Une après-midi de libre, les beaux jours qui font leur retour timide, une envie de balade muséale agrémentée d’un thé et d’un macaron servis au café … Voilà un contexte bien approprié pour décider d’aller errer dans l’écrin XIXe du Petit Palais.

 

Malette de peintre et dispositifs de médiation divers © Emeline Larroudé

 

Sous la hauteur des plafonds peints dans un style fin de siècle, c’est moins l’écrasement d’une architecture monumentale que l’apaisement devant des figures lascives aux colorations douces qui s’opère. Moi, primo visiteur ? Que nenni. Devant cette magnificence, difficile de rester impassible, si bien que s’y rendre devient presque régulier. Et pourtant ! Voilà que cet établissement si souvent arpenté arrive encore à me surprendre. Dans une partie des galeries longeant les jardins fleuris se déploient des expositions temporaires. J’ai eu le loisir d’apprendre, une fois traversé le pont depuis les Invalides, que du 6 février au 13 mai 2018 se tient Les Hollandais à Paris, 1789-1914. Ma foi, un témoignage des échanges artistiques fréquents et souvent emblématiques des artistes peut être enrichissant. D’autant plus que l’affiche mentionne Van Gogh et Mondrian. Si l’un me laisse perplexe, l’autre m’éblouit par sa touche, et la mention de ces personnalités aux styles hétérogènes trahit déjà la richesse du contenu développé. De fait, j’ai rarement été déçu par une des expositions proposées par ce musée municipal Beaux-Arts. C’est alors le pas léger et l’estomac presque vide que je m’avance un peu nonchalant vers les espaces dédiés après avoir pris mon billet. Je salue l’agent de surveillance, je m’imprègne du sujet en parcourant l’introduction, je papillonne sous la verrière de chefs-d’œuvre et continue mon chemin de salle en salle, m’arrêtant ci et là lorsque mon regard se trouve inexplicablement attiré par une composition élancée ou des couleurs vives.

 

Chef doeuvre copie quand je suis devenue peintre

Copie en cours d’un chef-d’œuvre des collections du musée © E. L.

 

Là, après avoir traversé plusieurs salles présentant les travaux d’artistes qui, avouons-le, ne m’étaient pas familiers, je me plonge dans un Van Gogh qui se cherche, assez peu exploité. Je croise, amusé, des regards perplexes. C’est alors que, tandis que mes yeux longent les murs, j’aperçois une inscription blanche fléchée bien discrète sur ce fond bleu marin, « espace pédagogique ». Espace pédagogique ? Que peuvent-ils bien entendre par-là ? Ne puis-je y entrer sans petits-enfants pour prétexte ? Qu’ont-ils à leur proposer ? De la pratique ? Cela fait-il partie de l’exposition ou est-ce une annexe ? Je m’attarde à proximité, me retourne intrigué pour voir si je suis le seul à avoir remarqué cette signalétique, et constate qu’il y a du passage. La curiosité trop piquée, je ne peux m’empêcher de franchir précautionneusement le seuil d’entrée de cette salle qui, dans l’angle de la porte, semble déjà éblouir de sa lumière comme la source éclairée d’un tableau clair-obscur. Je m’arrête, saisi par la clarté qu’offrent ces grandes fenêtres donnant sur l’extérieur dans cette pièce qui retrouve une hauteur de plafond non-négligeable. Déjà, c’est l’agréable surprise, je me retrouve émerveillé dans un environnement auquel je ne m’attendais pas. Je guette et découvre, après avoir tenté de poser mon regard sur tout ce qui y est installé, que je me trouve en réalité dans L’Atelier du peintre. D’évidence, le public n’est pas plus bambin qu’ailleurs, et bien que quelque peu déstabilisé par la proposition, je me redonne toute légitimité à la parcourir.

 

Dispositif quand je suis devenue peintre

Dispositif Dessiner par la fenêtre © E. L.
 
