L’exposition Divas a fait de l'œil à Elise et Marco qui l’ont vu de concert sans le savoir. L’occasion était trop belle pour ne pas comparer leur point de vue. Écrits entre quatres yeux, ces deux articles montrent que malgré deux visites différentes, leurs impressions sont au diapason. Au regard de nos compte-rendus, vous pouvez aller voir cette exposition les yeux fermés … et les oreilles grandes ouvertes ! 

 
Image d'en-tête : Tenues de scène, exposition “Divas, de d’Oum Kalthoum à Dalida” à l’Institut du Monde Arabe © EF

 

   Le week-end du 22 et 23 mai 2021, les Français.e.s pouvaient courir les bars ou visiter des expositions fraîchement réouvertes. Moi, j'étais au musée. En plus, il pleuvait à Paris : la perspective de finir trempée devant une bière ne m'enchantait guère. Les belles expositions ne manquaient pas et on peut dire que j'avais l'embarras du choix. Je me suis donc décidée pour l'exposition “Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida”. Le samedi, munie de mon billet, je me dirige vers l'Institut du Monde Arabe. Non sans jouer des coudes, je découvre cette exposition sonore et colorée qui dresse les portraits de grandes chanteuses et actrices. L’exposition se déploie sur 1000 m² répartis sur deux étages. Elle suit un parcours chronologique de 1920 à nos jours, avec en toile de fond le contexte historique et politique de l’époque. “ Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida” est une exposition signée Hanna Boghanim et Elodie Bouffard à découvrir jusqu'au 26 septembre 2021.

Une rencontre avec les divas

L’exposition plonge le.la visteur.euse dans l’intimité de ces icônes comme pourrait le faire la presse “people”, relatant leurs amours, divorces et remariage. Il est également question d'exil et de retour en terre natale. Les modules ou salles dédiées aux divas expliquent les moments clés de la carrière de chacune. Le module mettant à l’honneur Dalida permet par exemple de découvrir un pan de sa carrière en Égypte moins connu par le grand public français. L’exposition documente aussi la vie de ces artistes arabes grâce à des interviews inédites, des extraits de presse, des disques, des costumes et parures de scène mais aussi des objets plus personnels leur ayant appartenu. Par exemple, au niveau 2, une vitrine consacrée à Warda expose ses vêtements, son oud, sa valise, ses passeports, son poudrier, son parfum, son livre de chevet ou encore son pilulier. Ces objets personnels sont  attendus par les admirateur.rice.s de l’artiste. Par cette mise en vitrine, un statut presque reliquaire est conféré à ces objets du quotidien, créant une rencontre entre le.la visiteur.euse et cette artiste emblématique.

 

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Vitrine dédiée aux objets personnel de Warda, exposition “Divas, de d’Oum Kalthoum à Dalida” à l’Institut du Monde Arabe © EF

 

Une exposition musicale

Dès les premiers pas dans l'exposition, le.la visiteur.euse est accueilli.e par la voix de Dalida chantant “Helwa Ya Baladi.”Les chansons essentiellement en arabe accompagnent tout le long du parcours. Des douches sonores ou bornes audio rythment la visite. Une place très importante est accordée à la musique dans cette exposition puisque le comité scientifique est constitué de plusieurs musicologues. Un espace leur donne d’ailleurs la parole. Quatre bornes permettent d'écouter une chanson marquante de Oum Kalthoum, Asmahan, Fayrouz ou Warda, entrecoupée des commentaires d’un.e musicologue qui expliquent comment ces chanteuses utilisent leur voix comme instrument. Iel aide le.la visiteur.euse à identifier les “éléments forts” de ces chansons: improvisation, technique, métissage ou allusion à la musique européenne… Cela permet de comprendre en quoi ces artistes ont contribué à bouleverser l’histoire de la musique.
Il n’est pas nécessaire de connaître les chansons pour sentir une communion entre les visiteur.euse.s qui échangent leurs souvenirs de concert et chantonnent dans un arabe plus ou moins approximatif leurs refrains préférés. Cette convivialité atteint son apogée dans la salle de projection où est diffusée une captation du concert de Warda à l'Olympia. Ce format est propice à l’établissement de liens entre les visiteur.euse.s : lorsque la chanteuse entame “Khalik Hena”, iels se mettent à fredonner en choeur.

