l’inclusion.
Des conséquences et contestations partout dans le pays
Rappelons également que le 30 mai dernier, la directrice de la National Portrait Gallery de Washington, Kim Sajet, en poste depuis 2013, a démissionné après avoir été accusée d’être “trop partisane”. Dans leur exposition “America’s Presidents” (Les Présidents de l'Amérique), un portrait de Donald Trump avait été présenté avec un cartel précisant qu’il a été “visé par deux procédures pour abus de pouvoir et incitation à l’insurrection.”
De son côté, Amy Sherald a annulé d’elle-même en juillet son exposition “American Sublime”, la première exposition personnelle d’un artiste contemporain noir, à la National Portrait Gallery de la Smithsonian Institution pour risque de censure sur son portrait engagé de dix pieds : Trans Forming Liberty de 2024. L’artiste a refusé la proposition de l’établissement de “contextualiser l'œuvre”. Cette toile était la pièce maîtresse de l’exposition. L’exposition sera néanmoins présentée le 2 novembre au Baltimore Museum of Art.
Au cours des mois, les financements fédéraux ont été réduits. Ce qui peut expliquer pourquoi la plupart des musées, parfois pris à la gorge par les conseils d’administration, restent silencieux et appliquent les demandes. L’American Alliance of Museums (AAM) s’inquiète d'une possible étendue sur l’ensemble du territoire. Le Massachusetts Museum of Contemporary Art n’a-t-il pas perdu le financement de sa prochaine exposition portant sur Jeffrey Gibson, artiste Choctaw/Cherokee, parce qu’il ne correspondait pas aux “nouvelles priorités” du président ?
De nombreux autres artistes et historiens prennent part à l’opposition contre les décisions de l’administration Trump, dont l’American Historical Association qui rappelle l’importance de l’institution pour comprendre les “réussites et les moments douloureux” du passé. Le Fall of Freedom réunissant plusieurs artistes dénonce “l’attaque de la démocratie”.
Le monde en sentirait ainsi les relents d’un passé traumatisant. Un air de déjà-vu, où les artistes et les scientifiques seraient à nouveau obligés de combattre la censure et l’idéologie complotiste de Trump. Là où les violences du terme d’“art dégénéré” (et la symbolique qui consiste à l’employer, renvoyant à la période nazie) n’en sont plus très loin contre un “No Kings” scandé les 14 juin et 18 octobre 2025 dans les rues des États-Unis.
Mathilde Leclercq
Pour aller plus loin :
Décret du 27 Mars 2025, Restoring Truth And Sanity to American History : https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/03/restoring-truth-and-sanity-to-american-history/
Lettre - The White House présentant les missions à l’Institution : https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/2025/08/letter-to-the-smithsonian-internal-review-of-smithsonian-exhibitions-and-materials/
Lettre - The White House “President Trump Is Right About the Smithsonian” : https://www.whitehouse.gov/articles/2025/08/president-trump-is-right-about-the-smithsonian/
Exposition The shape of Power : Stories of Race and American Sculpture : https://americanart.si.edu/exhibition/67675/sculpture-shape-of-power.
Exposition America’s President : https://npg.si.edu/exhibition/americas-presidents-reopened
No Kings : https://www.nokings.org/ Site du mouvement protestant contre les décisions du gouvernement américain.
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