Les 12 ans du Mimil, un emblème bordelais mis à l’honneur à l’espace Saint-Rémi
"Je veux être un artiste. Je ne vais pas vous faire un dessin !"
— Selor
L’anniversaire
Le Mimil fête non pas ses 10 mais ses 12 ans. Pour l’occasion, une exposition est installée dans le prestigieux Espace Saint-Rémi, au cœur de Bordeaux. Intitulée « Rien ne doit 10 paraître », cette exposition met à l’honneur l’univers de Selor, créateur du Mimil, figure bien connue du paysage urbain bordelais.
Cette rétrospective gratuite est organisée en partenariat avec la ville de Bordeaux et l’association L’Art du Dehors. À mi-chemin entre l’humain et l’animal, le Mimil est devenu une icône de la scène street art locale. Avec lui, Selor s’exprime, murmure, dénonce, rêve. L’exposition comprend une trentaine d'œuvres de l’artiste.
Les murs ont des âmes
L’exposition prend place dans un lieu tout aussi symbolique : l’église désacralisée Saint-Rémi, monument historique érigé entre le XIe et le XVe siècle. Après avoir été magasin, écurie, garage ou encore entrepôt du musée d’Aquitaine, le bâtiment a été réhabilité à la fin des années 1990. Depuis, il est confié à la Direction générale des affaires culturelles pour accueillir des projets culturels. Aujourd’hui, l’espace Saint-Rémi est au cœur d’une expérimentation culturelle, visant à soutenir les arts visuels dans toute leur diversité, de la photographie au design, en passant par le cinéma et les arts plastiques. Trois formats coexistent : expositions, résidences d’artistes et temps forts culturels.
Dans cette optique, l’exposition de Selor montre comment un lieu public et gratuit peut devenir un véritable aimant culturel, rivalisant avec des lieux culturels plus institutionnels. Ce qui frappe d’emblée dans l’exposition « Rien ne doit 10 paraître », c’est la liberté totale que ce soit dans le ton comme dans la forme. En effet, l’artiste a bénéficié d’une carte blanche de la ville pour concevoir l’événement dans son intégralité. Scénographie, sélection des œuvres, invitations à d’autres artistes, performances : tout a été pensé par Selor lui-même. Cette liberté a ses limites : certains cartels sont absents ou difficilement lisibles, d’autres simplement imprimés sur des feuilles A4, souvent trop petites. Mais peut-on vraiment le reprocher à un lieu géré par l’artiste lui-même, sans grands moyens ? L’exposition n’en reste pas moins lisible, et chaque œuvre trouve sa place. La diversité des formats permet de découvrir tout l’univers de l’artiste. Une exposition bien différente de celles des années précédentes comme à l’Institut Bernard Magrez en 2022 ou en 2024 à la salle l’Escoure de Lacanau.
Selor, fidèle à lui-même, ne cherche pas à être omniprésent. En accord avec sa démarche : l’art de rue n’est pas une performance continue, mais un geste libre, laissé à l’interprétation de chacun.
Le premier Mimil, Selor, © C. D-C
Selor ? Poète e-lettré, dessinateur naïf, décorateur sauvage
David Selor est un artiste discret, dont l’univers a marqué l’espace urbain bordelais depuis plus de dix ans. D’abord il est graffeur, il commence par investir les murs de la ville avec des messages percutants ponctués d’humour parfois poétiques mais avec un sens profond.
“ Faites le mur, pas la guerre”, “ un peu de couleurs dans un monde sans but” “ j’ai toujours rêvé d’avoir un rêve”.
