De nombreux dispositifs ont pour objectif de favoriser l’accessibilité des publics en situation de handicap. Cependant, en France, 80% des handicaps sont invisibles, comme le Trouble du Spectre Autistique (TSA). Si les anglo-saxons ont été des exemples dans la prise en considération du TSA, plusieurs institutions françaises se démarquent aujourd’hui par les moyens qu’elles mettent en place.

image libre de droit, pexels.com.

 

 Le TSA est provoqué par un développement cérébral atypique chez l’enfant. Si l’on parle de spectre, c’est pour prendre en compte toute la diversité de symptômes que présentent les personnes avec TSA. Ces troubles peuvent être une difficulté à communiquer, une difficulté à comprendre les émotions, les intérêts ou les comportements non-verbaux des autres individus ou encore des centres d’intérêt très spécifiques. Si certains ont une sensibilité accrue aux stimulations sensorielles (lumière, bruit, odeur, etc.), d'autres ont une sensibilité très faible. De la même manière, des personnes ayant un TSA peuvent présenter des capacités intellectuelles très diverses, de la déficience à l’intelligence spécialisée (le fait d’être très doué dans une discipline précise). Ainsi, cette variété de troubles s’exprime différemment chez chacun. 

À cause de leur TSA, ces personnes peuvent ressentir des situations d’inconfort, de stress, de colère ou même des douleurs physiques qui entraînent des comportements qualifiés inappropriés dans des espaces publics. Pour favoriser leur confort et les encourager à participer à des activités culturelles, les projets se multiplient dans les musées. On peut distinguer trois grandes thématiques : les aides à la visite, le bien-être et la visée thérapeutique. Ces dispositifs sont également à destination d’un public plus large et d’autres troubles cérébraux comme des déficits de l’attention avec ou sans hyperactivité, le handicap intellectuel, etc., peuvent également les apprécier.

 

Les dispositifs d’aide à la visite

Pour préparer sa visite, certains musées publient sur leurs sites internet différents documents. Des plans sensoriels permettent aux personnes atteintes de TSA de planifier le parcours qu’ils vont suivre. Sur ce type de document sont indiqués les espaces bruyants et les espaces calmes des expositions afin de ne pas être surpris. Le Musée Camille Claudel, à Nogent-sur-Seine, met à disposition gratuitement en téléchargement un plan simple et ponctué d’icônes, permettant aux visiteurs atteints de TSA de visualiser leurs parcours (image ci-dessous). Le Louvre donne accès à deux plans, un premier pour le confort visuel illustrant quels endroits sont éclairés naturellement, et le second indiquant quels sont les espaces d’exposition où l’affluence est, en moyenne, plus faible. De la même manière, la Cité des Sciences et de l’Industrie, à Paris propose également ce genre de plans mais dispose de trois espaces calmes où la lumière est moins vive et l’ambiance sonore est modérée, ce qui permet de diminuer la surcharge sensorielle si la personne a besoin d’un moment de repos.

 

Laverdure Crépin 2024 TSA IMG1

Plan sensoriel du musée Camille Claudel, mis à disposition sur le site du musée ©MuséeCamilleClaudel.

 

Ces musées mettent également à disposition des scénarios sociaux. Chacun de ces scénarios détaille les étapes à suivre pour visiter les lieux. Que ce soit pour le passage au contrôle de sécurité ou l’achat d’un billet, la Cité des Sciences et de l’Industrie a réalisé des documents, illustrés par de nombreuses photographies, où une personne en jaune montre les actions à réaliser. Des emplois du temps visuels vierges sont également téléchargeables, accompagnés d’une banque d’images, pour créer son parcours d’exposition et visualiser par anticipation les différents espaces. Le Musée Camille Claudel a publié une version pour adulte et une version pour enfant de ces scénarios sociaux en plus de pouvoir les visionner en vidéo. Le visiteur peut alors prévoir l’intégralité du parcours. La banque d’images proposée est également valorisée dans le cadre d’une Communication Alternative et Améliorée (CAA), de façon à favoriser la communication avec le ou les accompagnateurs ou avec le personnel du musée. Avec l’aide d’une éducatrice spécialisée, le Musée du Louvre a rédigé des parcours conseillés à destination des publics TSA ou de leurs accompagnateurs (Leriche, 2019). Ces parcours, relativement courts, se concentrent sur des espaces d’exposition précis et indiquent l’emplacement de certaines œuvres majeures de façon à trouver des repères dans les galeries.