 

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Borne d’écoute, exposition “Divas, de d’Oum Kalthoum à Dalida” à l’Institut du Monde Arabe © EF

 

Une exposition mettant en lumière des féministes et militantes

Le contexte historique, sociologique et politique est le fil rouge de cette exposition. La première séquence présente les années 20 comme un moment de foisonnement intellectuel en Egypte. C’est dans ce paysage que les luttes convergent et où on assiste à la fois à un combat contre le colonialisme et à la naissance du féminisme dans ces sociétés patriarcales.
Au niveau 1, l’exposition montre comment les femmes arabes se sont imposées dans les théâtres et cabarets alors qu’il s’agissait encore de milieux très masculins. Ces femmes ne montent pas simplement sur scène, certaines comme Bahiga Hafez trouvent leur place sur le marché du divertissement et deviennent productrices.
En fin de première séquence, une salle est consacrée aux figures féministes égyptiennes. La scénographie reconstitue un salon d’intellectuelle féministe de la fin des années 20 en Egypte. Il y a dans ce salon une “bibliothèque féministe arabe” qui rassemble des traités, poèmes, essais sur la condition de la femme, son éducation, son accès au travail, ainsi que des numéros du magazine féministe “L’égyptienne” fondé par Hoda Chaaraoui. Le public est invité à prendre place dans un fauteuil du salon. En s’asseyant, il entend une autre pionnière du féminisme de l’époque, Ceza Nabaroui, qui raconte son dévoilement public à son retour du congrès féministe international de Rome en 1923.
Au niveau 2, les portraits des artistes mettent aussi en évidence leur engagement politique. Asmahan est effectivement espionne pendant la Seconde Guerre, chargée de faciliter les relations entre les druzes et les Alliés tandis que Warda chante en faveur de la décolonisation de l'Algérie.

 

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Reconstitution d’une bibliothèque fémniste et d’un salon, exposition “Divas, de d’Oum Kalthoum à Dalida” à l’Institut du Monde Arabe © EF

 

Fin de visite au pas de course

La dernière séquence de l’exposition montre par des dispositifs audiovisuels comment les divas inspirent la nouvelle génération d’artistes et comment leurs œuvres constituent aujourd’hui un patrimoine cinématographique et musical (fréquemment remixé en discothèque !). Le.la visiteur.euse découvre la série de collages de l’artiste contemporain Nabil Boutros qui mêle photogramme de film des années 60 extraits de publicité de l’époque. Ces travaux montrent l’héritage cinématographique et féministe légué par les actrices de l’époque.
La scénographie de l’alcôve en fin de parcours fait référence au roman graphique O nuit, ô mes yeux de Lamia Ziadé. Cette salle donne envie de se procurer l’ouvrage, pour poursuivre le voyage dans l’Orient du XXe siècle...

 

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Collage de Nabil Boutros à partir de photogramme du film “Ma femme est PDG” de Fatîn abdel-Wahab,  exposition “Divas, de d’Oum Kalthoum à Dalida” à l’Institut du Monde Arabe © EF

 

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Vitrine inspirée du roman graphique “ô nuit, ô mes yeux” de Lamia Ziadé, exposition “Divas, de d’Oum Kalthoum à Dalida” à l’Institut du Monde Arabe © EF

  

Il existe d'autres façons de prolonger sa visite. L'Institut du Monde Arabe propose une websérie sur youtube autour des grandes thématiques de l’exposition et une playlist inspirée des divas disponible sur Deezer.



Elise Franck

 Le point de vue de Marco est à lire ICI !

 

Pour aller plus loin 

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