Aspirante thanatopractrice depuis mon plus jeune âge, je me suis toujours intéressée à tout ce qui entourait la mort. Je vous laisse alors imaginer la joie ressentie lorsque j’ai découvert qu’un de mes musées préférés, le Musée ARKEOS de Douai, présentait une exposition sur les pratiques funéraires en Gaule romaine : « Vers l’infini et l’au-delà ». C’est en compagnie de Fabienne Thomas, coordinatrice des expositions temporaires que ma visite s’est déroulée.

 

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Fig 1. Vue du musée ARKEOS © Facebook du musée ARKEOS

 

Arriver à Arkeos c’est parcourir en un regard 200 000 ans d’histoire du Douaisis. Ce musée archéologique abrite les anciennes collections de la chartreuse de Douai, enrichies de découvertes archéologiques réalisées sur le territoire. C’est donc naturellement que cette exposition s’est construite avec les archéologues du service archéologique de l’agglomération et avec Sophie Vatteroni, anthropologue de Douaisis agglo.

 

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Fig 2. Affiche de l’exposition “Vers l’infini et au delà”, © Musée ARKEOS, Douai

 

Le sujet des pratiques funéraires est classique en archéologie, mais l’exposition que propose Arkeos depuis le 5 juillet 2019 présente le parti pris audacieux de présenter des reconstitutions de rituels funéraires avant leur crémation et d’offrir aux visiteurs une vision du monde des vivants à travers celui des morts. Ainsi, au détour d’une cimaise, le visiteur se trouve face à un corps enveloppé dans un linceul, avant de découvrir les vestiges archéologiques laissés par ce type de funérailles.

Que se passe-t-il à la mort d’un proche ?

C’est à cette question que répond l’exposition en proposant un parcours suivant chronologiquement les différentes étapes des funérailles chez les Gallo-romains. Si les différentes étapes n’étaient pas faites dans l’ordre ou avec soin, le défunt pouvait être voué à errer dans le monde souterrain des Enfers ou encore se transformer en un esprit malfaisant menaçant la tranquillité du foyer. Alors, quoi de plus logique que de découvrir ces rites dans leur ordre de réalisation !

 
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Fig 3. Photographie générale du parcours de l’exposition © Douaisis Agglo

 

Le parcours muséographique est conçu comme une immersion progressive dans le monde gallo-romain, jalonné de nombreuses surprises scénographiques qui dynamisent lesujet. Dès l’entrée dans l’exposition, le contexte est posé par une frise chronologique mais surtout par une carte de la région étudiée avec les principales villes d’où proviennent les expots présentés. Cette mise en contexte peut être un poncif, mais elle est bien nécessaire, notamment pour se familiariser avec les grandes régions gallo-romaines entourant le Douaisis. Cette section introductive laisse ensuite place, au détour d’un mur à une belle surprise, la présentation d’un bureau d’archéo-anthropologue. Ce parti-pris est un bel hommage à cette spécialité archéologique, et une ouverture intéressante sur des métiers souvent méconnus. Une partie de cette section s’adresse à un jeune public, peut être révélera-t-elle des vocations !

 

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Fig 4. Vue de la section introductive © CHF
Fig 5. Vue de la section “L’archéo-anthropologue ” © CHF

 

Après ce module contextuel, une explication de la croyance des romains, “L’homme face à la mort” clarifie la différence entre croyances dans une vie après la mort chez les Egyptiens et les Romains.

 
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Fig 6. Vue de la section ”L’homme face à la mort” © CHF

 

C’est alors que commence le véritable voyage au sein des funérailles gallo-romaines, qui durent parfois plus d’une semaine. Considérant que pendant la période étudiée par l’exposition, la crémation était majoritaire, elle est la seule traitée. C’est avec le module sur la crémation et le repas funéraire qu’apparaissent en nombre les sources archéologiques et littéraires et les restes sépulcraux. Au centre de chacun de ces modules, trônent deux reconstitutions des rites funéraires présentés : un bûcher et un banquet funéraire. Autour de ces éléments se développe alors le discours, éclairé par des illustrations d’Etienne Louis et des artefacts mais aussi par des photographies de reconstitutions historiques effectuées par Pater Familias (pour la plupart), compagnie de reconstitution spécialisée dans les rites gaulois.

 
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Fig 7. Vue du banquet au premier plan et du bûcher funéraire en second plan © CHF
Fig 8. Vue de la section “Le paysage funéraire” © CHF

 

Pour conclure ce voyage outre-tombe, le visiteur est ensuite invité à élargir sa vision des sépultures gallo-romaines en découvrant par le biais de la réalité virtuelle, les sépultures à hypogée de Douchy-les-mines ou en étant confronté à l’action des pilleurs de sépultures et aux conséquences archéologiques de tels gestes. Pour finir par une découverte des pratiques funéraires contemporaines extra-nationales en regard avec celles qu’il vient de découvrir.