Ces documents d’aide à la visite sont une première approche pour rendre le lieu d’exposition accessible. Ils témoignent du fait que l’institution s’intéresse à la question du handicap.

 

Le bien-être du visiteur

Malgré des dispositifs d’aide à la visite notables, nombre d’institutions ne proposent pas de dispositifs aidant le bien-être du visiteur. La Cité des Sciences et de l’Industrie invite les personnes atteintes de TSA à apporter leurs propres outils sensoriels, des objets permettant de canaliser l’attention ou d’aider lors de surcharge sensorielle (casque anti-bruit, lunettes de soleil, timer, fidgets, etc.). Toutefois, d'autres institutions vont plus loin en offrant aux publics spécifiques le prêt de ces objets. C’est notamment le cas des “sacs sensoriels” qui contiennent plusieurs outils d’autorégulation et permettent à la personne ayant un TSA de retrouver le calme en cas de surcharge sensorielle.

Lors de la Journée internationale du handicap, le 1ᵉʳ décembre 2023, le Muséum de Bordeaux a ainsi introduit un nouveau dispositif d'accessibilité : le sac sensoriel, baptisé sac FACIL (Facilité, Accompagne, Calme, Implique, Libère). Conçu spécifiquement pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique et de l'attention, ce sac contient une variété d'objets apaisants et réconfortants. Le sac FACIL, bien qu'initialement pensé pour les personnes ayant un TSA, est disponible pour tout visiteur. Le sac contient une sélection d'objets choisis par les visiteurs pour optimiser leur expérience. Que ce soit pour atténuer les stimulations sensorielles, se concentrer ou s'apaiser, le sac sensoriel s’adapte aux différents besoins spécifiques. Ces objets offrent un support sensoriel à la fois visuel et auditif, favorisant également la perception du corps dans l’espace. De plus, en complément de ce dispositif, l'institution a également aménagé un espace de repos équipé de fauteuils parapluies, conformément aux zones de repos déjà présentes dans d'autres musées français (Louvre-Lens, Centre Pompidou, Musée Toulouse-Lautrec, etc.). L’exemple du sac FACIL illustre bien la pertinence de la conception universelle : le dispositif est créé à partir d’un besoin spécifique mais sert l'intérêt de tous.

 

Laverdure Crépin 2024 TSA IMG2

Sac sensoriel conçu par Lucie Nadrin (responsable du pôle médiation du muséum de Bordeaux) et son équipe ©MuseumBordeaux.

 

Le Musée national de la Marine, inauguré le 27 novembre 2023, porte également une attention particulière aux personnes atteintes de TSA et revendique une accessibilité universelle. Parmi ces dispositifs, un exemple novateur est la création d'un espace sensoriel inédit au sein du musée. Cette zone, appelée communément “La Bulle", tire son inspiration de la méthode Snoezelen. Conçue spécifiquement en collaboration avec des experts et des personnes en situation de handicap, notamment celles présentant un TSA, cette bulle vise à créer un environnement apaisant, où les visiteurs peuvent interagir avec les différentes stimulations sensorielles proposées. Cet espace est ouvert à tous les visiteurs, invitant ainsi chacun à découvrir cette expérience sensorielle unique. De même, le Musée de la Marine propose à ses visiteurs des créneaux de visite avec une “scénographie adoucie”, durant lesquels les variations sonores et lumineuses sont réduites. Cette initiative s’inspire des “heures silencieuses” proposées dans certains centres commerciaux. Il s’agit d’offrir une expérience de visite plus confortable aux personnes fatigables ou ayant une hypersensibilité.

