La Maison Européenne de la Photographie inaugurait au printemps dernier son tout nouvel espace d’expression : une plateforme virtuelle mettant à l’honneur l’image dématérialisée.


Entrée de l'exposition dédiée à Mihai Grecu © mep virtuelle

 

Le dispositif modélise en 3 dimensions le bâtiment de la MEP rue de Fourcy à Paris et y « introduit » une programmation parallèle. Les propositions portées sur le site web ne font pas l’objet d’une mise en exposition dans les murs. Et pour cause, le projet privilégie le support virtuel pour explorer au maximum les potentialités de l’image numérique.

La page d’accueil nous invite à entrer dans l’exposition de notre choix. A ce jour, la MEP dédie son espace virtuel à trois artistes internationaux : Atsunobu Kohira, Dionisio Gonzalez et Mihai Grecu. Avantde démarrer sa visite, l’internaute peut cliquer sur le nom de l’artiste exposé pour accéder à une présentation écrite de son travail.


Entrée principale © mep virtuelle

Escalier © mep virtuelle

 

Après avoir sélectionné le menu « entrez dans l’exposition » l’internaute est dirigé vers une nouvelle page web. Il découvre la façade extérieure du musée en 3D. Grâce à un système de fléchage il traverse le hall, monte l’escalier principal et atteint finalement la porte d’entrée de l’exposition, légèrement entrouverte. Le sens porté par cette introduction n'est pas anodin : la direction du musée cherche à inscrire la révolution numérique en ses lieux. Point négatif, l’internaute ne peut passer cette introduction s’il le désire. Il est contraint de répéter ce trajet pour accéder à chaque exposition proposée sur le site. Ce système rend la navigation peu fluide et souligne, sans le vouloir, une certaine fixité du dispositif. Aussi étrange que cela puisse paraître, le visiteur est obligé de quitter le musée virtuel et d’y entrer à nouveau pour visiter une seconde exposition.


Exposition dédiée à Mihai Grecu © mep virtuelle

 

La première exposition programmée sur le site de la MEP virtuelle [consacrée à l’artiste roumain Muhai Grecu] cherche à transformer l’espace muséal traditionnel. Le décalage entre l’entrée du musée, son grand escalier couvert de velours rouge et l’univers composé derrière la porte de l’exposition surprend le visiteur. Les vidéos de Muhai Grecu sont exposées dans un désert modélisé en 3D. Plusieurs images-symboles ponctuent l'étendue de sable : un poisson dans son bocal, une épaisse fumée, la silhouette d'un homme, un soleil de plomb. Chaque image correspond à une création vidéo. En un clic, l'internaute est redirigé sur le site de l'artiste où il pourra consulter le fichier en streaming.

On peut lire dans cette proposition la volonté de créer un espace immersif. La fonction 360° happe l’internaute et agît comme dispositif de médiation en le plongeant dans l’univers du vidéaste. Avec ce désert en 3D le travail d’animation de Muhai Grecu est aussi valorisé que ses créations vidéo.


Exposition dédiée à Denisio Gonzalez © mep virtuelle

 

Dans un tout autre registre, la présentation des œuvres de Denisio Gonzalez fait l'objet d'un accrochage dans une salle d'exposition 3D. En portant ce projet, le commissaire transpose à l’expérience d’une visite d’exposition la relation que nous entretenons quotidiennement avec les images présentes sur nos supports numériques. L'internaute parcourt l'espace virtuel en ayant la possibilité d’opérer un puissant zoom sur chaque photographie en haute définition. Son rapport à l’image en est modifié : l’effet loupe trouble sa perception des dimensions originelles de l’œuvre mais lui permet d’en saisir les moindres détails.

Ces deux expositions monographiques s’appuient sur les potentialités du numérique pour valoriser le travail vidéo et photographique des artistes présentés. Dans les deux cas de figure, elles parviennent à plonger l’internaute dans les œuvres exposées grâce aux dispositifs qu’elles développent (fonction 360°, zoom puissant). Selon moi, si elles nous permettent bien de découvrir des artistes, elles nous privent d’une médiation écrite qui nous donnerait la chance d’associer au plaisir de la découverte une appropriation plus importante du contenu des œuvres.

Il nous faudrait enfin ajouter qu'en lançant cet espace d'exposition virtuel la MEP élargit la définition de son public à des visiteurs non présents physiquement dans l'institution. En cela, elle répond à la première mission d'un musée : diffuser des contenus - et conçoit une médiation numérique spécifique autour de propositions artistiques. Élément intéressant, chaque nouvelle programmation vient enrichir le fond "permanent" d'expositions virtuelles, constituant un espace de consultation libre. Si le dispositif démocratise l'œuvre de certains artistes et interroge une redéfinition de notre relation aux images, il ne peut remplacer les interactions qui découlent d'une mise en exposition réelle et les expériences qu'elle suscite. D'où l'importance qu'il reste complémentaire aux expositions in situ.

 

N.D.

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