L’envie de travailler le lettrage et de graffer serait venu à Selor dès le CM2. C’est lui qui le dit. L’artiste Seron Monbaton a fait une fresque dans son école primaire et c’est là que tout aurait commencé. Selor débute le graffiti très tôt, Selor se forme en autodidacte, explorant les techniques, les formats, les supports. Ainsi, en se baladant dans Bordeaux on découvre ses œuvres, parfois par surprise. En effet, l’artiste ne cherche pas la reconnaissance mais plutôt la liberté de s’exprimer. Dans l’exposition, on peut voir le premier Mimil, créé lors du service civique de l’artiste au Portugal en 2013 dans un centre d'accueil de personnes autistes. Ainsi, né le Mimil. Un personnage à la tête animale et un corps humain qui incarne selon lui les troubles du spectre autistique.
œuvre de Selor, © C. D-C
Quel.le bordelais.e ne connaît pas le Mimil ?
Le Mimil est mi homme mi loup et porte une marinière bien française, puisque Selor est à l’étranger lorsqu’il crée ce personnage et qu’il souhaite faire un clin d’œil à la France. Le choix de la couleur jaune n’est pas anodine, elle attire. Dans l'exposition, il est décliné sur différents supports comme la peinture à l’huile, la sculpture ou encore le collage. On peut donc voir un Mimil géant, de dos, en toge blanche …
La diversité des médiums choisis témoigne de l’évolution de l’artiste et de la richesse de son univers. L’espace Saint-Rémi, avec sa hauteur sous plafond et son architecture brute, permet une mise en scène ambitieuse. Le visiteur tourne autour des cimaises, longe les murs, s’accroupit, prend en photo. L’exposition se veut dynamique et marquante surtout avec un Mimil géant allongé sur le sol qui accueille les visiteurs. Certaines œuvres reprennent des grands classiques, comme Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich ou des références aux peintures rupestres. D’autres évoquent les codes artistiques de Basquiat. Selor ne copie pas : il s’approprie et transforme, réinvente à sa manière des symboles connus pour y insérer le Mimil. Les citations, présente sur la plupart des œuvres emblématiques des graffitis de l’artiste, interpellent. : “Être à la recherche du bonheur est une preuve de tristesse” ou “Aimer à en perdre la raison, puis désaimer à en perdre la maison”. Ce personnage jaune orange porte des messages, fait réfléchir ou rire le public. Pour acquérir une œuvre de Selor, il faut se rendre sur son site internet mais tout se passe en message privé. Pour avoir plus d’informations il faut obligatoirement le contacter car son catalogue ne présente pas les œuvres exposées.
œuvre de Selor, © C. D-C
Selor, un artiste bien accompagné
L’exposition est aussi collective. Plusieurs artistes de la scène street art ont été invités à exposer aux côtés de Selor :
A-MO, Atom Ludik, Carni Bird, Maïté Millieroux, Mika, Möka, Neshöba, Nigoull, Noty Aroz, Perro, Piko Paséos, MR Poulet, Marc Pouyet, R-Nuage, Rouge.
Chacun.e.s apportent sa touche, sa couleur, son style et sa lecture du monde. Le résultat est au final une exposition collective vivante. Lors de la clôture de l'exposition, une performance artistique a été réalisée par Vida Moka, Zarbfullcolor, Carni Bird, Demiemolle2, Protez : les artistes ont graffé sur les œuvres de Selor et les murs de l’exposition. Cette performance s’inscrit parfaitement dans la démarche des artistes.
L’exposition est donc finie mais Selor ainsi que les autres artistes continuent leur démarche. Mercredi 2 Avril 2025, Selor, Mr Poulet, A-MO ont créé pour la Spa de Bordeaux une fresque. Toujours sous le trait humoristique, cette fresque vient tout de même rappeler l'engagement des artistes pour la cause animale. Car oui, Selor, à travers le Mimil, interroge notre rapport à la nature et aux êtres vivants. L’art est ici un moyen de militer avec douceur certes, mais aussi avec fermeté et conviction.
Pas besoin de grands discours, de fioritures, le Mimil est là : ouvrez l'œil, il n’est jamais très loin au détour d’une ruelle bordelaise.
Charlotte Dollet-Cormac
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