A ma droite, un panneau de présentation des lieux auquel je ne jette qu’un rapide coup d’œil. En face, des copies non-achevées de tableaux des collections. Vers la gauche, en face des fenêtres, des tables en bois fixes avec des carnets et des crayons, invitant à dessiner l’extérieur qui transparait derrière le verre épais. Sur le pan de mur parallèle, des boîtes exposant le matériel utilisé par les peintres et son évolution au fil du temps, accompagnées d’objets à toucher, de toiles montrant les différentes étapes d’élaboration d’un tableau, de texte en braille pour ajouter à l’accessibilité du contenu, et de divers matériaux et outils emblématiques (cochenilles, couteaux, vessie animale …). Au bout, une borne tactile offrant de découvrir des collections photographiques, faisant presque office d’ovni. Et moi, je flâne d’un élément à l’autre, intrigué par cette profusion d’appel à utiliser ses sens pour ce saisir d’une matière que l’on ne doit habituellement toucher qu’avec les yeux. Une agréable surprise, voilà qui décrit au mieux cette découverte. Dans un calme encore tout mesuré, les pupilles scintillent, l’excitation et l’enchantement sont palpables sous les gestes délicats. Si certains se contentent d’effleurer, d’autres se prêtent déjà au jeu en usant de crayons pour dessiner de leurs mains. Dans le fond de la salle, une grande reproduction de photographie d’atelier de peintres recouvre le mur. C’est bien là que nous sommes.

 

Réalisation plasticienne quand je suis devenue peintre

Réalisation en cours de la plasticienne © E. L.

 

En effet, se dressent cinq ou six chevalets et leurs tabourets associés au centre de la pièce. Que font-ils ? Faut-il réserver pour participer ? Guidés par une plasticienne, certains visiteurs s’attèlent à tenter de reproduire des chefs-d’œuvre mentionnés par le catalogue de l’exposition. Celle-ci en profite pour m’informer de la gratuité de la participation, des horaires des ateliers, et du reste des informations pratiques qui se trouvent sur le panneau de présentation à l’entrée. Pardonnez ma méprise, mais ce texte tout en longueur est bien la chose la moins attrayante ici. Quand bien même, nous sommes un vendredi après-midi, et le vendredi après-midi, c’est donc atelier Dessiner pour voir. Ma petite fringale tente de me rappeler à l’ordre, mais je suis bien trop obnubilé par les créations en train de prendre forme. Quel exercice laborieux se doit être, mais quel plaisir de contempler ces travaux s’exécuter dans une concentration pleine de sérénité. Regarder, c’est déjà se libérer, profiter d’un apaisement sans commune mesure. La tentation de prendre part est là, mais d’aucun pourrait se raviser devant la peur de mal faire, de n’avoir jamais fait ou de ne pas être à la hauteur (quelle hauteur ?). Si je n’ai jusqu’alors jamais dépassé le stade de novice, j’entends bien cependant que le dessin peut être considéré comme une activité très personnelle et intime, que l’on ne souhaite pas partager avec d’illustres inconnus nous observant avec insistance.

 

Dessin quand je suis devenue peintre

Dessin effectué par un visiteur durant l’atelier Dessiner pour voir © E. L.

 

Mais le dessin, pour moi, c’est avant tout les croquis esquissés dans le jardin de ma grand-mère, à retranscrire les paysages. C’est l’herbier crayonné en récoltant diverses feuilles. C’est aussi mon oncle qui, peintre amateur, s’est tenté à une carrière d’artiste. C’est un passe-temps trop longtemps délaissé, fruit dont j’ai encore le souvenir du goût, mais que j’ai cessé de croquer. Peut-être que le moment est venu pour moi d’y revenir, dans une émulation mutuelle, ici, dans les espaces aménagés du Petit Palais. Oui, je sens les craies et fusains qui m’attirent. Le café et les macarons vont attendre, la résignation aussi.

 

Emeline Larroudé

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Liens internet :

http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/content/scholar-kits/latelier_du_peintre.pdf

http://www.petitpalais.paris.fr/expositions/les-hollandais-paris-1789-1914

https://www.facebook.com/Petit-Palais-mus%C3%A9e-des-Beaux-arts-de-la-Ville-de-Paris-273861966942/