Des dispositifs pédagogiques coup de cœur

Plusieurs points de l’exposition méritent tout particulièrement qu’on s’y intéresse, à commencer par la station numéro 2, le bureau de l’anthropologue pour mettre en avant le travail de l’archéo-anthropologue. Le choix de présenter un bureau d’anthropologue aux enfants fait d’autant plus sens que Sophie Vatteroni, anthropologue à Douaisis Agglo anime des interventions dans cet espace (notamment un apéro-archéo). L’installation de ce bureau s’est imposée à l’équipe car il fait écho aux animations autour de l’anthropologie déjà conduites par le musée qui connaissent un grand succès auprès des enfants

 

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Fig 9 et 10. Vues du bureau de l’anthropologue © CHF

 

Chez les enfants, il n’existe pas de tabou autour de la mort, au contraire, ils sont tout à fait curieux du sujet. Fabienne Thomas relate qu’à chaque fois que les enfants découvrent les esquilles (fragments d’os résiduels après une crémation), ils veulent savoir s’il s’agit de vrais os humains et sont fascinés lorsqu’elle leur répond par l’affirmative. L’armoire à tiroir qui accueille des crânes et des cubitus ainsi que le tabouret tournant ont été prêtés pour l’occasion par cette anthropologue. Un livret jeu est dédié aux enfants ainsi que des espaces où ils sont invités à jouer au puzzle avec des squelettes (factices, soyez-rassurés).

Que se cache-t'il sous ce linceul immaculé ?

 

Corps enveloppé dans un linceul blanc, visage masqué, le mort dissimulé.

Verrerie, bijoux, fruits, fleurs, pains, autant de cadeaux placés sur le linge immaculé.

Lit de bûches entremêlées, brindilles intercalées, bûcher dressé.

Fosse creusée sous le bûcher, une meilleure combustion, du temps de gagné.

Au pied de la tombe fraîchement creusée, la famille partage un repas,

En hommage aux dieux, au disparu, elle mange, elle boit,

Remplit la tombe, fait une libation, avant de tout fermer,

Une dernière fois.

 
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Fig 11. Reconstitution d’une inhumation en linceul funéraire © CHF

 

C’est cette vision qui m’est venue quand, débout, pantoise, j’ai imaginé la scène contée par la bande-son diffusée dans la salle. Le soin avec lequel a été réalisée cette mise en scène ajoute de la vie et du réel aux propos de l’exposition. Cette scénographie redonne une existence aux fragments osseux que nous y découvrons.

"Une tombe c’est une capsule temporelle ..."

-Damien Censier, commissaire de l’exposition

L’exposition s’attache à mettre en lumière ces textes et les pratiques funéraires locales en miroir, mais également, à faire ressortir les particularités régionales qui différencient la Gaule belgique de la Gaule Narbonnaise, par exemple, l’importante présence de fibules dans les dépôts funéraires du Douaisis. Toujours dans le but de mettre en exergue la complexité et la richesse des relations entre les vivants pour perpétuer la mémoire de leurs défunts. Ces rituels, bien que longs et codifiés témoignent d’une véritable attention et d’un souci du détail ainsi que d’une variété de pratiques que nous avons perdues aujourd’hui, nous qui pratiquons des funérailles uniformes et souvent peu personnalisées. Tout au long de la visite, on comprend bien la différence entre la Gaule narbonnaise et la Gaule belgique, deux territoires gaulois bien différents. Les découvertes archéologiques réalisées ces dernières années dans le Douaisis et les Hauts-de-France ont fourni un corpus d’objets qui permettaient de mettre en lumière les rituels funéraires du territoire entre le Ier siècle av.J.-C. et le IIIe siècle ap.J.-C. Ainsi s’achève le voyage outre-tombe entamé quelques heures plus tôt, à la croisée du monde des vivants et des morts à Arkeos.

Claire HAMMOUM--FAUCHEUX


#Arkeos#Exposition#Archéologiefunéraire

Pour aller plus loin

- Sur le site du musée:
https://www.arkeos.fr/musee/expositions/vers-linfini-et-lau-dela


- Présentation de l’exposition par Damien Censier, commissaire de l’exposition :
https://fb.watch/4E8PgeVON9


- Pour en savoir plus sur les reconstitutions de rites gallo-romain de Pater Familias :
https://www.facebook.com/PaterFamiliasbavay/?ref=page_internal

 

Image d'introduction : Vers l’infini et l’au-delà, jusqu’au 5 juillet 2021 ©CHF