Une évolution fascinante de l’artiste, du texte à la figuration 

Image d'en-tête : Façade du Consortium Museum © André Morin

 

Je me souviens de la première fois que j’ai vu ce bâtiment : grand, d’une infinie blancheur et surtout pas du tout en accord avec le quartier. Après être passé devant plusieurs fois et avoir admiré l’affiche du moment, j’ai franchi les portes. J’ai préféré faire un tour seul, sans visite guidée.

 

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Vue de l’exposition © Rebecca Fanuele 

 

Comme je n’avais pas spécialement envie de lire le livret de visite, j’ai parcouru les salles sans m’arrêter, à pas de géant. J’ai découvert plusieurs styles d’œuvres d’espace en espace : que penser de cette évolution de Sean Landers ? Il me fallait revenir en arrière et saisir les commentaires de la médiatrice. Et cette fois à la cadence des tortues, en tendant le cou vers chaque toile de cet artiste. La première salle nous apprend que Sean Landers est américain, ce qui explique les mots en anglais dans ses peintures. Né à Springfield en 1962, il a appris à peindre avec sa mère et sa grand-mère. Apparemment très connu aux Etats-Unis mais un peu moins en Europe. Lorsqu’il était à l’Université, il créait des sculptures en bois figuratives inspirées d’œuvres classiques ou de scènes littéraires, allant à l’encontre des tendances conceptuelles et minimalistes alors enseignées à l’époque.

Il est l’un des grands représentants de l’art contemporain du milieu des années 1990. 

Dans ce premier espace, je comprends qu’il travaille par thème mais pas forcément par série. Féru de littérature, il écrit des poèmes depuis l’adolescence. Le texte est très important pour lui. C’est en 1990 qu’il retranscrit ses écrits, qui sont une sorte de journal intime plus ou moins fictif, sur un bloc-notes jaune standard. C’est alors qu’il a un déclic et les expose à la galerie Postmasters. Son texte est jusqu’à présent plutôt spontané. Son inspiration vient de la première téléréalité qui est apparue en 1973, nommée An American Family. Cette série l’a poussé à utiliser sa vie comme support de vérité et de divertissement.

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Fart, 1993 © Rebecca Fanuele

 

Cette combinaison entre art et vie a rencontré son succès, mais cela a généré des soucis personnels. Son entourage s’est senti trahi par des propos plutôt intimes exposés au regard de tous. 

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Vue de l’exposition © Rebecca Fanuele 

 

C’est à partir de 1995 qu’il commence à sortir du texte sur toile, d’abord sa toute première était sur un fond océan et ensuite ce furent des ciels peints, comme les deux grandes toiles que je regarde attentivement. Le ciel est une thématique importante pour lui si lié au romantisme. Pour lui, les textes se trouvent sur le même pied d’égalité que la figuration. Il considère que le texte est un motif de composition, un dessin ou une image à part entière. Cependant, lorsque nous nous concentrons sur la lecture, nous quittons l’expérience de la peinture. La principale raison de ce changement de medium est que la toile de lin est plus durable que le stylo à bille et le papier. Il a d’ailleurs dit : «  L’art est pour moi une question de survie, d’immortalité. La peinture dure plus longtemps que le stylo à bille sur le papier. Donc comme ça je peignais […] ». 

Une forêt d’animaux au pelage tartan

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Vue de l’exposition © Rebecca Fanuele 

 

Tout à coup, je me sens transportée dans un univers inédit : de curieux animaux se promènent dans une forêt, me regardant avec intensité. J’ai été surpris de cette figuration si précise et de l’impression que les animaux comme les arbres ont une âme. Les nœuds des arbres sont des yeux qui nous fixent et le regard des animaux est aussi expressif que celui d’un être humain. 

Les arbres en question sont des trembles et leur particularité c’est qu’ils sont liés par leurs racines, un symbole fort en accord avec le travail d’un artiste. Les gravures présentes sur les arbres sont directement inspirées d’une clairière d’arbres fortement gravées que l’artiste a vu près du musée du Prado à Madrid. Encore une autre manière d’intégrer le texte dans ses œuvres. 

Si l’on regarde les animaux, on découvre que Sean Landers les a habillés d’un tissu tartan. La médiatrice explique qu’il s’agit d’une référence à la période Vache de René Magritte. Une période de liberté du peintre belge où son style est volontairement grossier. Les personnages qu’il fait figurer sont particulièrement grotesques et chacun d’entre eux présente des éléments en tartan.

Au sein toujours de cette forêt, une œuvre particulièrement lumineuse The Urgent Necessity of Narcissism for the Artistic Mind (Jaguar), 2014, fait partie de la série d’animaux nord-américains. Ces animaux à la fourrure tartan teinté de rose et de vert sont dans un environnement tel un diorama de musée d’histoire naturelle. 

« Maintenant nous rentrons dans le fait que tout art fait avec sérieux est essentiellement un autoportrait » S.L

Sean Landers considère que toute peinture est autobiographique. Chaque animal peut symboliser l’artiste ou un trait de son caractère. Ainsi avec le Jaguar, on voit son reflet dans l’eau, ce qui rappelle aussi Narcisse. 

La figure du marin chez Sean Landers

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Vue de l’exposition © Rebecca Fanuele 

 

Deux salles plus loin, de magnifiques peintures sur le thème marin et de la survie en mer en solitaire : le marin est une figure récurrente dans le travail de l’artiste. Derrière le tableau de Captain Homer, les médiatrices ont trouvé une note papier collée, qui décrit que : « les sept mers représentent la navigation autour de la terre, comme une image de notre voyage à travers la vie. C’est un thème ancien et important pour moi. Le marin est en fait une image de moi-même, avec toutes les pensées qui tournent en permanence dans ma tête, et tout le reste. Le fond du tableau vient du tableau de Winslow Homer, mon peintre américain préféré. »

La peinture Around the World Alone (Knox-Johnston) datant de 2011  a une anecdote plutôt amusante. Robin Knox Johnston est le portrait d’un vrai marin, qui a gagné le Golden Globe Challenge, lors du voyage en solitaire de 1968. Sur la photo du gagnant, il a remplacé la tête du vainqueur par une tête de clown. Rire grinçant : cette course a été très médiatisée car il y a eu des suicides, de la triche. D’ailleurs celui qui devait finir premier a décidé de faire demi-tour et de ne pas franchir la ligne d’arrivée. 

Les sorts dramatiques de figures mythologiques 

Enfin, la dernière salle montre un personnage en bois, nommé Plankboy. Encore une fois, cet alter égo est fortement lié à son histoire et plus particulièrement à son pays d’origine à ses origines : l’Irlande qu’il visite en 1999. Il imagine alors ce personnage seul, déboussolé et triste, qui s’apparente à son état d’esprit de n’être ni vraiment américain, ni vraiment irlandais. 

On retrouve le thème de la mythologie grecque dans cet espace. Tous les personnages incarnent un mythe, avec un destin souvent tragique comme ceux de Narcisse, Sisyphe et Dédale.

De cette visite guidée, je retiens les liens que la médiatrice faisait avec les inspirations de Landers (Magritte, Narcisse, Robin Knox Johnston), les anecdotes autour des œuvres d’autant plus qu’il n’existe pas de cartels explicatifs dans les salles. 

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Vue de l’exposition © Rebecca Fanuele 

 

            Héloïse Putaud 

 

https://www.leconsortium.fr/en/sean-landers 

http://www.seanlanders.net/ 

https://www.numero.com/fr/art/sean-landers-peinture-rodolphe-janssen-bruxelles-plankboy-point-de-vue-eric-troncy-magritte-picasso-picabia 

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