 

Laverdure Crépin 2024 TSA IMG3

Espace “d’inspiration”, nommée La Bulle, présente au cœur du parcours permanent du Musée national de la Marine ©EmmaLaverdure.

 

Il est évident que tous les musées ne peuvent pas mettre en place un espace aussi onéreux que La Bulle, mais les outils sensoriels réutilisables sont une excellente alternative si les personnes atteintes d’un TSA ne disposent pas de leurs propres objets.

 

La visée thérapeutique

En 2014, au travers du FRAME (FRench American Museum Exchange), le Palais des Beaux-Arts de Lille se met en relation avec le Musée des Beaux-Arts de Montréal et le Dallas Museum of Art. Forts de leurs différentes expériences, ils collaborent dans la rédaction d’un Guide muséal pour l’accueil des personnes autistes. Relayé par l’ICOM, ce document encourage la mise en place de différents dispositifs afin d’assurer l’inclusivité des musées et l’inclusion des personnes en situation de handicap invisible. Les musées étant des lieux informels d’apprentissage, ils « favorisent le développement d’habiletés comportementales, sociales et communicationnelles » (FRAMEwork, 2021, p. 29).

Le Palais des Beaux-Arts de Lille avait déjà mis au point fin 2013 une application pour tablette tactile, support prêté à l’accueil du musée. Conçue par l’association Signes de sens, développée en collaboration avec 2Visu production et financée par la Caisse d’Epargne Nord France Europe, Vivendi Create Joy et Pictanovo, cette application propose un parcours divertissant ponctué de jeux à destination des enfants et pensé pour être accessible aux personnes en situation de handicap. Toujours soucieux de la question du handicap et de l’accessibilité, le PBA décrit dans le FRAMEwork la mise en place d’ateliers de pratique artistique. Initialement accompagnés par un pédopsychiatre, puis par une art-thérapeute et différents personnels soignants dès 2012, ces ateliers ont pour but de développer les capacités sensorielles, intellectuelles et motrices. Introduit par une courte visite des espaces d’exposition, le participant expérimente, se concentre, s’affirme et prend conscience de sa place et de celle de l’autre dans un groupe social. Des artistes ou d’autres professionnels comme l’association Signe de Sens animent ces ateliers et définissent des thématiques, conjointement avec l’art-thérapeute, adaptés aux publics. En 2021, ce sont plus de 370 enfants, adolescents et jeunes adultes qui ont pu participer à près de 850 séances de pratique artistique.

La rédaction de ce guide permet aux professionnels des musées de prendre exemple sur ces dispositifs mis en place par les autres institutions sur la question du trouble du spectre autistique. À défaut d’avoir à disposition un atelier accessible, les professionnels de la santé s’accordent pour dire que les activités artistiques aident les personnes en situation de handicap. Toute institution peut imaginer mettre en place des visites adaptées ou peut essayer de valoriser des activités hors-les-murs avec des centres médicaux. Cependant, ce guide promeut une mixité des publics et non une véritable inclusion du handicap. La place des personnes avec TSA a été pensée, mais les personnes concernées n’ont pas été incluses dans ce travail et la mise en place de ces préconisations. Comme le conseil le FRAMEwork et l’association Signe de Sens, tous ces dispositifs sont à construire avec les publics concernés de façon à assurer leur efficacité. Les personnes en situation de handicap ne doivent pas être considérées comme des consommateurs passifs du musée, mais comme des acteurs de leurs démarches culturelles. Pour cela, la formation professionnelle est primordiale afin que chaque agent soit sensibilisé.

 

E. Laverdure & J. Crépin

 

#Accessibilité #Handicap #TSA

 

Pour en savoir plus :

 

Retour