La notion de Liberté est une valeur pleinement ancrée dans l’histoire de Bayeux. Première ville libérée de l’hexagone le 7 juin 1944, c’est aussi là que renaît la presse de la France libre avec les premières éditions de la Renaissance du Bessin.

Mémorial des reporters – Bayeux Crédit photographique : A.Gilles

 

« Se vouloir libre c’est aussi vouloir les autres libres » Simone de Beauvoir

La notion de Liberté est une valeur pleinement ancrée dans l’histoire de Bayeux. Première ville libérée de l’hexagone le 7 juin 1944, c’est aussi là que renaît la presse de la France libre avec les premières éditions de la Renaissance du Bessin.

Ma visite commence au sein de la « Liberty Alley », pôle de mémoire de Bayeux, où sont réunis le mémorial de labataille de Normandie, le cimetière britannique, ainsi que le mémorial desreporters. Créé conjointement par la ville de Bayeux et l’association Reporterssans frontières, le mémorial des reporters est un espace unique en Europe. Inauguré en 2007 ce lieu est dédié aux journalistes et reporters tués dans l’exercice de leur métier depuis 1944. Chaque année, à l’occasion du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre, les noms des derniers reporters, ayant payé de leur vie leur liberté d’informer, sont gravés sur une stèle.

Cette année, sur la stèle de l’année 2015, on remarque parmi les noms gravés celui des sept journalistes assassinés le 7 janvier 2015 à Charlie Hebdo. À l’occasion de cet hommage, Riss, actuel directeur de la rédaction et de la publication de Charlie Hebdo nous rappelle le fait que les conflits ne sont finalement pas si loin de nous « On pensait que c’était loin, on pensait que ça ne nous toucherait pas, et on ne se rendait pas compte que les gens dont on parlait étaient derrière la porte ». Sur cette stèle de l’année 2015 sont aussi présents les noms de quinze reporters syriens victimes de la guerre civile qui fait rage en Syrie depuis 4 ans.

 

Libertéde la presse, liberté d’information, liberté d’expression …

Cela fait maintenant vingt-deux ans que Bayeux, associé au Conseil général du Calvados, accueille pendant une semaine, au mois d’octobre, des reporters venus du monde entier. Ce festival, dédié à la libre information, est l’occasion de rencontres, débats, projections, expositions, … où les professionnels échangent et viennent sensibiliser le public à l’actualité des conflits internationaux, connus ou moins connus.

Ce festival met aussi en lumière le métier de reporter de guerre. D’après Carlotta Gall, présidente du Jury 2015, c’est l’occasion d’expliquer au public « les dangers, les risques, mais aussi l’intégrité de cette profession. ». Ces reporters, qui malgré les conditions périlleuses, captent l’Histoire pour nous permettre d’accéder à l’information.

 

« De Mossoul à Rakka » une exposition à l’air libre

Parmi les sept expositions proposées cette année,l’exposition collective « De Mossoul à Rakka » présente vingt photographies de grand format qui couvrent les murs de la ville et viennent témoigner des conséquences de la montée en puissance du Califat auto-proclamé de l’organisation Etat Islamique. Disposées sur les bords de l’Aune, où le quotidien s’écoule paisiblement, les clichés installent la guerre au cœur des rues de Bayeux.

Ayman Oghanna Bayeux Crédit photographique : A.Gilles

 

Le contraste est saisissant, dans un cadre paisible notre regard rencontre des scènes d’horreurs, de destructions, de fuites, un quotidien qui nous est difficile d’imaginer mais pourtant bien réel pour desmilliers de Syriens.

Rodi Said pour l’agence Reuters Bayeux Crédit photographique : A.Gilles

 

Face à un parterre de fleurs la photographie de Rodi Said vient nous confronter à la fuite des Irakiens de la minorité ethnique yézidi cherchant à échapper aux répressions de l’Etat Islamique. Difficile de ne pas s’arrêter devant les pleurs d’un enfant, devant la peur et le désarroi qu’expriment ces visages de réfugiés, d’exilés. Villes en ruines, villes désertées, villes libérées, villes refuges, l’exposition nous présente des paysages détruits sur les belles pierres des rues bayeusaines. Les photographies des combattant brandissant les armes nous paraissent tout autant irréelles.

Bulent Kilic pour l’agence France presse Bayeux Crédit photographique : A.Gilles

 

Le parcours de l’exposition se termine face à la photographie de Bulent Kilic où l’on observe deux enfants au visage fermé fuyant devant l’avancée des djihadistes de l’Etat Islamique. Face à cette photographie on remarque clairement que l’espace urbain n’est pas neutre, il peut rentrer au service d’un propos notamment pour amplifier son impact. En effet, ce lieu ne semble pas avoir été choisi pour la surface au mur qu’il offre. Placée dans une cour, derrière des grilles, une distance nous est imposée vis-à-vis de la photographie, la légende l’accompagnant en est presque illisible. Pourquoi exposer la photographie dans un lieu où le rapport avec le public est rompu ? La photographie est en fait placée au sein de l’espace enfant-jeunesse et sport de Bayeux, lieu où sont mises en place des activités de loisirs. Les rires des petits bayeusains en train de jouer rentrent en contraste avec la photographie de ces enfants bien loin du monde de l’enfance.

 

« Le plus grand réseau social c’est la rue » Pierre Terdjman

Ce propos de Pierre Terdjman, fondateur de Dysturb, collectif de photojournalistes, illustre bien l’une des particularités d’une exposition à « l’air libre ». La visibilité, la rue est un lieu de passage, un lieu où l’exposition se présente à une multitude de regards. C’est notamment ce qui a amené le collectif Dysturb à s’emparer de l’espace urbain pour y présenter leurs clichés. La rue est le moyen de palier au manque de visibilité subi par certaines actualités. Placée en extérieur, l’exposition se veut accessible. Hors les murs, les photographies viennent à la rencontre du public pour le faire réagir, le troubler ou encore le déranger. Ainsi, des personnes qui ne seraient pas venues les voir en salle d’exposition s’y trouvent confrontées. Même si tout le monde ne s’arrête pas devant les clichés, même si tout le monde n’est pas touché par leurs propos, l’audience est quand même susceptible d’être plus large que si l’exposition se tenait en lieu clos. Placées dans un environnement familier les photographies se veulent plus abordables, décomplexent le rapport que nous établissons avec elles, et nous livrent un autre regard sur l’actualité.

 

« Au regard des événements du 13 novembre 2015, le choix d’écrire sur cette exposition se veut dénonciateur de toute barbarie où qu’elle soit. Ma pensée va aux victimes et à leurs familles, à qui je rends hommage »

Amandine Gilles

Pour en savoir plus : http://www.prixbayeux.org

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